Le mythe du dirigeant qui décide seul ne tient plus
Pendant longtemps, le leadership s'est construit autour d'une figure centrale : celle du dirigeant visionnaire, capable de décider vite, seul et contre tous.
Pendant longtemps, le leadership s’est construit autour d’une figure centrale : celle du dirigeant visionnaire, capable de décider vite, seul et contre tous. Cette image continue d’alimenter les récits entrepreneuriaux. Pourtant, elle correspond de moins en moins à la réalité vécue par celles et ceux qui dirigent aujourd’hui.
Jamais les décisions n’ont été aussi complexes à prendre. Instabilité économique, mutations technologiques, tensions géopolitiques, attentes sociales contradictoires : le champ des possibles se rétrécit tandis que la responsabilité individuelle s’alourdit. Le dirigeant est sommé d’être à la fois stratège, visionnaire, garant du sens et gestionnaire du risque.
Cette accumulation crée une forme de solitude stratégique rarement exprimée. Parler de doute ou d’hésitation reste perçu comme un aveu de faiblesse, alors même que l’environnement exige plus que jamais de la lucidité, de la nuance et de la coopération. Beaucoup continuent donc à décider seuls, non par conviction, mais par absence d’alternative perçue.
Or cette solitude a un coût. Elle favorise les angles morts, ralentit l’adaptation et accroît la pression psychologique. Elle entretient aussi l’illusion que la décision juste serait nécessairement individuelle, alors que les enjeux contemporains appellent des regards croisés et des intelligences collectives.
Le leadership ne disparaît pas : il change de nature
Les organisations les plus résilientes sont souvent celles qui ont su sortir de ce modèle vertical. Non en diluant la responsabilité, mais en créant des espaces où la décision se construit, se confronte et s’enrichit. Le leadership ne disparaît pas : il change de nature.
Reconnaître que l’on ne décide plus seul ne signifie pas renoncer à l’autorité ou à l’ambition. Cela implique de comprendre que la complexité actuelle ne se traite pas par la surenchère de contrôle, mais par la qualité des interactions et des alliances.
Dans un monde incertain, la véritable force d’un dirigeant ne réside peut-être plus dans sa capacité à trancher seul, mais dans son aptitude à s’entourer, à écouter et à construire des décisions plus justes collectivement. Le leadership de demain ne sera pas moins exigeant. Il sera simplement plus lucide, plus ouvert et, à bien des égards, plus humain.