Comment se préparer à une culture de l'innovation

Culture de l'innovation. Ces quelques mots nous font immédiatement penser à 3M, Apple, Pixar ou Google. Vous savez, ce type d’entreprise ou l’innovation paraît complètement intégrée à leur fonctionnement quotidien comme par "magie".

3M, Apple, Pixar ou Google. Favi, Poult ou Salti. Des entreprises qui ont su intégrer l’innovation de façon permanente et durable dans leurs pratiques au contraire de la majorité des entreprises pour lesquelles l’innovation est :
  • “Originelle” : la bonne idée du début qui n’est pas renouvelée,
  • “Accidentelle” : la découverte inattendue qui peut créer une disruption involontaire,
  • Evénementielle” : la cession de Brainstorming annuelle.
Pourtant, il n’y a pas besoin d’incantations pour établir et maintenir une culture de l’innovation dans laquelle la créativité est une posture managériale (et pas une valeur vide de sens) et l’expérimentation est une attitude partagée (et pas seulement un processus).
Plutôt que de vous donner une recette qui ne pourra forcément pas convenir à toutes les cultures d’entreprise déjà établies, je vous propose déjà de rassembler les premiers ingrédients prérequis à toute culture de l’innovation. Pour cela je me suis inspiré de l'image que beaucoup de dirigeant utilise pour parler de leur culture : l'ADN.

L’ADN de votre culture d'entreprise

Pour ce premier article sur la culture de l’innovation commençons par rassembler les ingrédients de base en nous fondant sur cet “ADN” que beaucoup d’entreprises utilisent comme synonyme de Culture d'entreprise. Utilisons les Nucléotides, G, A, C et T pour décrire les ingrédients de base de toute culture :

(G)éographie et Histoire

Votre entreprise est elle ancienne ? A-t-elle des traditions provenant de son/ses fondateur(s) ? Quelle a été l’empreinte des dirigeants successifs ? Est-elle « Brick and Mortar » ou « Pure Player » ? Est-elle urbaine, ou rurale,..? Est-ce que tout le monde est autorisé à avoir des idées où sont-elles uniquement issues de la direction  ?

(A)rgent et actionnariat

Quelle est le rapport de votre entreprise au financier ? Doit-elle rendre des comptes à des actionnaires ou est-elle d’avantage « sociale » ? Est-elle orientée long-terme ou court-terme ? Les idées misent restent t-elles des idées où sont elles toujours suivies de discussion net d’exécution ?

(C)ulture, codes et règles

Quel est le rapport au temps, au groupe, à l’émotion, à l’échange, à la prise de risque dans votre entreprise ? Votre management est-il plutôt autoritaire, participatif, collaboratif… ? Votre management favorise t-il l’émergence d’idées et l’implication de ceux qui les ont eues dans leur réalisation ?

(T)echnologies et « autres changements »

Quels sont les bouleversements rencontrés par votre organisation dans le temps ? Comment avez-vous évolué suivant les différentes mutations technologiques, législatives ou capitalistiques rencontrées ? Avez-vous des moyens techno favorisant la circulation des idées ? Avant de commencer à réfléchir à  faire évoluer votre culture vers une culture de l’innovation, commencez par mettre ces lettres dans l’ordre selon votre culture actuelle.
Avez-vous une culture d’avantage Startup TCAG, d’avantage orientée financière ACTG0? Est-elle plutôt familiale AGCT, etc...
Lorsque c'est fait, rassemblez les 4 conditions de l’ADN de l’innovation

L’ADN de l'innovation

1 - Première condition : Géographie et Histoire

Commencer par se mettre d’accord sur le terme d’innovation. Avant de commencer à partir dans toutes les directions et à réfléchir comment recruter des iconoclastes, apprendre des techniques de créativité à vos managers ou lancer un programme de Méditation comme Facebook ou Google, réunissez vous pour répondre à une seule question : “C’est quoi l’innovation pour nous” ?
L’histoire de votre entreprise va bien évidemment colorer cette réponse. Avez-vous été fondé par un ingénieur ? Par un entrepreneur solitaire ? Êtes-vous une entreprise du web pour qui “gratuit” et “communautaire” décrivent les produits ou êtes vous une entreprise plutôt familiale qui fait référence à un grand père fondateur ?
Selon cette histoire vous allez pouvoir créer votre propre définition de l'innovation plutôt que d'aller en chercher une parmi la trentaine qui circule. Créez vous une définition simple comme : "innovation = valeur + créativité + exécution”.
Ne partez pas dans du compliqués, version Wikipédia : "L'innovation est un concept économique qui recouvre l'ensemble des activités micro-économiques marchandes des entreprises de production, de prestations de service et de distribution dédiées à la mise sur le marché mondial de nouveautés, de produits et de services nouveaux ou significativement améliorés et à l'adoption en leur sein des changements et des mesures internes améliorant leur efficacité".
La question de définition est importante parce que derrière la compréhension de l’innovation se cache des pratiques, des valeurs et des cultures très différentes d’une entreprise à l’autre sans oublier les dirigeants qui ont eux-même une compréhension de ce sujet qui peut être différente en fonction de leur propre histoire.
La prochaine fois que vous réunissez votre CODIR. Demandez à chacun de définir l’innovation. Il y a de très fortes chances que chacun ait sa propre définition. A vous de parvenir à une définition commune, claire et partagée, dans laquelle chacun se retrouve et que vous puissiez ensuite communiquer au reste de votre entreprise.

2 - Seconde condition : Argent et Actionnaire

Il faut se donner les moyens et établir les règles d'engagement et d'implication.
La différence entre Engagement et Implication est très simple. Sans doute connaissez vous déjà la blague sur ce sujet :dans les œufs au bacon, la poule est impliquée alors que le cochon est engagé.

L’engagement de l’entreprise dans l'innovation

Il s’agit de l’engagement en temps et en moyens que vous - dirigeants - êtes prêt à investir en fonction du type d’innovation que vous recherchez :
  • l’amélioration continue ou “Quickwins" rapidement rentable permettant d’améliorer l’existant ou de réduire les coûts.
  • la disruption via des projets de recherche demandant des investissements de plus long terme et plus risqués mais éventuellement plus rémunérateurs.

L’implication des collaborateurs dans l’innovation

Il s’agit de savoir comment vous allez engager vos collaborateurs à participer aux actions innovantes en participant ou plus simplement en donnant leurs meilleures idées.
Aller vous compter sur la bonne volonté de tout un chacun ? Allez vous élaborer un système de points récompensant les idées les plus rémunératrices ? Allez vous intégrer l’émetteur de l'idée au projet ?
Le rémunérer au pourcentage de valeur créée ou économie réalisée ?
La prochaine fois que vous rassemblerez votre équipe RH, trouvez la réponse à cette question simple mais pourtant très complexe : comment rémunérerez-vous les idées permettant de créer de la valeur ? Je vous aide : le prix d’une idée émise par un collaborateur va d’une poignée de main à 30 millions de dollars.

3 - Troisième condition : Culture, codes et règles

Il faut arrêter de manager et créer une relation de confiance ! Encourager l’innovation ne tient pas seulement à la façon dont l’entreprise récompense les idées ! C’est aussi et d’abord la façon dont le management punit les erreurs et les échecs.

Autoriser l'échec

Trop d’entreprises oublient d’adapter leur culture au fonctionnement de l’innovation qui passe par des phases d’expérimentation, d’essais et parfois - voir souvent - d’échecs. Il semble pourtant évident qu'un management “comme d’habitude" a de fortes chances de donner des idées “comme d’habitude”. 
Au doigt mouillé je dirais que cela fait environ 2 ans qu’en France on commence enfin à parler d’apprendre par l’erreur plutôt que de chercher à la cacher sous le tapis. Faire une erreur pour apprendre à condition qu’elle soit involontaire et qu’elle puisse profiter à toute l’entreprise, certes, par contre je n’entends encore personne parler d’assumer ses erreurs.
Une équipe anglophone organise bien une conférence sur l’erreur en Anglais la “Failcon"  mais je n’ai pas encore entendu parler d’entreprises françaises qui comme l’équipe d’Intuit se rassemble régulièrement pour parler et apprendre des erreurs commises durant la période.

Créer un environnement de partage

Au-delà de la tarte à la crème de cette license à échouer, un autre sujet est aussi important : la confiance dans le management.
Croyez-vous qu’il suffit de décréter la semaine de l’innovation ou de mettre “créativité” ou “innovation” dans la liste de ses valeurs pour que tout d’un coup tous vos collaborateurs vous ensevelissent sous une avalanche d’idées incroyables, innovante et juteuses ?
Il y a fort à parier que non pour cause d’un déficit de :
  • Autonomie :  “Personne ne nous a jamais demandé nos idées avant, nous n’avons pas l’habitude”,
  • Confiance : “J’ai eu une idée mais mon manager se l’ai approprié",
  • Reconnaissance : “Personne n’est revenu vers moi pour me dire ce que valait mon idée",
  • Engagement (ah tiens, nous nous retrouvons) : “J’ai une idée mais je me la garde pour éventuellement monter mon business".
Donc la prochaine fois que vous avez vos manager dans la même pièce, demandez leur d’un air innocent quels sont pour eux les obstacles à l’innovation et voyons s’ils s’incluent parmi ceux-ci.

4 - Quatrième condition : Technologie - Faciliter la collision des idées

Les technologies, notamment sociales, sont une opportunité incroyable pour déployer une culture de l'innovation

Pour collecter les idées

Aujourd’hui de nombreux systèmes de collecte d’idées sont sur le marché. L'exemple le plus connu est celui de Orange IDClic. L'utilisation des réseaux sociaux d’entreprise commence à se répandre. Collecter les idées des uns et des autres devient de plus en plus facile.
Le véritable enjeu cependant n'est pas tant dans la collecte des idées que dans la concertation qui s'ensuit pour sélectionner celles qui seront étudiées aujourd'hui, plus tard ou jamais. Les idées peuvent désormais s'affronter sans que les galons de celui qui les donne entre en ligne de compte.
Cette collecte héritée des boites à idées du temps des cercles de progrès et système de management de la qualité n’est que la première étape.

Pour faire murir les idées

Les outils sociaux d'échange et de partage sont un moyen incroyable pour faciliter la rencontre des idées et leur complémentarité. Pour citer le talk TED de Steven Johnson, idée est souvent issue de l'agrégation de plusieurs intuitions données par plusieurs personnes.
Je vais faire la prédiction que d'ici 2018 beaucoup d’entreprises auront établi leur "Place de marché des idées" -  marketplace of ideas en anglais - et auront même commencé à ouvrir ces places de marché à des entreprises non concurrentes.

Pour réaliser les idées

Enfin, l'un des autres intérêt de ces réseaux sociaux internes est de rendre les projets issus des idées collectées  connus de tous. Il devient alors beaucoup plus facile de trouver des personnes intéressées et compétentes pour rejoindre ce projet et accélérer le passage de l’idée au produit/service/solution commercialisé(e). L’innovation devient vraiment collective. 

Une culture de l'innovation doit être naturelle

Rassembler ces 4 conditions - ou ingrédients - correspond à ce que l’on pourrait appeler une “étape de pré-innovation” qui revient à vérifier avant de jouer à un jeu de société que l’on a bien tous les pions et que le plateau de jeu est ouvert du bon coté.
Si aujourd'hui on parle beaucoup de "Démocratiser la créativité” il faut d'abord et surtout créer le bon environnement facilitant cette innovation en la considérant comme "un effet de bande" et non pas un objectif clairement recherché.
Je suis convaincu, preuves à l'appui, qu'une entreprise ne doit pas chercher à être innovante pour être innovante et qu'une culture de l'innovation peut se mettre en place de façon naturelle.

Pour mettre en place ces 4 conditions, vous aurez juste fait évoluer votre culture actuelle de façon simple et naturelle, une condition à la fois.
Pour conclure, dans son livre « Delivering Happiness : A Path to Profits, Passion, and Purpose »  Tony Hsieh  le PDG de Zappos  ne parle jamais d’innovation ! Pour lui, l’innovation est une simple démonstration de sa culture d’entreprise !