Performance ou bonheur au travail : faut-il vraiment choisir ?

L'avènement de démarches qui s'appuient sur l'autonomie, la responsabilité et l’énergie positive des individus entraîne-t-il forcément la perte d'indicateurs de performance? Qu'apportent ces nouvelles méthodes à l'entreprise?



Les dernières semaines ont été riches en événements, articles, reportages, conférences sur les sujets du bonheur au travail, de l’optimisme, de la motivation et de l’entreprise libérée. Ces sujets suscitent incontestablement l’intérêt et la curiosité, accompagnées d’une réelle envie de faire ou d’un certain scepticisme.

L’antagonisme peut exister entre d’un côté une tendance forte des entreprises à la recherche de performance par les processus, les méthodes, le suivi financier, les indicateurs et autres KPIs, et de l’autre des démarches qui s’appuient sur l’autonomie, la responsabilité, l’énergie positive des individus, leurs forces et leurs motivations comme moteur.

La navigation à la voile fournirait ici un parallèle intéressant. Qu’il s’agisse de loisir ou de compétition, l’objectif est dans tous les cas d’atteindre une destination ou de réaliser un parcours. Les conditions de vent et de mer constituent l’environnement, le bateau a ses propres caractéristiques et c’est l’équipage qui est à la manœuvre et devra savoir exploiter ces caractéristiques au mieux pour atteindre la destination dans les meilleures conditions possibles.

Quel va être le vecteur le plus efficace ? Les voiles, le vent, les courants, le cap donné par le chef de bord, les qualités du bateau, l’énergie et l’enthousiasme de l’équipage ? La question ne se pose pas en ces termes, car tous ces ingrédients sont aussi importants. Il convient à la fois de n’en négliger aucun et de s’assurer que toutes les forces s’exercent dans la même direction.

Considérons alors l’énergie positive des individus au service de la dynamique de l’entreprise comme un des éléments moteurs permettant à l’entreprise de mieux fonctionner. De plus en plus d’expériences en entreprise prouvent l’efficacité de cette combinaison. Il n’est pas question de perdre de vue les indicateurs. Après tout, le capitaine ou le chef de bord doit bien s’assurer qu’il garde son cap en consultant ses instruments. Mais avec des équipiers motivés et confiants dans leur capacité de contribuer à l’atteinte de l’objectif, en eux-mêmes, en leur leader et en leur bateau, idéalement autonomes et responsabilisés, tout est en place pour aller loin.

Voilà quelques exemples de l’impact potentiel des démarches basées sur les forces et les succès :

De la résolution de problème à la vision positive.

Les processus de résolution de problème, qu’ils soient intuitifs ou scientifiques, débutent tous par une analyse du problème en question. De façon sans doute un peu caricaturale, il s’agit d’identifier les causes et de trouver des solutions. On construit donc des hypothèses de solutions qui pourraient être efficaces (mais le seront-elles ?) basées sur des hypothèses de causes du problème (mais les connait-on de façon certaine ?). Ces approches présentent deux gros inconvénients : une construction potentiellement instable, mais surtout l’état d’esprit négatif instauré dès le départ par la focalisation sur ce qui ne fonctionne pas et l’utilisation inévitable de mots tels que « erreurs », « fautes », « oubli », « manque » … Comment peut-on créer un climat constructif autour d’un tel processus ?

Prenons le raisonnement dans l’autre sens : sans nier les dysfonctionnements, concentrons-nous avant tout sur « ce qui marche », et surtout, sur l’objectif poursuivi en cherchant à faire évoluer la situation dans un sens plus satisfaisant. En identifiant clairement cet objectif dans une expression positive, les acteurs du changement vont alors pouvoir s’appuyer sur les expériences réussies vécues dans des situations comparables, les succès qui ont été les leurs, les sensations, émotions, réactions que ces succès ont généré en eux, et enfin les forces, compétences, capacités sur lesquelles ils se sont appuyés pour réussir. Ils constituent ainsi un socle de forces qui leur permettra de s’engager dans une démarche de changement à la fois plus sure car basée sur ce qui a fonctionné par le passé, et surtout plus susceptible de réussir car basée sur l’énergie positive des individus. Ce que je viens de décrire s’appelle la démarche appréciative, qui a prouvé son efficacité dans de nombreuses organisations.

L’entretien de développement et les motivations.

De plus en plus déployé dans les entreprises, devenu obligatoire par la loi, encadré par de nombreux accords, l’entretien de développement est un véritable casse-tête pour de nombreux managers. Guidés par des processus, des référentiels, des chemins de carrière plus ou moins formalisés, des guides de compétences et des fiches de poste, ils s’enferment dans des processus au détriment de l’écoute de leurs collaborateurs. Ils parlent de l’avenir en suivant des chemins à la fois très encadrés mais très incertains.

C’est pourtant bien la dimension humaine qui doit guider ce moment de collaboration essentiel pour instaurer la confiance. Un entretien de développement appréciatif va permettre de se concentrer sur les réussites du collaborateur, sa contribution à la réussite de l’équipe et à l’atteinte des objectifs. Cet angle de vue devient particulièrement impactant dans la durée si le collaborateur est amenée à prendre conscience par lui-même de ses réussites et de ses forces. En prenant également conscience des émotions que cette réussite a générées, le manager suscite l’envie de reproduire cette satisfaction, et donc de continuer à activer les leviers de force. C’est également une opportunité de découvrir et formaliser les éléments de motivation qui guideront les évolutions en termes de responsabilités et d’évolution, et de valoriser les éléments de motivation intrinsèque.

De la formation subie à la formation motivée

Identifier et apprécier les succès et les forces des individus et des équipes est un excellent point de départ d’un parcours de développement de compétences, et ce pour plusieurs raisons

-          Le partage des expériences réussies et des facteurs de succès permet d’établir des recueils de bonnes pratiques et de faciliter le co-développement entre collègues (« Si j’ai réussi à le faire, d’autres doivent pouvoir y arriver »). On parle ici de co-développement appréciatif.

-          Ce partage peut également faciliter l’identification de socles de compétences clés à acquérir pour chacun.

-          Enfin, cette démarche peut permettre de préparer les managers à assurer leur rôle de support auprès de leurs équipes, trop souvent vécu comme une contrainte, voire une réelle difficulté.

L’apprentissage par les adultes de nouvelles compétences n’est possible que si l’individu comprend pourquoi cet apprentissage est important pour lui et pour son environnement, et que si le climat de la formation lui permet de se sentir reconnu par rapport à sa contribution actuelle et passée.

Une fois de plus, rien n’est possible sans activer le moteur positif des forces et des succès.