Quelle place tient l’e-réputation dans le succès des plateformes collaboratives ?

Mise en place de Trustman par Blablacar, fin des profils anonymes sur les plateformes collaboratives... Primordiale, la confiance met en relation des personnes qui ne se connaissent pas sur internet. Quelle place tient la confiance dans l'économie du partage ?

Le modèle des plateformes collaboratives réside dans une optimisation des ressources naturelles et matérielles. C’est une nouvelle façon de consommer. "Un jour, nous regarderons le XXe siècle et nous nous demanderons pourquoi nous possédions autant de choses", affirmait récemment Bryan Walsh du Time Magazine. 

 

Dans ce système, une bonne e-réputation est très importante pour les plateformes collaboratives. Une e-réputation favorable permet en effet de mettre plus facilement en lien des personnes qui ne se connaissent pas.

 

Pour mieux comprendre les enjeux de l’e-réputation pour les plateformes collaboratives, nous avons interviewé Serge Duriavig, CEO de Nightswapping. Cette entreprise, dont le site a été officiellement lancé en janvier 2014, est basée à Lyon et Paris. Elle propose une plateforme d’échange de "nuit", une monnaie virtuelle. Grâce  à elle, les membres peuvent voyager sans avoir à payer leur hébergement. Un concept disruptif en plein essor. Enquête.

Quelle part tient la confiance dans le bon fonctionnement de votre site ?

Serge Duriavig (SD) : sans confiance, il n’y a pas de fonctionnement possible. Nous proposons une sécurité "objective" (on sécurise l’expérience) et une sécurité subjective (avec une présence  à l’internationale, une présence affirmée sur les réseaux sociaux…). Le but est de montrer à nos clients que notre structure est bien intentionnée.

Comment faites-vous pour amener le plus de personnes possible sur votre communauté, et en même temps, être restrictif pour éviter les débordements?

(SD) : Nous sommes exigeants quant à la qualité des profils et des annonces que nous passons en ligne : seulement un logement sur cinq est validé. Nous préférons avoir moins de personnes mais des membres actifs. 

Nous sommes donc loin des chiffres vertigineux annoncés par la concurrence. Cette exigence limite aussi les potentiels débordements qui pourraient survenir avec des membres mal intentionnés.

Le système de notation est-il suffisant ?

(SD) : tous les systèmes possèdent une faille. On a beau mettre toutes les sécurités possibles, si on est mal intentionnée et qu’’on a l’intention de nuire, on peut toujours y arriver.

Après, l’idée, c’est la réaction : on fait tout pour prévenir, car nous avons beaucoup de personnes qui peuvent réagir immédiatement. Aujourd’hui, c’est un système qui fonctionne. 

Devant l’accroissement des membres sur ces plateformes, différents systèmes de contrôle et de notation voient le jour. Airbnb, qui met en relation hébergeurs particuliers et touristes, informe par exemple les membres de leurs obligations en matière de sécurité, d'hygiène et de taxe.

 

Rien ne sert de « réinventer la poudre " quand des géants comme Airbnb, Blablacar ont testé des modèles de modération qui fonctionnent très bien », déclare-t-on du côté de Nightswapping. " Nous nous en inspirons donc et utilisons carte d’identité, certification téléphonique, ou vérification du profil social…Nous demandons le plus de choses possible pour que l’expérience soit la plus sécurisée et la plus simple pour l’utilisateur. "


Un système qui fonctionne   
 

Nightwapping revendique un agrandissement de ses locaux dans différentes villes du monde et un accroissement du nombre de ses membres. A l’image de cette start up, les plateformes collaboratives ont du succès. Par exemple, la plateforme de covoiturage Blablacar revendique quelques 10 millions de membres. Elle a récemment effectué une levée de fonds de 100 millions d’euros.


Ces entreprises sont présentes dans différents domaines : la Ruche qui dit Oui, ou les réseaux AMAP dans l’alimentation, Restolib pour les cours de cuisine collaboratifs, Bienvenue à ma table pour les rencontres et le partage culinaire…

Les personnes sont séduites par ce système collaboratif. Selon l’Observatoire Société et Consommation, 83 % des français pensent qu’il est plus important de pouvoir utiliser un produit que de le posséder.


Comme beaucoup de plateformes collaboratives, Blablacar touche une commission lors de l’utilisation du service par les covoitureurs. De son côté, Nightswapping ne touche pas de commission mais des frais de réservation de 9,90 euros, au moment de la confirmation du séjour. "Les membres qui n’ont pas assez de "nuits" ont la possibilité d’en acheter à des prix très concurrentiels, allant de 7 € à 49 € la nuit pour un logement. Notre intérêt est de créer du trafic dans notre base et de convertir ces voyageurs en futurs hébergeurs", raconte Serge Duriavig. Un système qui sembler avoir de beaux jours devant lui.

 

Peut-on toujours parler d’économie du partage ?

 

Mais, devant les bénéfices et les méthodes de certaines plateformes collaboratives, peut-on encore parler d’économie du partage ?


 " Il existe clairement des abus liés à la consommation collaborative. Beaucoup d’acteurs surfent sur ce mouvement, en se donnant une légitimité parce que ce sont des plateformes de peer-to-peer, alors qu’en réalité, c’est devenu de la vraie consommation de marché ", développe Serge Duriavig.

 

Michel Bauwens, auteur de " Sauver le monde, vers une société post-capitaliste avec le peer-to-peer ", explique que les plateformes qui ne pratiquent pas l’économie de partage amènent le " morcellement du travail, la mise en concurrence entre les travailleurs pour obtenir un service, sans qu’ils aient accès à ce service, ce  bien commun , en l’occurrence l’algorithme contrôlé par la firme. " Les profits de ces plateformes vont généralement directement aux actionnaires.

Comment revenir aux sources du collaboratif ? Nightswapping pense avoir trouvé la solution. " Avec notre monnaie virtuelle, nous sommes dans la convivialité", narre Serge Duriavig. "Quand on accueille quelqu’un chez soi comme un ami, il ne va pas vous dire que le plat que vous avez fait est mauvais. Par contre, si vous lui faites payer votre repas et qu’il n’est pas bon, il va peut-être vous dire quelque chose. Nous revenons à l’origine du collaboratif qui est l’hospitalité et la convivialité, ce que les gens recherchent. "