Le stretch goal ou comment changer sa vie

Stretch goal, technique de cours de stratégie. Comment l’utiliser pour changer votre vie ?

Un cours de stratégie a son moment de bravoure : "strategy as fit" contre "strategy as stretch". Pour Michael Porter, la stratégie vise à s’adapter (fit) à son environnement. Pour Hamel et Prahalad, la stratégie c’est changer le monde (stretch)…

Déchaînons notre irrationalité ?

Le moteur de l’espèce humaine est son irrationalité ! Si vous voulez de l’exceptionnel, il vous faut déclencher des mécanismes non rationnels. 

Le stretch goal a quelque-chose de culturellement américain. Un succès de la littérature du management fut le BHAG, big hairy audacious goal ("grand objectif audacieux et terrifiant" ?), de Jim Collins. C’est un projet à long terme qui transforme extraordinairement les capacités d’une entreprise. Un BHAG est facile à comprendre et "irrésistible". Il repose sur les valeurs et les objectifs de l’organisation. Il galvanise les énergies par des mécanismes catalytiques "non bureaucratiques" (non rationnels). Ceux-ci donnent des résultats d’une manière imprévisible (à l’opposé d’un processus administratif). Ils ont des impacts massifs. Ils procèdent en coupant toute retraite à l’organisation. Ils distribuent le pouvoir au bénéfice du système global. Ils le retirent à l’arbitraire de l’encadrement. Ils renforcent les valeurs de la société au point d’éliminer les personnes qui ne les partagent pas. Enfin, leurs effets ne s’affaiblissent pas avec le temps. Même si l’on ne sait pas, par définition, comment provoquer un tel phénomène, on a repéré des conditions qui lui sont favorables. Voici une méthode…

3 questions pour tout changer

Les livres de management disent généralement que, pour annoncer un stretch goal, il faut répondre à trois questions:

  • Objectif du changement. Quantitatif et symbolique. Il traduit indirectement la raison profonde de la transformation. 
  • Analyse objective et indiscutable de la situation actuelle. L’organisation doit dire : nous avons été compris. 
  • Raisons (indirectes) qui feront le succès du changement. Ces raisons sont de deux ordres. Tous les groupes humains ont réussi des changements. Ils ont une façon particulière de procéder. Le changement nouveau doit s’inscrire dans ces usages. En second, il faut expliquer les moyens que vous lui apportez pour réussir le changement. 

Et voici ce que cela signifie. Oui, vous connaissez la réalité. Vous avez trouvé le déchet toxique, le mal de la société, mais aussi le levier du changement, qui va la transformer. Oui, vous avez compris ce qu’il fallait faire pour l’utiliser. Oui vous nous proposez un changement qui est dans nos cordes. Et oui, vous nous apportez les moyens pour réussir. Reste à répondre à : comment construire un stretch goal ? 

Stretch goal et dissonance cognitive

Il y a quelques temps, je disais à un dirigeant mon admiration. Avec moi, ou un autre, à sa tête, son entreprise ne tiendrait pas six mois. Elle ne valait donc rien. Il était malin d’avoir acquis des actifs, qu’il revendrait pour assurer sa retraite. Il m’a répondu que j’avais raison, mais c’était triste. Alors, il a eu une idée étonnamment simple. Elle changeait la situation. Pour trouver le stretch goal, il faut partir des "questions du bas" : de notre vie telle qu’elle est, et pas telle qu’il est bien d’en parler. Alors, le contraste entre le désir et la réalité produit, brutalement, l’envie de changer. Dissonance cognitive, disent les psychologues. 

Trouver ce qui bloque

Il demeure tout de même une astuce, sans quoi l’exercice serait facile. Le psycho-sociologue Edgar Schein explique que ce qui coince nos changements vient de ce que nous croyons que, pour les réussir, il faut "être" ou "avoir", alors qu’il faut "faire". Pour prendre un exemple trivial, il y a des chances que, si vous avez peu de succès amoureux, vous pensiez que cela vient de ce vous n’êtes ni beau, ni riche. Mais, des gens moins beaux et riches réussissent bien mieux. Or, être plus beau ou plus riche est impossible, alors que modifier sa façon d’agir ne l’est pas. Il suffit de trouver un "truc". Quelque-chose que nous avons utilisé, avec succès, par hasard, dans le passé. 

Vive la vie

Ce qu’il faut retenir, c’est le BHAG. Il y a, à portée de main, un moyen de transformer notre vie. Et ce n’est qu’une question de technique, pas d’être ou d’avoir… Qui veut tenter l’expérience ?