Ces erreurs fréquentes dans la mise en place de la facturation électronique – et comment les éviter
Se précipiter pour choisir sa PDP
Alors que le sujet de la facturation électronique prend de l'ampleur, certains entrepreneurs veulent s'en débarrasser et choisir au plus vite leur PDP, plateforme de dématérialisation partenaire de l'administration, par laquelle transiteront les factures électroniques.
Or, une PDP doit être immatriculée par l'Etat. 90 plateformes le sont, uniquement "sous réserve". Pour être immatriculées définitivement, elles devront prouver leur conformité technique : échange de factures entre PDP, extraction des données, interconnexion avec l'annuaire recensant l'ensemble des adresses de facturation électronique… Lequel n'est pas encore en service, même si cela devrait normalement se faire d'ici l'été, prévient Benjamin Royoux, directeur général d'ECMA, association créée par l'Ordre national des experts-comptables. Par conséquent, l'immatriculation définitive sera faite fin 2025 ou début 2026. De plus, le choix de la PDP devra être acté via un formulaire auprès de la Direction générale des finances publiques, permettant d'être référencé dans l'annuaire. Or, ce formulaire n'est pas encore sorti.
Par conséquent, "la première erreur serait de se précipiter dans le choix de sa PDP, assure Benjamin Royoux. Pour l'instant, c'est la foire d'empoigne, il y a des éditeurs historiques, des banques, des néo-banques, il y a énormément de promesses".
Ne pas analyser ses besoins
Selon Benjamin Royoux, le bon réflexe, dans un premier temps, est d'effectuer "une analyse du marché, comprendre ses propres besoins, voir ce qui est proposé, et décider ensuite", en se faisant accompagner par son expert-comptable.
Par ailleurs, pas besoin de "se précipiter pour changer de logiciel, rassure Benjamin Royoux, car l'Afnor travaille à une API standardisée qui permettrait de connecter les PDP entre elles et avec les autres logiciels. "La bonne question à se poser c'est qu'est-ce qu'il manque pour se conformer à la réforme ? Cela ne sert à rien de changer ce qui fonctionne. Le choix de la PDP doit se faire par rapport à son métier, sa structure. Si on est satisfait de son logiciel de facturation, autant prendre une PDP interopérable avec lui, plutôt que de changer de logiciel".
"Si votre logiciel de facturation a obtenu l'immatriculation en tant que PDP, ce serait à mon sens une bêtise d'en choisir un autre", ajoute Vincent Giraud, expert-comptable associé et référent facturation électronique du cabinet de conseil PKF Arsilon. Il conseille aussi de "regarder dans son secteur d'activité si une PDP est recommandée".
Trop croire au tout gratuit
"Les tarifs ont baissé mais attention aux éditeurs qui permettent monts et merveilles, prévient Benjamin Royoux. Certains promettent la gratuité mais il faut bien regarder le périmètre. De plus en plus d'acteurs vont proposer un pack à fonctionnalité limitée, cela peut être intéressant pour les entrepreneurs qui émettent peu de factures". Cependant, "si la plateforme est gratuite mais que la liaison avec l'expert-comptable est payante, les plateformes payantes mais intégrant la liaison avec l'expert-comptable seront peut-être plus intéressantes".
Ne rien faire pour l'instant
Ne pas se précipiter est une chose, l'erreur inverse serait cependant d'attendre le dernier moment pour se préoccuper du sujet. "La réforme ne se résume pas au choix de la PDP, insiste Benjamin Royoux. Il est relativement urgent d'y penser dès maintenant, et de comprendre comment son entreprise est concernée".
Ainsi, explique-t-il, un médecin généraliste, qui n'a qu'une patientèle de particuliers, et n'est pas soumis à la TVA, n'aura besoin d'une plateforme que pour recevoir les factures de ses fournisseurs, la réflexion et la mise en place peuvent donc être relativement rapides.
Pour un taxi, "c'est plus compliqué, il devra recevoir les factures de ses fournisseurs, et à partir de 2027, émettre des factures électroniques à ses clients entreprises, et consolider les données pour transmettre le e-reporting", alors qu'il n'a pas de caisse dans son taxi.
Les restaurateurs devront en plus former les équipes et s'assurer que leur caisse enregistreuse se connecte à la PDP pour le e-reporting. Pour les repas passés en note de frais, les clients devront communiquer le numéro de Siret de leur entreprise pour que le restaurateur puisse envoyer la facture par la PDP. "Et donc, la personne en caisse devra être formée à cela. Cela ne se fait pas en trois mois, il faut un outil de caisse interopérable, sensibiliser les équipes…".
Penser qu'on n'est pas concerné
"Sous-estimer l'impact de la réforme dans son entreprise serait une erreur", alerte Benjamin Royoux. La facturation électronique à proprement parler concerne les transactions soumises à la TVA et entre professionnels. Dans ce cas, la transmission des données à l'administration fiscale est automatique.
Mais pour toutes les transactions non soumises à la facturation électronique (notamment les transactions avec les particuliers et les entités étrangères), les entreprises doivent transmettre à l'administration fiscale les données de transaction (c'est le e-reporting de transaction). Et pour certaines prestations de service, elles doivent effectuer en plus une transmission des données de paiement (le e-reporting de paiement). Si ces opérations seront assurées par la PDP, "dans les cas les moins automatisés, il faudra renseigner dix ou douze informations à la main, souvent par décade, sur la PDP", explique Benjamin Royoux.
De la même façon, quand bien même son activité ne serait pas du tout soumise à la déclaration auprès de l'administration fiscale (par exemple un médecin généraliste, non soumis à la TVA), la PDP doit tout de même être mise en place pour le paiement des factures des fournisseurs.
Multiplier les logiciels
Il est légalement et techniquement possible de recourir à plusieurs PDP pour recevoir ses factures, et encore une autre pour en envoyer. Mais selon Benjamin Royoux, ce serait une erreur pour les petites entreprises, à qui il conseille une plateforme unique pour l'émission et la réception de factures. Car le coût, la gestion, l'installation seraient inutilement compliqués avec plusieurs plateformes. Pour les petites structures, plusieurs plateformes n'est selon lui pertinent que pour certains secteurs particuliers. Cela peut se justifier pour de grosses PME, par exemple avec plusieurs établissements, ou ayant racheté une autre entreprise.
Ne penser qu'à l'échéance de 2026
Les entreprises de moins de 250 salariés et deux millions d'euros de chiffre d'affaires ont deux échéances : le 1er septembre 2026, avoir une PDP permettant de recevoir les factures électroniques. L'émission de factures électroniques, elle, ne sera obligatoire qu'au 1er septembre 2027. Une erreur serait cependant de ne se préoccuper d'abord que de la réception des factures, sans s'assurer que le logiciel conviendra également pour l'émission. Pour Benjamin Royoux, "mieux vaut avoir une réflexion globale pour optimiser les choses".