L'après coronavirus : la généralisation du télétravail ?

Selon le ministère du Travail, en France, 8 millions d'emplois sont compatibles avec le télétravail dans le secteur privé. La crise est révélatrice d'une organisation de travail en plein développement: le télétravail.

Une organisation de travail en plein essor

Autrefois concentré sur des secteurs d’activités précis comme l’informatique ou le conseil, le télétravail devient un véritable projet organisationnel inscrit dans les stratégies entrepreneuriales. Son développement a été permis par les technologies de l'information et de la communication (Internet, téléphonie mobile, fax…) puis encouragé par le "haut-débit" de la fibre optique.

D’après le rapport "Working anytime, anywhere : the effects on the world of work" de l’agence Eurofound, la fondation européenne pour l’amélioration des conditions de vie et de travail, 17% de la population active européenne pratiquait le télétravail à domicile et mobile en 2015.

Le télétravail concerne une large palette de travailleurs, regroupant tant des salariés d’entreprises ou associations, que des prestataires indépendants de services. Selon les cas, il peut s’effectuer depuis un télécentre, un bureau satellite ou de manière nomade.

Une liberté de travail productive, même en temps de crise

Une étude menée par la chaire de recherche du Canada sur les enjeux socio-organisationnels de l’économie du savoir intitulée "télétravail : ses impacts sur l’organisation du travail des femmes et la conciliation emploi-famille", révèle que la flexibilité offerte par le télétravail réduirait l’absentéisme et les retards, en particulier en cas de bouchons, de grèves ou de pandémies. 

Le recours massif au télétravail dans la crise du covid-19 conforte largement l’étude. Aucune autre solution ne répond à la fois aux besoins économiques des salariés et à ceux des entreprises. Le chômage partiel ou le droit de retrait représentent pour les entreprises un arrêt net de leur activité. 

Hors temps de crise, le télétravail s’inscrit dans une démarche prometteuse de responsabilisation et d’autonomisation des salariés. Il offre aux travailleurs une souplesse d’organisation profitable à leur efficience. En effet, travailler à son rythme, selon ses horaires, dans un environnement choisi augmente le bien-être au travail. Or il n’est plus à démontrer que le bien-être est corrélé aux performances globales des travailleurs, tant en termes de productivité qu’en terme d’innovation.

La confiance au cœur de la dynamique de performance

Pendant cette crise du covid-19, on observe deux tendances diamétralement opposées des entreprises vis-à-vis du télétravail. Lorsqu’il est possible, les unes ont très rapidement réorienté leurs activités vers le télétravail. Au contraire d’autres résistent en bloc, même au prix de la sécurité des employés, suscitant de nombreux litiges.

Ces tendances sont révélatrices d’une réticence des employeurs vis-à-vis du télétravail. Mais contrairement à ce que certaines entreprises prétendent pour justifier le management irresponsable de leurs ressources humaines en ces temps de crise, la logistique technique (mise en réseau, matériel informatique) n'est pas un problème.

L’Observatoire de la Parentalité en Entreprise (OPE) place à la tête de la liste des réticences des employeurs au télétravail la perte de contrôle managériale. Cette situation montre un manque patent de confiance des employeurs envers leurs employés à se responsabiliser et à effectuer en autonomie le travail demandé.

Le télétravail après le coronavirus ?

Le télétravail fait sortir les employeurs de leur zone de confort en questionnant la conception paternaliste de la culture d'entreprise. Au-delà d’être une preuve d’intelligence évidente dans la crise du coronavirus, l’adaptabilité est une qualité managériale primordiale dans une économie où la compétitivité se joue de plus en plus sur l’innovation.

Mais le télétravailleur aussi devra faire preuve d’adaptabilité face au décloisonnement de la vie privée et de la vie professionnelle. En effaçant le repère symbolique du lieu de travail, le télétravail peut être une source d’anxiété. Le travail étant le principal levier d’intégration sociale, c’est aussi le problème de la solitude auquel les télétravailleurs pourraient se confronter.

Dans le mouvement de la crise sanitaire, les législations devront continuer de lever les flous juridiques qui encadrent le télétravail, en termes d’horaires ou d’accident du travail par exemple. De même, cette nouvelle organisation s’accompagnera aussi de nouvelles questions. Si les entreprises participent déjà aux frais de transport des salariés, peut-on par exemple envisager une participation des entreprises aux frais des logements qui deviendraient alors des "bureaux" ?