
"Mon employé en arrêt maladie travaille pour un concurrent et je n'ai pas le droit de le licencier"
La Cour de cassation a tranché en faveur d'un salarié qui avait travaillé pour une entreprise concurrente pendant un congé maladie. Un détail a joué à son avantage.
Un salarié en arrêt maladie peut-il être licencié pour faute grave si son patron découvre qu'il a travaillé pour une entreprise concurrente ? La Cour de cassation a récemment pris une décision surprenante qui fera jurisprudence dans une telle situation : l'affaire concerne un travailleur arrêté pour cause professionnelle, qui a été surpris en train d'effectuer des travaux similaires à son poste habituel chez un concurrent au cours de son congé.
Les faits sont les suivants : le salarié, en arrêt maladie à la suite d'un accident du travail, s'est rendu sur un chantier d'un ami exerçant une activité semblable à celle de son employeur. Il a notamment passé une commande de béton chez le même fournisseur que son entreprise et a récupéré des bidons abandonnés dans l'enceinte de celle-ci. En l'apprenant, son employeur a décidé de le licencier pour faute grave, estimant qu'il avait exercé une activité concurrente déloyale.
Cependant, la Cour de cassation en a jugé autrement : les juges ont établi que le salarié était intervenu à titre amical et non professionnel et que, par conséquent, un licenciement pour faute grave n'était pas justifié. Par ailleurs, la haute juridiction a souligné que la commande de béton avait été facturée directement à l'ami de l'employé, ce dernier s'étant contenté de passer la commande. Enfin, le fait de récupérer des bidons abandonnés n'a pas non plus été considéré comme une faute grave, pas plus que l'absence du travailleur de son domicile pendant son arrêt maladie.

Cette décision de la Cour rappelle un point essentiel du Code du travail : au cours d'une période de suspension du contrat en raison d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle, l'employeur ne peut licencier son salarié que pour une faute grave liée à un manquement à son obligation de loyauté. Or, dans ce cas précis, la Cour a estimé qu'aucun acte de déloyauté ne pouvait être reproché à l'employé, et ce pour une raison précise : aucune rémunération n'a été mise en évidence lors de son intervention chez l'entreprise concurrente.
Autrement dit, le fait d'exercer une activité identique à celle de l'employeur au cours d'un arrêt maladie ne peut pas constituer un motif de licenciement, du moment que l'activité a été effectuée à titre bénévole. Dans cette affaire précise, la Cour de cassation a donc annulé le renvoi du salarié et a même condamné son entreprise à lui verser 3 000 euros.
Notons que l'élément déterminant a été l'incapacité de l'employeur à prouver que son employé avait été rémunéré, si bien que son activité pouvait être considérée comme un coup de main ponctuel à un ami. Une jurisprudence qui pourrait potentiellement protéger, dans une situation similaire, des travailleurs exerçant une activité concurrente rémunérée "au noir", c'est-à-dire sans être déclarée, du moment qu'il n'existe aucune preuve d'une quelconque rétribution.