L'amplification, la nouvelle recette pour booster sa stratégie d'influence

L'amplification, la nouvelle recette pour booster sa stratégie d'influence Les marques n'hésitent plus à prendre en main les comptes d'influenceurs, en particulier sur Instagram, pour y sponsoriser directement les posts faisant état de leur collaboration.

Le fondateur de la plateforme Reech, Guillaume Doki-Thonon, l'assure : "Payer pour promouvoir un dispositif d'influence marketing est de moins en moins tabou." La pratique, connue sous le nom d'amplification, nous vient des Etats-Unis où les marques n'hésitent plus à se garder une petite enveloppe pour sponsoriser les posts des influenceurs avec lesquels elles collaborent. L'opération est simple d'un point de vue logistique. L'influenceur ouvre provisoirement l'accès à son compte - Instagram principalement - à une marque qui se charge ensuite de paramétrer la campagne d'amplification du post.

"Cela permet à une marque d'amortir les coûts de création du contenu en augmentant le nombre de personnes qui y sont exposées"

"Cela permet à une marque d'amortir les coûts de création du contenu en augmentant le nombre de personnes qui y sont exposées", explique Guillaume Doki-Thonon. Difficile, en effet, de se contenter de la visibilité organique offerte par le compte d'un influenceur quand on sait que chacun de ses posts touchent en moyenne 10 à 15% des abonnés… et que ce ratio ne cesse de baisser. En mettant la main au portefeuille, la marque s'assure que c'est bien l'ensemble de la communauté de l'influenceur qui est touchée. L'opération lui permet également d'aller toucher une population dite affinitaire, qui n'est pas forcément familière de l'influenceur en question. "Plutôt que de se contenter des quelques dizaines de milliers d'abonnés de ce dernier, elle va pouvoir cibler toute la communauté Instagram qui a des centres d'intérêts similaires", résume Guillaume Doki-Thonon. A la clé, un coût par vue qui est sensiblement amélioré.

C'est, au fond, le même raisonnement qui anime une marque qui, une fois sa campagne TV produite, multiplie les diffusions publicitaires pour rentabiliser son investissement en production. "Plus on diffuse ce spot, plus on lisse les coûts de production", commente Guillaume Doki-Thonon. "Quand le contenu est de qualité, il est plutôt légitime de vouloir le faire découvrir à un maximum de personnes", abonde Marine Montironi, head of influence chez We Are Social. L'influenceur, dont le post gagne en visibilité, y trouve lui aussi son compte. "Les réseaux sociaux étant très bons dans le ciblage de type look-alike, cela lui permet souvent de gagner pas mal d'abonnés grâce à l'effort de promotion de la marque", ajoute Guillaume Doki-Thonon.

"Certains influenceurs y voient une intrusion de la marque"

En France, ils sont pourtant encore une minorité à s'adonner à la pratique et Reech, qui amplifie 90 à 95% des campagnes d'influence qui transitent par sa plateforme, est plutôt une exception. Les quelques agences que le JDN a interrogées ne s'y sont pas encore mises. Seule We Are Social a eu recours à ce type de dispositif et encore, une seule fois. "Si on a l'habitude de booster le contenu d'un influenceur avec le compte de la marque partenaire, c'est en revanche beaucoup plus rare de faire ça directement depuis le compte des influenceurs", confirme Marine Montironi. Ces derniers sont en effet encore très réticents à laisser les clés de leur compte Instagram aux marques. "Ils peuvent voir ça comme une intrusion", analyse Marine Montironi. Certains craignent notamment que la marque en profite pour faire du matraquage à leur détriment. "Ils peuvent avoir l'impression de signer un chèque en blanc", reconnait Guillaume Doki-Thonon.

Les dérives n'ont, il est vrai, rien fait pour les rassurer. "Certaines campagnes d'amplification sont tellement agressives qu'elles suscitent des commentaires négatifs du type "ça fait 5 fois qu'on me montre ce contenu, j'en ai marre"", illustre Marine Montironi. Le problème c'est que dans ces cas, c'est surtout l'influenceur, pourtant pas à l'origine de la campagne, qui en souffre. Car si la plupart des plateformes sociales précisent désormais que le post a été sponsorisé par un tiers, l'internaute, pas toujours attentif, retient surtout l'identité de la personne mise en avant. Guillaume Doki-Thonon donne l'exemple d'une marque qui avait fait un ciblage tellement large qu'elle avait attiré l'attention d'une communauté fasciste du Web… qui s'était ensuite retournée contre l'influenceur mis en avant.

"Les internautes saturent vis-à-vis de la publicité et on leur en remet une couche, je ne suis pas sûr que ce soit productif sur le long terme"

D'où l'importance de se mettre d'accord, en amont de la campagne, sur les paramètres de l'amplification, estime Guillaume Doki-Thonon. Notamment le budget dépensé et le nombre de fois qu'une même personne peut, au maximum, voir le message sponsorisé. "C'est un sujet qu'il faut amener dès le début de la négociation avec l'influenceur lorsqu'il nous cède son droit à l'image", confirme Marine Montironi. Chez Reech, on explique jouer les garde-fous. "On valide que la marque ne va pas au-delà de ce qui a été convenu et que son action ne portera pas préjudice à l'image de l'influenceur", rassure Guillaume Doki-Thonon.

Les marques françaises semblent en tout cas très précautionneuses sur le sujet. "Aux Etats-Unis, on met en général autant de budget dans l'amplification que dans l'influence. En France, on dépasse rarement les 50% du budget influence alloués à de l'amplification", constate Guillaume Doki-Thonon. La pratique est pourtant des plus efficaces. Les campagnes qui consacrent 10 000 euros dans le dispositif d'influence et 5 000 euros en amplification performent en moyenne 4 fois mieux sur les principaux KPI que celles où l'intégralité des 15 000 euros est alloué à l'influence marketing. Des chiffres qui ne suffisent pas à convaincre Guillaume Pommier, directeur délégué de l'agence Social Stories au sein du groupe Figaro, pas vraiment fan de la pratique. "Les internautes saturent vis-à-vis de la publicité et on leur en remet une couche, je ne suis pas sûr que ce soit productif sur le long terme", estime le dirigeant. "Il faut que la tendance fasse son chemin et que les mentalités évoluent du côté des influenceurs comme des agences", répond Guillaume Doki-Thonon. Certains, comme Tik Tok, en ont déjà fait le cœur de leur business model. "Les collaborateurs de la plateforme proposent systématiquement d'assortir un budget média au dispositif d'influence car le 100% organique y fonctionne moins bien", rappelle le fondateur de Reech.