La réussite marketing des points de vente ne se fera pas par l'intelligence artificielle

L'intelligence artificielle a-t-elle sa place dans une branche aussi spécifique que le marketing multilocal ?

C’est avec discernement que la question mérite d’être posée. Le marketing multilocal vit avec des spécificités. Celles de points de vente,  de gérants, pour qui le marketing - et qui plus est l’automatisation de ses tâches - ne va pas de soi. Une particularité qu’il est important de ne pas avoir dans l’angle mort. 

L’intelligence artificielle oui, mais pas tout azimuts

L’intelligence artificielle et ses promesses ressemblent à un oasis en plein désert. Les mirages de la productivité, de l'efficacité et de la mise à l’échelle ne sont plus. La soif inextinguible des dirigeants dans la quête de la rentabilité se trouve face à un puits sans fond. 

Le marketing et nombreuses de ses sous-branches  sont impactées par la révolution en marche : optimisation média, analyse de données, création de contenu… Chaque jour, de nombreuses enseignes s’appuient sur des solutions automatisées pour alléger la charge des opérations rébarbatives. Pour des raisons légitimes, le marketing multilocal est aspiré par cette tendance, profitant de la valeur  ajoutée apportée par l’intelligence artificielle. Plus spécifiquement sur les tâches d’exécution : l’automatisation des campagnes SEA multi-villes, la déclinaison des fiches locales, le repiquage local... Dans ces typologies de cas, l'intelligence artificielle peut accélérer les déploiements sur des volumes que l’humain seul ne pourrait gérer aussi rapidement. 

Malgré l’attractivité des solutions IA, une approche pragmatique reste nécessaire avant la mise à disposition des outils au réseau. Sur un sujet comme la brand safety par exemple, l’usage de l’intelligence artificielle pose question. Certes capable de traiter des volumes massifs de données, et d’identifier les risques liés aux contenus indésirables, l’intelligence artificielle demande une maîtrise forte lorsqu’il est question de s’adapter à des situations complexes ; saisir les nuances contextuelles de chaque marché local que seuls les gérants des points vente connaissent réellement. 

Or, mettre à la disposition du terrain ces outils, tout en gardant un contrôle sur l’usage et les contenus édités, est complexe.  Les directions doivent allouer des budgets conséquents en formation pour garantir l’uniformité et la conformité des messages afin de garder immaculé l’image de marque. Ce qui, à date, reste l’apanage d’une poignée d’enseignes seulement. 

Ce défi est d'ordre culturel. À ce jour, nombreux sont les franchisés et responsables de points de vente, face à la multiplication des outils,  à percevoir la technologie comme “trop complexe” ou “inadaptée à la réalité du quotidien ”. Entre sentiment d’être sur-sollicité sur des tâches dont ils ont peu ou pas d’expertise et l’inadéquation des outils avec les objectifs locaux - souvent focus sur les enjeux business -, les magasins peuvent être réticents à l’intégration de nouveaux outils marketing dans leur quotidien. Une spécificité qui rend l’implémentation de l’intelligence artificielle plus ardue. D’autant plus lorsque l’on sait à quel point sa juste maîtrise exige un investissement considérable. Les directions marketing doivent être capables d’aborder le sujet avec pragmatisme :  le temps gagné grâce à l’automatisation saurait-il compenser le temps nécessaire pour faire monter en compétences  les équipes ?  

En résumé, en misant gros sur l’intelligence artificielle sans engager de politique de transformation, les dirigeants marketing risquent de créer des solutions brillantes… mais inexploitées par leur réseau, ou possiblement néfastes  pour la perception de la marque si elles sont mal utilisées. 

Et si l’enjeu n’était pas de confier les outils IA aux réseaux, mais à ceux qui les accompagnent  ? 

Une erreur stratégique guette les directions marketing : penser l’outil avant de penser l’écosystème. Dans un modèle central-local, la vraie valeur ajoutée ne réside jamais dans l’outil lui-même, mais dans les partenaires - agences conseil, animateurs de réseau, experts métier - capables de l’activer intelligemment. Véritables courroies de transmission, ces acteurs jouent un rôle clé pour intégrer l’intelligence artificielle aux réseaux. 

Leur expertise sectorielle et fonctionnelle leur confère une triple aptitude : traduire les ambitions nationales en plans d’action locaux, sans sacrifier la singularité de chaque point de vente. Arbitrer sur le choix, le paramétrage et le niveau d’autonomie associé à chaque outil, en tenant compte de la maturité digitale et marketing du réseau. Et enfin, garantir la cohérence de la marque, en mettant en place une gouvernance éditoriale et technologique alignée sur les valeurs, les cibles, les temporalités. Leur expertise sectorielle et fonctionnelle fait de ces acteurs les seuls à pouvoir accompagner chaque gérant dans l’appropriation de l’IA, tout en gardant une vision juste des arbitrages globaux à opérer.

L’implication des partenaires ne doit pas non plus être dans l’angle mort, dans un contexte où les points de vente n’attendent pas tant des outils que des relais fiables et adaptés à leur quotidien. A date, 85% des responsables de points de vente perçoivent l’accompagnement humain comme indispensable à la gestion des malentendus et des erreurs opérationnelles qui surgissent entre global et local, selon la Fédération Française des Franchisés.  Par retour d’expérience, on s’aperçoit que l’accompagnement humain joue un rôle rassurant pour les points de vente, pour qui l’adhésion au digital passe forcément par des dialogues qualitatifs avec des “partenaires de confiance”. Pour dire autrement, des personnes physiques. 

La réussite marketing des points de vente est donc un enjeu complexe, qui requiert des réponses transverses. Et ces réponses ne peuvent pas seulement être technologiques. L’intelligence artificielle pour accompagner la digitalisation des réseaux ? Oui, pourquoi pas. Mais l’outil ne remplacera jamais l’écoute et l’accompagnement dont ont besoin les points de vente pour s’approprier des sujets éloignés de leur cœur de métier, comme le marketing.