Ces actifs qui s'échangent (ou vont bientôt s'échanger) via la blockchain

Ces actifs qui s'échangent (ou vont bientôt s'échanger) via la blockchain Avec l'explosion du bitcoin, la technologie sous-jacente a, elle aussi, fait couler beaucoup d'encre. Mais les crypto-monnaies ne sont pas les seuls actifs qu'elle permet de faire circuler.

Le grand public a découvert il y a peu la blockchain, en même temps que le bitcoin, cette fameuse monnaie virtuelle dont le cours a atteint des sommets historiques fin 2017. Mais les professionnels de la finance, eux, s'y intéressent depuis un bout de temps. Car cette technologie permet de stocker et d'échanger toutes sortes de données ou valeurs entre deux parties, "de façon sécurisée et transparente, sans qu'il y ait besoin de faire intervenir ce que l'on appelle un tiers de confiance", détaille Nathalie Devillier, professeure de droit à Grenoble école de management. "Il s'agit d'une chaîne de blocs qui permet à des entités qui ne sont pas liées de se mettre d'accord par consensus sur l'exactitude d'une information. Par exemple, pour le bitcoin, on réalise des transactions sans qu'aucun intermédiaire, comme une banque, n'interfère", poursuit la spécialiste des questions juridiques en matière de technologies de type blockchain. De quoi faire miroiter à tous les professionnels de la gestion d'actifs d'importantes économies dans leur métier de demain. Et la blockchain a déjà commencé à gagner ce secteur.

Les cryptomonnaies ou monnaies virtuelles

Aujourd'hui, il existe plus de 1 400 monnaies virtuelles, le bitcoin n'étant qu'une petite partie d'un marché bien plus vaste

C'est avec elles que tout a commencé : la dématérialisation grandissante de la monnaie a en effet ouvert la voie à de nouvelles formes de monnaies digitales, dont le but est d'aller vers davantage de sécurité dans les opérations que l'intervention d'un tiers soit nécessaire pour les authentifier. Aujourd'hui, on ne compte plus le nombre de crypto-monnaies qui s'échangent via la blockchain – on estime qu'il en existe plus de 1 400 –, le bitcoin n'étant que la face émergée d'un marché bien plus vaste. Dernier exemple en date, début janvier, la société Kodak a lancé sa propre monnaie virtuelle : le KODAKcoin. Son but : mieux protéger les droits d'auteur des photographes grâce à une chaîne de blocs. Et de nombreuses autres monnaies virtuelles existent et rencontrent un certain succès auprès des investisseurs comme, par exemple, le Ripple, lancé par la société éponyme qui développe une technologie afin de sécuriser les paiements interbancaires. Il y a aussi l'Ethereum, créée en 2015, pour les contrats financiers, le New Economy in Movement (NEM), de l'entreprise japonaise NemProject, ou encore l'Ardor, qui a signé la troisième plus forte croissance en termes de valorisation en 2017, derrière le Ripple et le NEM. A noter toutefois qu'après une fin d'année 2017 tonitruante, beaucoup de crypto-monnaies, et notamment le bitcoin et le ripple, ont vu leur cours s'effondrer ces dernières semaines.

L'or

"Pour construire une blockchain dans laquelle s'échangerait l'or, il faudrait avoir une parfaite connaissance du stock d'or disponible"

Fin 2016, l'américain CME Group et et la filiale du Trésor britannique Royal Mint annonçaient leur intention de créer une plateforme utilisant la technologie blockchain et via laquelle les acteurs pourraient s'échanger de l'or. Une première dans le monde qui avait de quoi laisser sceptique. Comment un actif tangible, dont la valeur intrinsèque est censée reposer sur les stocks physiques existants, peut-elle s'échanger virtuellement ? "Pour construire une blockchain dans laquelle s'échange un tel actif, il faut avoir une parfaite connaissance du stock d'or disponible, avertit Nathalie Devillier. Sinon, on risque de voir se former une nouvelle bulle spéculative comme cela a pu être le cas avec le bitcoin." Pour éviter tout problème de ce type, les deux sociétés assurent que l'or physique est stocké sous forme de lingots dans un coffre de la Royal Mint. La chaîne de blocs, quant à elle, est là pour gérer la propriété de la marchandise. La plateforme RMG a été lancée en 2018.

Les actifs cotés

"Actuellement dans le secteur financier, très peu d'actifs peuvent déjà faire l'objet d'échange, d'achat ou de transfert via la blockchain, explique Sylvie Baijot, coordinatrice des initiatives blockchain au sein de BNP Paribas Asset Management. Il s'agit principalement des transferts cash ou des souscriptions et rachats de parts de fonds. Le recours à la blockchain reste encore très marginal, y compris sur ces actifs." Et demain, sera-t-il possible d'acheter et de vendre des actions directement via la blockchain ? En théorie, oui, et c'est même fortement probable. Aux Etats-Unis, les actifs digitaux rattachés à des entreprises virtuelles et baptisés "tokens" ont été reconnus comme des actions par la SEC l'an dernier. Ils entrent donc dans le champ du droit des marchés et l'on peut affirmer que des actions s'échangent d'ores et déjà via la blockchain. Et en Europe, un consortium a été créé en 2016 autour d'Euronext, afin de trouver un moyen de simplifier les opérations post-marché sur les titres des PME grâce à la blockchain. L'objectif : réduire le délai des opérations – deux jours actuellement – et ainsi inciter les investisseurs à se tourner vers ces actifs financiers. Plusieurs acteurs font déjà partie du projet et la mise en place effective est attendue autour de 2020.

"En théorie, tous les actifs peuvent s'échanger via la blockchain, aussi bien les actions que les obligations, en passant par les parts de fonds, etc."

"La blockchain pourrait aussi permettre de faciliter l'accès aux fonds d'investissement en réduisant les différentes couches d'intermédiaires entre la souscription initiale du client et la souscription réelle dans le fonds, explique la coordinatrice des initiatives blockchain au sein de BNP Paribas Asset Management. Cela aurait pour conséquence de diminuer le temps entre le passage de l'ordre de souscription et son exécution, de réduire les coûts d'exécution et donc d'avoir un impact sur la performance du fonds qui, in fine, bénéficierait aux épargnants. Les interfaces-utilisateurs seront sensiblement identiques à celles utilisées actuellement. Seuls les processus changeront."

Mais les institutions financières n'en sont pas encore là et étudient encore les différentes possibilités de la blockchain, "depuis la gestion du cash et des portefeuilles en passant par la relation avec leurs clients, les contrôles et leur organisation interne", rapporte Sylvie Baijot. En théorie, tous les actifs pourraient potentiellement s'échanger via la chaîne de blocs, aussi bien les actions que les obligations, les parts de fonds, la gestion des crédits, et autres. L'univers de la blockchain est en plein développement et est vecteur de promesses pour le client final en termes de simplification, de fluidité et de diminution de coûts.  Mais les usages possibles sont toujours en cours d'analyse et rien n'est arrêté à ce stade".