Investissement : quels placements privilégier en cette rentrée ?

Investissement : quels placements privilégier en cette rentrée ? Valeurs boursières gagnantes de la crise, obligations américaines, mines d'or… Trois professionnels en disent plus sur les actifs qu'ils estiment prometteurs.

Patience, nous disaient les experts à qui nous demandions, mi-avril, où et quand investir dans le contexte de la crise actuelle, alors à ses débuts. Des points d'entrée sur les marchés – actions, notamment –  avaient eu lieu un mois plus tôt, mais le train était déjà passé. Mieux valait donc ronger son frein en attendant que de nouvelles opportunités, aussi intéressantes qu'à la mi-mars, voient (peut-être) le jour. Est-ce le cas en cette rentrée ?

Pour Bertrand Merveille, directeur général délégué et directeur de la gestion privée à La Financière De l'Echiquier (LFDE), nous connaissons assurément une opportunité historique : celle de ne pas placer son argent dans certains types de produits. "Assurances-vie en fonds euros, livrets… On voit mal dans quelle mesure ces produits, qui font certes partie des briques à avoir dans son portefeuille au titre d'une épargne de précaution, pourraient rémunérer correctement l'épargne de long terme. Ils ne protègent même plus contre l'érosion monétaire puisqu'une fois l'inflation prise en compte, les rendements réels sont négatifs." Le professionnel vante plutôt les mérites des actions qui, "historiquement, ont toujours bien rémunéré l'épargne des clients non-professionnels".

Cap sur les valeurs tech

Les valeurs tech, entre autres, retiennent l'attention des professionnels interrogés. "Leurs cours sont montés très haut, très vite, mais contrairement à ce qu'on a connu à la fin des années 1990, on est sur des entreprises, notamment avec les Gafam, qui enregistrent des bénéfices exceptionnels, et donc justifient leur valorisation en Bourse", argumente Antoine Fraysse-Soulier, responsable de l'analyse de marchés pour la plateforme de trading eToro. Ne sont-elles tout de même pas un peu chères à l'heure actuelle ? "C'est ce qu'on pouvait déjà se dire il y a trois mois, et une valeur comme Apple a pris 30% pendant l'été", rétorque l'analyste. On n'est toutefois pas à l'abri de corrections, prévient Jean-Patrice Prudhomme, directeur marchés, conseil et gestion chez Milleis Banque (ex-Barclays). Ce mardi 8 septembre, l'action Amazon a perdu 4,4% et l'action Apple 6,7%. "Ces entreprises-là sont souvent achetées sans discernement, à l'intérieur de paniers d'actions, pondérés en fonction du poids de chacune d'entre elles en Bourse. Donc plus le prix de ces actions augmente, plus vous en achetez", ajoute Jean-Patrice Prudhomme.

"Contrairement à ce qui s'est produit à la fin des années 1990, avec les Gafam, on est sur des entreprises qui gagnent de l'argent et justifient leur valorisation en Bourse"

Au-delà des Gafam, nos interlocuteurs exhortent à considérer les valeurs techs européennes, comme Dassault Systèmes et Capgemini, citées par Antoine Fraysse-Soulier, qui rappelle que Capgemini a récemment révisé à la hausse sa prévision de chiffres d'affaires annuel, mais aussi les valeurs asiatiques, comme Tencent, Alibaba ou Bytedance (Tiktok), mentionnées par Jean-Patrice Prudhomme. "Le secteur technologique pèse 25% de l'indice des marchés émergents MSCI Emerging Markets. Plus des deux tiers / trois quarts des marchés émergents sont aujourd'hui représentés par l'Asie. Cette dernière est moins volatile que l'Amérique latine ou Europe de l'Est (Russie). Et si le dollar continuait à baisser, ce devrait être favorable aux marchés émergents, leur dette dépendant des taux d'intérêt sur le dollar", défend l'expert de Milleis Banque.

Le digital, le cloud et l'e-commerce

Outre les valeurs tech, la digitalisation dans son ensemble est une thématique porteuse, d'après Jean-Patrice Prudhomme. "La crise sanitaire a accéléré le mouvement. L'avantage des e-commerçants sur les commerçants est valable quel que soit le secteur, observe le directeur. MasterCard a moins performé que PayPal. Alibaba, dont la filiale de paiement, Ant Financial, appartient à Alipay, a mieux performé que les acteurs du paiement classique. Netflix fait mieux que les acteurs classiques comme Disney ou Comcast (NBC Universal), Tesla fait mieux que Toyota…" A propos, méfiance vis-à-vis du constructeur d'Elon Musk, avertit Antoine Fraysse-Soulier d'eToro : "Contrairement aux Gafam, Tesla ne justifie pas du tout sa valorisation. Si on regarde son PER, Tesla est valorisée 400 milliards de dollars pour 300 millions d'euros de bénéfices, ce qui est délirant". Ce mardi 8 septembre, l'action Tesla a d'ailleurs plongé de 21%.

"L'avantage des e-commerçants sur les commerçants est valable quel que soit le secteur"

Le digital, le cloud et l'e-commerce feront donc partie des grands gagnants de la crise, estime Bertrand Merveille, de La Financière De l'Echiquier … Et donc des secteurs à suivre pour les investisseurs. "Ce qui ne veut pas dire qu'il faut tout acheter et à n'importe quel prix, nuance le professionnel. Facebook, par exemple, est une valeur que nous avions vendue et sur laquelle nous nous sommes repositionnés. C'est un titre qui, semble-t-il, revient sur des niveaux intéressants de valorisation."

Etre capable d'acheter des titres, c'est bien. Mais être capable de les revendre au bon moment, c'est mieux. "Il faut une discipline de gestion", insiste Bertrand Merveille, qui conseille évidemment de se faire accompagner par un professionnel. Salesforce, dont nous avons été porteurs pendant très longtemps, est un bon exemple. Nous avons profité de la récente publication des résultats de cette entreprise, qui ont surpris positivement, pour nous alléger."

Transition écologique et secteurs défensifs

Côté actions, toujours, Antoine Fraysse-Soulier pointe également le viseur sur la transition écologique, et en particulier sur Veolia et Schneider dans le domaine de l'énergie : "La guerre qui s'annonce entre Veolia, qui souhaite racheter les parts de Suez, et Engie peut freiner l'évolution de ces deux titres, mais si Veolia parvient à mettre la main sur Suez, on assistera à la constitution d'un vrai champion français de la transformation énergétique. Schneider est quant à elle une belle boîte qui a publié de très bons chiffres au deuxième trimestre, et même bien supérieurs aux attentes des analystes".

"Si Veolia parvient à mettre la main sur Suez, on assistera à la constitution d'un vrai champion français de la transformation énergétique'

Globalement, l'analyste prêche pour une faible exposition en bourse, en raison de l'incertitude qui pèse sur les marchés : "Et, dans cette faible exposition, privilégier plutôt, outre les valeurs tech, les secteurs défensifs comme la santé, avec bioMérieux ou Sanofi, l'alimentation / boisson, avec Danone ou encore Nestlé, le luxe, avec des valeurs comme LVMH, l'Oréal ou Kering".

A l'inverse, concernant les secteurs à éviter, Antoine Fraysse-Soulier pointe du doigt ceux liés aux industries automobile et aéronautique. "La reprise du trafic aérien ne va pas revenir à la normale avant 2022 et 2023 selon certains experts et, avec le télétravail, la nécessité de certains vols business sera peut-être remise en question, justifie-t-il. Dans l'automobile, Renault a enregistré la plus importante perte de son histoire, avec 7 milliards d'euros au deuxième trimestre. A choisir, je privilégierais plutôt Peugeot, qui a réalisé un bénéfice sur le trimestre."

Bertrand Merveille, de La Financière De l'Echiquier , n'est pas aussi catégorique : "Le secteur automobile va connaître une accélération de sa transformation structurelle. Les constructeurs vont essayer de se développer sur le moteur à hydrogène pour prendre la suite des énergies fossiles et il y aura des gagnants. Dans le cadre de nos stratégies value, qui s'intéressent aux valeurs décotées, il se peut qu'on suive de très près un secteur comme l'automobile, dans lequel des paris sont à prendre pour être positionné sur la marque qui tirera profit de ces changements".

Quid des valeurs bancaires ?

De telles opportunités sont-elles à rechercher dans le secteur bancaire ? "Elles sont en première ligne pour sauver les entreprises reconnaît Antoine Fraysse-Soulier mais, à l'instar de Total, par exemple, elles offrent des dividendes importants. BNP est celle qui semble tirer son épingle du jeu, même si, comme pour toutes les sociétés bancaires pour 2020, le dividende a été suspendu. BNP est première banque française et deuxième banque européenne et présente un bon ratio de solidité financière."

"Dans le secteur bancaire, BNP est celle qui devrait tirer son épingle du jeu"

C'est d'ailleurs plutôt globalement le cas dans le secteur, souligne Jean-Patrice Prudhomme. "Ces titres sont sous-valorisés et on ne tient vraiment pas compte de la santé des acteurs de ce secteur, qui est meilleure que celle qu'ils pouvaient avoir en 2007/2008. Surtout, les banques centrales sont à la manœuvre pour soulager les banques lorsque l'endettement des Etats augmente". De là à dire qu'il faut mettre beaucoup d'œufs dans le panier bancaire, il y a un pas, estime le professionnel. "On ne sait pas comment ce secteur va se transformer par rapport aux nouveaux acteurs. Mais on peut mettre des banques de bonne qualité dans un portefeuille diversifié."

Les obligations

Du côté des obligations, "c'est bien de diversifier la poche obligataire en prenant des obligations d'entreprises et des obligations souveraines et en investissant sur plusieurs zones géographiques, encourage Jean-Patrice Prudhomme. Notamment aux Etats-Unis, où les taux sont supérieurs aux taux européens, quelles que soient les catégories d'obligations : obligations souveraines, obligations d'entreprises bien notées et high yield". Chiffres à l'appui : "Sur l'investment grade, on est en moyenne à 0,65% en zone euro contre 2,45% aux Etats-Unis. Même chose pour le high yield. En zone euro, le rendement moyen des obligations à haut rendement est de 3,86% alors qu'il est de 5,94% aux Etats-Unis".

"Il est important de diversifier la poche obligataire, notamment au niveau géographique, en particulier aux Etats-Unis, où les taux sont supérieurs aux taux européens, quelles que soient les catégories d'obligations"

Autre impératif : couvrir la devise. "Nous utilisons pour cela les parts couvertes des OPC globaux, dans lesquels il y a une part d'actifs en dollars importante, Jean-Patrice Prudhomme. Entre le plus haut du dollar en mars 2020 et le plus bas atteint ces derniers jours, le dollar a baissé de 10% par rapport à l'euro. Si j'achète en euros des obligations d'Etat ou d'entreprises américaines et que je ne couvre pas, alors mon actif va baisser. S'orienter sur des obligations indexées sur l'inflation permet également de protéger sur l'inflation si celle-ci devait augmenter." Un risque faible pour nos trois interlocuteurs. "Récemment, la Fed a annoncé qu'elle pourrait laisser l'inflation courir au-delà de son objectif de 2% en période de croissance. Si elle dit cela, c'est que l'inflation ne devrait pas galoper de manière importante dans les années qui viennent. Pour des raisons de politique monétaire et de croissance qui reste faible, de notre point de vue, le risque d'inflation est donc faible", justifie Bertrand Merveille.

Les stratégies alternatives

Restent les stratégies de gestion alternative, comme les stratégies global macro, qui consistent à essayer de générer des rendements positifs importants en faisant des paris avec effet de levier sur tous les marchés. Milleis est de la partie, avec le fonds OPCVM JP Morgan Global Macro Opportunities Fund. "Nous sommes à +5% depuis le début de l'année donc on surperforme même par rapport aux marchés actions", se félicite Jean-Patrice Prudhomme.

"Ces dernières années, les clients ont été déçus du comportement de certaines de ces stratégies parfois jugées complexes, tempère Bertrand Merveille. Le marché des actions offre ce grand avantage d'être très liquide et relativement lisible. Vous comprenez bien ce que vous achetez."

"Les mines d'or ont l'avantage de la liquidité et il s'agit d'une valeur mobilière"

"Nous travaillons également sur des stratégies long short et sur les mines d'or, poursuit Jean-Patrice Prudhomme. Ces dernières ont progressé de 40% depuis le début de l'année alors que l'or, lui, a progressé de 28%. Les mines d'or suivent l'évolution de l'or mais sont en retard par rapport à son prix. Elles ont l'avantage de la liquidité et il s'agit d'une valeur mobilière. Les entreprises minières ont fait beaucoup d'efforts pour réduire leurs coûts, leurs points morts et être rentables à des niveaux de prix d'or plus bas. Sans compter qu'elles dégagent des cashflows. Il y a donc un intérêt à investir en partie son portefeuille sur les mines d'or pour couvrir et décorréler une partie du portefeuille par rapport à l'évolution des marchés d'actions et de taux", assure le professionnel. Et de rappeler pour achever de nous convaincre, que le gourou Warren Buffett lui-même, pourtant pas adepte de cet actif, a récemment investi 500 millions de dollars dans la société minière canadienne Barrick Gold.