Guerre en Ukraine : quelles sont les valeurs à suivre… Et à fuir ?

Guerre en Ukraine : quelles sont les valeurs à suivre… Et à fuir ? Les marchés financiers continuent à creuser leurs pertes, quelques jours après l'entrée de la Russie en Ukraine. Voici nos conseils pour garder la tête froide.

La Bourse de Paris, et les autres places financières mondiales, peuvent-elles encore s'enfoncer ? L'indice vedette CAC 40 a perdu 4,86% sur l'ensemble du mois de février, son pire mois depuis mars 2020, et la mise en place des restrictions sanitaires. La cote parisienne a subi trois séances très volatiles, et ce, dès le 24 février, lors de l'éclatement du conflit en Ukraine. Cette instabilité promet de durer, tant la réaction de la Russie face aux sanctions internationales demeure imprévisible.

Les investisseurs particuliers sont déjà sur le qui-vive. "Sur nos 13 000 clients, nous avons eu 1 000 messages sur le tchat la semaine dernière, observe Thomas Perret, fondateur de la start-up Mon Petit Placement, fintech qui désire démocratiser l'investissement sur les marchés financiers. Nous avons affaire à des comportements très différents, et un peu trop extrêmes : soit nos clients veulent tout vendre, soit nos clients veulent remettre une grosse somme."

Une volatilité forte

Les spécialistes des marchés financiers, eux, restent prudents. "Si on parle du niveau de stress global des marchés européens, on ne peut pas parler de panique, nuance Alexandre Baradez, chief market analyst chez IG France, courtier en ligne. Pour l'instant, le marché se place dans une optique où il espère que la Russie va descendre d'un ton." Thomas Perret acquiesce. Le fondateur de Mon Petit Placement prédit un premier semestre chahuté. "Au deuxième semestre, on aura une meilleure visibilité, notamment sur les risques associés à cette crise, comme l'inflation", explique-t-il.

"Une fois que la crise est là, c'est trop tard pour vendre"

Jusqu'ici, de nombreuses valeurs ont souffert sur le marché des actions, à commencer par celles du secteur de l'énergie. Dans la foulée de l'entrée des troupes russes sur le sol ukrainien, le prix du baril de pétrole (Brent) a franchi la barre des 100 dollars, une première en sept ans. Même son de cloche pour le gaz, la Russie étant un exportateur majeur - Engie a vu son action dégringoler de 13% le 1er mars, tandis que le cours du gaz naturel a atteint un record historique à 194,715 euros le mégawattheure au 2 mars -, ainsi que les banques et l'automobile. La Russie représente le deuxième marché du groupe Renault dans le monde derrière l'Europe. La Société Générale, par exemple, qui a une filiale en Russie baptisée Rosbank, a encore perdu plus de 9% le 1er mars, en réaction à l'exclusion du secteur bancaire russe du système Swift.

Faire le dos rond... ou non

Pour Alexandre Baradez, l'automobile, le tourisme et les loisirs, le secteur bancaire et les valeurs tech constituent les valeurs qui risquent de fluctuer le plus dans les prochaines semaines. Quelle attitude faut-il adopter si vous êtes déjà positionné en Bourse ? Deux options s'offrent à vous : faire le dos rond ou "remettre un peu d'argent, ce qui permettra de bénéficier du rebond par la suite", préconise Thomas Perret. Gare à vous si vous êtes tenté de vendre vos actions. "On le dit toujours, une fois que la crise est là, c'est trop tard pour vendre, martèle Alexandre Baradez. Je pense que les trous d'air que nous connaissons actuellement sont attractifs pour quelqu'un qui est patient. Plusieurs valeurs liées à l'armement et à la défense ont fortement augmenté en début de semaine, comme Thalès (+11%), tout comme les matières premières agricoles que sont le blé, le maïs et l'orge. 

L'or reste une valeur refuge

D'autres pourraient être attirés par l'or, valeur refuge par excellence. "Typiquement sur une journée comme celle du 24 février, l'activité a été multipliée par quatre, c'est globalement un réflexe", note Jean-François Faure, président d'Aucoffre.com, plateforme d'achat et vente de métaux précieux entre particuliers. Pour l'or, comme pour les actions, la stratégie est identique. "Si on connaît déjà bien l'or, on ne change pas la règle du jeu : on continue à en acheter régulièrement, quasiment tous les mois, comme ça vous êtes neutre sur le cours, détaille Jean-François Faure. Ceux qui n'avaient pas d'or jusqu'à présent, il faut bien rentrer, pourquoi pas maintenant. Mais il faut essayer de se positionner sur des jours de consolidation." Autrement dit, évitez d'acheter de l'or d'un coup les jours de fortes hausses, mais soyez patient. "La structure moyen terme de l'or, même s'il y a une détente géopolitique, devrait rester haussière pour des questions de demande mondiale, souligne Alexandre Baradez d'IG France. On a pu voir que l'or a été très résilient dans la phase de normalisation de la rhétorique des banques centrales. Il n'y a pas eu de décrochage". Preuve que l'or devrait continuer à constituer une valeur privilégiée en période difficile.

Le président d'Aucoffre.com ne voit d'ailleurs aucune raison de vendre son or à tout prix. "Le meilleur l'accomplissement de l'or est de ne pas l'utiliser, résume-t-il. Vendre l'or doit être quelque chose qui doit être fait de manière impérieuse. Vous êtes comme pris à la gorge. A ce moment-là, vous n'avez aucun scrupule. Si vous avez une crise personnelle, vous n'avez pas à réfléchir au contexte. L'avantage de l'or, c'est que contrairement à une assurance vie ou à l'immobilier, il est extrêmement liquide."

Le bitcoin en forte hausse

Quid des cryptomonnaies ? En ce début d'année, le bitcoin a été particulièrement secoué, perdant 30% de sa valeur en un mois, après avoir atteint un record à 68 000 dollars en novembre dernier. Outre l'inflation et la menace de la hausse des taux d'intérêt agitée par les banques centrales, ces actifs doivent faire face à la volonté de nombreux Etats de les réguler. Déjà très volatile, le bitcoin a, une nouvelle fois, été affecté, cette fois-ci par le conflit ukrainien. Après s'être effondré la semaine dernière, son cours repart toutefois à la hausse, dépassant les 44 000 dollars. Les achats de bitcoin ont fortement augmenté, notamment en Russie, affectée par les sanctions bancaires.

"Les cryptomonnaies réagissent comme des actifs de risque, explique Alexandre Baradez d'IG France.  Il y avait des interrogations sur le fait de savoir si c'était l'or numérique. On a vu que non, elles réagissent comme des valeurs technologiques." Jean-François Faure acquiesce. "Ceux qui voulaient comparer le bitcoin à de l'or numérique, ce n'est pas le cas, affirme-t-il. C'est la deuxième fois qu'il le prouve. Ce n'est pas un actif de résilience comme on pourrait nous le présenter. Pour quelqu'un qui voudrait être plus neutre sur l'impact des banques, l'or est plutôt intéressant car il est contracyclique."

Gardez la tête froide 

Malgré ces conseils, vous peinez toujours à garder la tête froide, tant l'issue du conflit en Ukraine est incertaine ? "Le pire avec les conflits géopolitiques, c'est le bruit : il faut absolument s'en détacher, soit en lisant moins de médias, soit en prenant de la hauteur, en regardant les indicateurs économiques de fond", conseille Thomas Perret de Mon Petit Placement. Alexandre Baradez acquiesce. "Les réactions sont très concentrées sur le marché actions, souligne-t-il. On sent qu'il y a une capacité de résilience de l'Europe sur ses stocks - gaz, céréales. Je pense que ça participe à ce qu'il n'y ait pas de panique sur les marchés financiers."