MiCA, TFR : ce que les textes changent pour les acteurs cryptos de l'Union européenne

MiCA, TFR : ce que les textes changent pour les acteurs cryptos de l'Union européenne Après l'approbation par le Conseil de l'Europe puis celle de la commission des affaires économiques, le Parlement Européen a finalement adopté les versions définitives des règlements de l'Union européenne sur les marchés des crypto-actifs le 20 avril.

L'ambition du règlement de l'Union européenne sur les marchés des crypto-actifs MiCA, adopté par le Parlement européen le 20 avril, est de créer un cadre légal homogène au niveau européen autour des crypto-actifs et leurs fournisseurs, en grande partie inspiré de la loi française Pacte de 2019.  Il n'entrera néanmoins en vigueur qu'en 2024.

Le CASP, l'équivalent européen du PSAN français

En premier lieu, MiCA vise notamment à encadrer les places de marché de cryptomonnaies, les crypto-banques mais aussi les émetteurs de jetons. Pour cela, le texte crée le concept de CASP (crypto-asset service provider), calqué sur celui de prestataire de services numériques (PSAN) supervisé par l'AMF en France. En Europe, ces entités seront donc supervisées par l'ESMA, l'homologue de l'AMF au sein de l'UE, et devront s'enregistrer auprès d'elle.

À noter que le texte exclut de cette obligation les prestataires de services numériques qui ne font pas de "sollicitation active" sur le sol européen (article 53b). Cela signifie donc qu'un opérateur comme Kraken (volontairement non enregistré en tant que PSAN en France) ne serait pas encadré par le texte mais pourrait continuer d'opérer sur le territoire tant qu'il ne fait pas de "sollicitation active". Pour cette raison, les PSAN et leurs défenseurs ont demandé aux législateurs européens de clarifier la notion de "sollicitation active".

Des obligations plus ou moins strictes selon les CASP

Tous les CASP devront donc disposer d'une licence et présenter un livre blanc ; ils devront présenter auprès des détenteurs de leurs tokens la capacité d'échanger ces jetons contre le même montant en monnaie fiduciaire. Tous les fonds en monnaie fiduciaire reçus par les CASP en provenance de leurs clients devront être déposés au sein d'une banque ou d'une institution de crédit.

Un chapitre est consacré aux CASP jugés "importants", une qualification pour les prestataires dont la base de clients atteint "au moins 15 millions d'utilisateurs actifs, en moyenne, sur une année calendaire, au sein de l'Union européenne". Ceux-ci devront observer davantage de précautions, notamment en matière de fonds propres.  

Classification des crypto-actifs

MiCA établit également une classification de ces actifs numériques et les classe en trois catégories :

  • Les electronic money tokens ou e-money tokens, qui cherchent à maintenir une valeur stable en répliquant le cours d'une devise. Cela inclut donc les stablecoins, aussi bien centralisés que ceux qui se revendiquent "algorithmiques". À noter que MiCA n'encadre pas les stablecoins indexés sur une autre valeur que l'euro.
  • Les asset-referenced tokens, censés maintenir une valeur stable en utilisant comme point de référence un panier d'actifs. Un cas de figure qui rappelle la tentative avortée de Facebook (aujourd'hui, Meta) avec Diem (initialement appelé Libra).
  • Les utility tokens, ou jetons utilitaires, dont l'objet est d'être échangeables contre un bien ou un service.

Les NFT "non financiers" exclus du règlement

Les NFT ne font pas partie de la classification des crypto-actifs établie par le texte. Pour autant, ils sont bien mentionnés. Les NFT dits de collection ou artistiques ne seront pas concernés par le texte, selon l'alinéa 6b de l'annexe. En revanche, ils pourraient l'être s'ils sont émis "en grande quantité" tandis que les NFT fractionnés ne sont pas considérés "non fongibles" et constituent donc des actifs financiers. Le texte ne définit pas quels sont les critères pour qualifier un crypto-actif d'instrument financier : ce sera à l'ESMA de le faire (alinéa 6a de l'annexe). Le flou règnera donc encore quelques mois.

L'Agence bancaire européenne mise à contribution

Comme pour les PSAN, MiCA consacre un chapitre aux e-money tokens jugées "importantes", c'est-à-dire celles ayant un nombre de détenteurs supérieur à 10 millions, avec une capitalisation totale ou une valeur d'actifs totale supérieure à 5 milliards d'euros et avec un nombre de transactions et un montant total de valeur échangée journaliers respectivement supérieur à 2,5 millions et 500 millions d'euros par jour. Elles tomberont sous la supervision de l'Agence bancaire européenne, et non de l'ESMA. 

La DeFi réglementée plus tard 

Les outils de DeFi (pour finance décentralisée) tels qu'Uniswap (trading) ou MakerDAO (outil de crédit) ne sont pas concernés par la réglementation posée par MiCA. Un rapport de la Commission européenne est attendu dans les prochains mois avant de statuer sur ce champs : il devra par la même occasion définir les contours exacts de ce qu'est la finance décentralisée. 

Les limitations attendues de TFR

Concernant TFR, dont l'objet est de tracer les flux de valeurs, la réglementation est celle que l'on attendait lors des premières esquisses issues des débats : la travel rule, recommandée par le Groupe d'action financière (GAFI), obligera certes le partage d'informations entre prestataires de services numériques, et ce, dès le premier euro mais pas les transferts de pair-à-pair.  Enfin, toutes les transactions supérieures à 1 000 euros impliquant un prestataire de services numériques nécessiteront la vérification des informations des utilisateurs.