La fin prochaine du e-commerce tel que nous le connaissons ?
Depuis les déclarations en février 2012 du PDG de Sainsbury’s, Justin King, appelant le petit commerce à simplement accepter son destin et se résigner à disparaître, la « mort du commerce de proximité » est à nouveau un sujet brûlant dans les médias.
Le e-commerce
a été considéré comme l’un des responsables des déboires des commerces
« bricks and mortar ». Mais c’est un jugement biaisé, qui suggère une
cannibalisation des canaux commerciaux entre eux, alors que la véritable
tendance est, au contraire, celle d’une complémentarité dont le potentiel est
quasiment illimité.
Si les
consommateurs ne se restreignent plus à faire leurs achats dans les magasins
traditionnels, ils ne souhaitent pas non plus faire leur shopping exclusivement
en ligne. En réalité, les consommateurs veulent les deux. Et même plus :
ils veulent aussi pouvoir faire leurs achats par téléphone, sur catalogues ou
sur leur Smartphone. Cette chronique traite du fait que plus aucun canal de
shopping ne peut désormais se suffire à lui-même. Faute de prendre toute la
mesure de l’évolution extrêmement rapide du e-commerce et de cette convergence
des canaux, les plateformes de e-commerce telles que nous les connaissons
aujourd’hui vont disparaitre.
La vision du e-commerce du début des années 2000
est déjà caduque, et ce n’est pas tant une stratégie de e-commerce qu’il faut
mettre en œuvre, mais une stratégie cross-canal cohérente et homogène.
Le secteur
du commerce en ligne jouit d’une solide santé. Les chiffres de la FEVAD
montrent que le les français ont dépensé 37,7 milliards d’euros sur internet
l’année dernière (22% de plus qu’en 2010), et le nombre d’acheteurs en ligne ne
cesse d’augmenter.
D’après les dernières statistiques de la FEVAD, le nombre
d’internautes ayant acheté en ligne au premier trimestre 2012 a progressé de
11% sur un an, correspondant à 3 millions de nouveaux cyberacheteurs français.
Les
commerçants doivent revoir entièrement leur approche. Ils doivent désormais s’intéresser
à la manière dont les clients naviguent entre différentes plateformes pour
réaliser leurs achats. Nous sommes tous de plus en plus habitués au concept de
shopping cross-canal ; il est devenu commun d’acheter un produit en
commençant, par exemple, par chercher sur internet puis, après avoir commandé
en ligne, en allant chercher ses achats en magasin. Les possibilités pour
attirer l’attention du client sont en constant développement, combinant
techniques traditionnelles et techniques nouvelles.
Même dans le magasin, une
offre spéciale peut être proposée via une application mobile comme Foursquare,
tout en continuant à permettre au vendeur de saisir des opportunités de
dernière minute pour attirer l’attention du client sur les toutes dernières
promotions.
Le site
d’enchères en ligne eBay a expérimenté le lien existant entre le online et le
offline, en ouvrant un magasin éphémère
au moment du rush de Noël 2011. La « Boutique eBay » a été
ouverte pendant cinq jours et proposait une sélection des 350 articles les plus
vendus, comme le parfum, les appareils photo numériques et les écrans TV. Les
visiteurs du magasin étaient invités à se connecter à leur compte eBay via leur
Smartphone ou leur tablette, afin de naviguer librement sur le catalogue en ligne.
Pour faire un achat, les clients n’avaient qu’à scanner le code barre associé à l’article choisi et
remplir leur panier en ligne avant d’effectuer le paiement, soit dans le
magasin en utilisant leur Smartphone ou leur tablette, soit ultérieurement depuis
leur ordinateur.
Le magasin
éphémère ne proposait que les articles présents sur le catalogue en ligne.
Plutôt que d’emporter leurs achats en quittant le magasin, les clients étaient
livrés à l’adresse de leur choix. En ouvrant un magasin combinant plusieurs
canaux, eBay a permis aux clients de profiter d’une expérience de shopping sans
stress, avec les avantages du shopping en ligne et ceux du shopping
traditionnel.
L’exemple
récent du « Cube » de Delhaize est particulièrement représentatif des
nouvelles stratégies cross-canal mises en place par les distributeurs. Début
avril 2012, l’enseigne de distribution belge Delhaize a installé dans la gare
de Bruxelles un cube dont chaque face présentait une sélection de produits (300
en tout), à la manière d’un supermarché virtuel. Il suffisait alors aux passants de scanner le
code-barre des produits désirés avec leur Smartphone – après avoir téléchargé
l’application Delhaize Direct – puis d’aller retirer leurs achats dans le
supermarché Delhaize de leur choix.
Au-delà de
son caractère ludique et innovant, le Cube Delhaize illustre surtout un aspect
qui va être de plus en plus central pour l’efficacité des stratégies de e-commerce :
la convergence et la continuité entre les canaux. Ce n’est pas par fantaisie
marketing que l’on a commencé à parler de cross-canal plutôt que de
multicanal ; voire même, à présent, d’omni-canal plutôt que de
cross-canal. L’interaction avec le consommateur, le cycle de vie de l’acte
d’achat et l’ensemble de la relation client doivent à présent être abordés
comme une chaine fluide et décloisonnée, qui doit pouvoir passer d’un canal à
l’autre (et réciproquement) avec la même facilité et la même qualité
d’expérience.
Un nouvel
impératif pour les commerçants et distributeurs réside dans la nécessité de
gommer les distances entre le consommateur et les canaux digitaux, afin de
s’assurer que l’expérience de shopping reste constante d’une plateforme à
l’autre.
1. Dans le commerce de proximité, un
bon vendeur prendra le temps de vous connaitre et vous conseillera dans le but
de vous offrir un service personnalisé. Cette dimension humaine permet au
client de se sentir considéré, favorisant sa propension à acheter et à revenir
dans le magasin. Ce service peut être reproduit en ligne grâce à la
personnalisation et à l’analyse des comportements de navigation et d’achat, qui
permettent de faire des recommandations en fonction de chaque visiteur. Les
sites de e-commerce peuvent également s’appuyer sur des technologies permettant
aux clients de converser par écrit, en temps réel, avec les conseillers de
l’enseigne. Les marques peuvent également proposer d’autres services en
ligne. Yves Rocher, par exemple, donne
accès à ses clientes à de nombreuses informations et leçons de beauté sur son
site web, afin de leur apporter les
mêmes conseils experts que ceux prodigués par les vendeuses en magasin.
2. Les implications sociales associées
aux lieux où nous nous rendons, ainsi que les personnes que nous pouvons
rencontrer ou par lesquelles nous pouvons être vus, influencent également le
choix des endroits où nous faisons notre shopping. Le phénomène peut être
transposé sur les plateformes en ligne, via l’intégration des réseaux sociaux.
Facebook et les autres communautés peuvent être utilisés afin de réunir les
consommateurs en fonction de leurs goûts, qu’il s’agisse d’un groupe de jeunes mères
ou de quadra passionnés de moto.
3. Un autre facteur qui fait souvent
défaut sur le web est la sensation physique et émotionnelle suscitée par les
produits dans le monde réel. L’aspect, le toucher, le parfum ou le poids d’un
produit peuvent par exemple influencer notre décision d’achat et, sans ces
éléments, les consommateurs peuvent renoncer. Les commerçants et distributeurs
peuvent satisfaire ce besoin, tout au moins en partie, en fournissant par
exemple des photos de très bonne qualité pour chaque produit, ou en donnant la
possibilité de visualiser les articles en les faisant tourner à 360°. Certaines
marques proposent encore, pour chaque article, un petit clip montrant un mannequin
défilant sur la scène, afin de pouvoir voir comment le vêtement est porté.
4.
D’autres enseignes en ligne telles que meemee.com ont commencé à expérimenter
des avatars que les visiteurs peuvent personnaliser en modifiant les
mensurations, la couleur des cheveux, etc., afin de pouvoir ensuite
« essayer » des vêtements dans une cabine d’essayage virtuelle.
Selfridges a poussé encore plus loin le concept en proposant des cabines
d’essayage virtuelles dans ses magasins, permettant aux clients de voir comment
les différents articles leur vont, puis d’envoyer des photos à leurs amis.
Aucune de
ces approches ne peut se suffire à elle-même. Les canaux doivent converger pour
que le client associe une enseigne à une expérience de shopping agréable et
homogène. Il existe à présent de nombreux produits et services permettant de
faciliter cette démarche. Certaines solutions permettent de gérer les données
produits et les informations liées aux ventes et au marketing sur plusieurs
canaux, et vont être de plus en plus indispensables pour les commerçants et
distributeurs.
Les
distributeurs quoi ont déjà adopté ces technologies en tirent les bénéfices.
Les études montrent que les clients qui achètent sur plusieurs canaux achètent
plus. Selon une étude menée récemment par
Accenture, les clients cross-canal dépensent au moins 26% de plus que ceux qui
achètent sur un seul canal. Ces clients montrent également une plus grande
fidélité aux marques et sont plus enclins à en parler positivement.
Les
prochaines avancées technologiques vont, à n’en pas douter, générer autant de
casse-têtes que d’opportunités. Mais le message est clair. Les problèmes que
connait le commerce de proximité ne peuvent pas être attribués uniquement au e-commerce.
Tout comme celui-ci ne peut pas dominer seul. De nouveaux canaux s’ajoutent
rapidement, et certains n’en sont qu’à leurs balbutiements.
Le retailer du
futur doit voir le commerce comme un ensemble, comme un monde de
« commerce connecté » dans lequel le online et le offline coexistent,
parce que c’est ce que veulent les consommateurs.