Emery Jacquillat (Matelsom-Camif) "La faillite de Camif a été retentissante, retrouver la confiance des clients est donc la priorité"

Matelsom vient de rouvrir Camif.fr. Son PDG explique comment s'est préparée cette relance et dévoile ses projets et ses ambitions pour les deux sites.

JDN. Depuis que Matelsom a racheté la marque et le fichier client de Camif Particuliers fin mars 2009, qu'avez-vous fait ?

Emery Jacquillat. Nous avons tout repris de zéro. L'idée a été de relancer au plus tôt Camif.fr, en commercialisant l'offre présentée dans le catalogue envoyé en septembre 2008 par l'équipe précédente, juste avant la mise en cessation de paiement. C'est pour garantir cette continuité que nous avons relancé des partenariats avec les anciens fournisseurs de Camif, dont certains avaient évidemment perdu de l'argent au moment de la faillite.

Aujourd'hui, 70 % du catalogue papier de 800 pages est à nouveau commercialisé. Et il est toujours possible de commander par téléphone ou par courrier, mais c'est la dernière fois. Dorénavant, nous produirons des catalogues plus petits et plus fréquents. Nous sommes en effet dans une phase de transition, y compris du point de vue de l'offre, pour la mettre en phase avec le nouveau positionnement de Camif.

"Notre premier geste a été d'adresser un courrier aux 25 000 clients lésés par la faillite"

Quel est ce nouveau positionnement ?

Nous avons analysé l'échec de Camif Particuliers. Il tient bien sûr à la difficulté éprouvée à migrer de la vente par catalogue à Internet. Mais il s'explique aussi par le fait que Camif s'était progressivement éloigné de son offre originelle pour se rapprocher de La Redoute et des 3 Suisses, avec leurs prix plus élevés et leurs promotions plus fortes. Ce positionnement ne correspondait pas à la vocation d'origine de la Camif, qui au sortir de la guerre devait permettre aux instituteurs de s'équiper en mobilier à bas prix.

Nous avons décidé de revenir aux valeurs originelles de Camif. C'est d'ailleurs dans cet esprit que nous préparons une plate-forme d'achat-vente entre particuliers. Nous souhaitons enfin commercialiser des produits plus tournés vers l'avenir, qui donnent envie de consommer durable et responsable. Nous travaillons du reste beaucoup avec des fournisseurs français.

Comment a été accueillie la réouverture de Camif.fr ?

Nous avons rouvert le site le 1er juillet, sans l'annoncer. Histoire aussi de nous rôder avant de procéder au véritable lancement commercial en octobre : les commandes ne reprennent réellement que maintenant. Notre premier geste a été d'adresser un courrier aux 25 000 clients lésés par la faillite de la Camif fin 2008. Nous leur avons expliqué qui nous sommes et en quoi consiste notre projet de relance. Nous ne pouvons bien entendu pas avancer les 8 millions d'euros qu'ils ont perdus au total, mais nous leur avons proposé une carte de remise de 7 % sur les prix nets, valable à vie. Nous nous attendions à ce que 5 à 10 % d'entre eux activent cette carte, mais ils sont près de 35 % à l'avoir fait. Par ailleurs, nous leur avons indiqué un blog, lancé avant le site, où ils peuvent s'exprimer. Ils ne s'en sont pas privés !

"Pour retrouver la confiance de nos clients, nous proposons l'option Receive & Pay"

Sur quels leviers avez-vous agi pour retrouver la confiance des consommateurs ?

La faillite a été retentissante, retrouver la confiance de nos clients était donc la priorité absolue. C'est la raison pour laquelle nous proposons l'option de paiement Receive & Pay, que Matelsom avait été l'un des premiers à adopter début 2009. Le client ne paie qu'à la réception de sa commande, s'il en est satisfait, mais nous sommes crédités tout de suite par le service. Près de 40 % de nos clients choisissent cette option, accessible pour les montants supérieurs à 150 euros. Receive & Pay, qui est un service de Fia-Net, prend une commission supérieure aux cartes bancaires traditionnelles. Mais nous ne pouvions pas redémarrer l'activité de Camif sans proposer des solutions de ce type.

Vous vous étiez engagés à créer 300 emplois en 12 à 18 mois avec le logisticien Geodis et les centres de contact Teleperformance. Où en êtes-vous ?

Nous avons recruté une vingtaine de personnes à Niort et avec nos partenaires Geodis et Teleperformance, nous conservons cet objectif de 300 nouveaux emplois dans les 15 à 18 mois. En effet, Matelsom veut se concentrer sur la construction de l'offre et la vente en ligne, en externalisant tout le reste. J'ai convaincu Geodis et Teleperformance d'ouvrir chacun un nouveau centre à Niort. Ils ont trouvé des clients supplémentaires, notamment dans le domaine de l'assurance, et ont ouvert. Nous tablons sur 150 à 200 nouveaux emplois prochainement à Niort. Il s'agit donc d'une véritable opération de restructuration industrielle, très positive pour la région.

Côté Matelsom, nous avons migré notre siège de Nanterre à Niort. Pour maximiser les chances du projet de relance de Camif Particuliers, il est mieux d'être tous ensemble. En fin d'année, nous serons environ 60 sur place. En avril, nous avons aussi migré l'entrepôt de Matelsom - qui servira aussi à Camif - de Nanterre à Dreux.

Quel chiffre d'affaires visez-vous en 2010 ?

Il y a trois ans, le chiffre d'affaires de Camif Particuliers s'élevait à 600 millions d'euros. S'ils avaient terminé l'année 2008, ils auraient atteint 230 millions, ceci en ayant arrêté la vente d'habillement et d'high-tech et en s'étant recentrés sur l'ameublement et la maison. Sur ces 230 millions, 40 % proviennent d'Internet, soit 90 millions environ. Notre ambition est de dépasser ce chiffre d'ici trois ans. En 2009, les ventes de Matelsom s'élèveront à 15 millions d'euros et en 2010, Matelsom et Camif.fr devraient à eux deux atteindre 45 millions d'euros.

"Nous avons mis en place une organisation destinée à ce que le projet Camif ne noie pas tout le reste"

Vous reste-t-il du temps pour vous occuper de Matelsom ?

Nous avons immédiatement mis en place une organisation destinée à ce que le projet Camif ne noie pas tout le reste. D'un côté nous avons les fonctions support : achat, informatique, supply chain, etc. De l'autre des business units indépendantes et autonomes : Matelsom, Camif, Meubles.com et notre activité Grands comptes.

Car Matelsom travaille en marque blanche pour d'autres e-commerçants...

La literie impose des normes de stockage que seuls les fabricants et peu de logisticiens sont en mesure de respecter. Par exemple, les palettes de manutention classiques en 80x120 cm ne suffisent pas. Nous assurons donc l'activité de vente en ligne de literie de plusieurs sites marchands. Nous étions d'ailleurs en discussion pour reprendre l'onglet literie de Camif.fr lorsqu'ils ont mis la clé sous la porte. La literie représentait en 2007 45 millions d'euros de chiffre d'affaires pour la Camif, ce qui la plaçait devant La Redoute et les 3 Suisses sur ce segment.

Quel a été le principal projet de Matelsom cette année, reprise de Camif Particuliers mise à part ?

Il s'agit de notre migration logistique, aboutissement d'un an et demi de travail. Lorsque le nombre de matelas stockés augmente, les normes de stockage imposent par exemple une structure de bâtiment en acier et non plus en béton. Ces produits étant inflammables, les contraintes liées au voisinage se font aussi plus exigeantes. Ces nouveaux entrepôts vont donc nous permettre de changer de taille.

"Nous prévoyons de migrer vers un ERP intégré, Generix, pour fiabiliser nos process"

En 2009, nous avons aussi bouclé notre plan de financement. Entre une recapitalisation auprès des acteurs historiques, une levée de fonds et le bouclage de plans de financement avec nos banques, les collectivités locales et l'Etat, il s'élève au total à 15 millions d'euros.

Que prévoyez-vous pour l'an prochain ?

Nous travaillions à une nouvelle version de Matelsom.com mais la reprise de Camif Particuliers ne nous en a pas laissé le temps cette année. En 2009, nous avons donc surtout lancé l'essayage virtuel des matelas : la refonte du site sera pour 2010.

Nous prévoyons aussi de migrer vers un ERP intégré, Generix, et son module spécialisé dans la vente à distance, qu'utilise aussi Cdiscount. Il va nous permettre de fiabiliser nos process et d'augmenter notre productivité. Mais pour le mettre en place, nous allons aussi devoir faire évoluer beaucoup d'aspects de notre fonctionnement. C'est donc un très gros projet.