Aurélie Filipetti, like a Virgin ? Chronique d'humeur
Quand Virgin Megastore annonce son dépôt de bilan, la ministre de la Culture charge le commerce en ligne. Est-ce bien raisonnable ?
C'est une bien triste nouvelle que l'on peut
lire un peu partout.
Virgin Megastore, distributeur des produits culturels employant plus de 1.000
salariés sur le territoire français dépose le bilan.
Like a Virgin
Je lis aussi qu'Aurélie Filipetti, ministre
de la Culture, dénonce « la concurrence déloyale » faite par la distribution en
ligne au détriment de Virgin Megastore, les entreprises comme Amazon n'étant
pas imposées comme celles qui sont localisées en France. Méchant Amazon,
tremble !
« Un rapport va être remis ce mois-ci
au gouvernement sur la fiscalité à l'ère du numérique, avec des propositions
pour pouvoir lutter contre cette forme de contournement de la législation
fiscale », a ajouté la ministre.
Par principe, je suis toujours méfiant quand
on oppose un business à un autre business, le rendant responsable du déclin du
premier.
Tout cela n'est pas sans rappeler l'état d'esprit qui a
présidé à l'instauration de la contre-productive taxe dite Google, adoptée,
supprimée (souvenez-vous !) dont
l'effet pervers aurait été de frapper uniquement les sociétés françaises et pas
les autres.
Par
chance, le lobby des lavandières françaises n'a jamais été aussi bien organisé
que celui de l'industrie des biens culturels et au moins les lavandières
ont-elles su adapter leur activité sans empêcher l'arrivée des machines à
laver dans nos buanderies malgré la disparition de leur corporation.
Même expérience pour les cochers et la liste serait longue
depuis la révolution industrielle. La révolution industrielle est-elle en train
de mourir par la révolution numérique ? Je digresse.
Revenons à ce linge sale que notre ministre
de la culture lave en public. « Un rapport va être remis ce
mois-ci au gouvernement sur la fiscalité à l'ère du numérique, avec des
propositions pour pouvoir lutter contre cette forme de contournement de la
législation fiscale », a donc ajouté la ministre.
Monter un business en ligne et, qui plus est, qui fonctionne, c'est une forme de contournement de la législation fiscale ?
Payer moins, voire pas d'impôts sur les sociétés en optimisant fiscalement, permet-il d'inciter les clients à acheter ?
La pratique de l'optimisation fiscale, même si elle peut être considérée dans
certains excès comme déloyale bien que restant dans le cadre légal donné par la
législation, influe-t-elle sur le comportement des acheteurs ?
Les "économies" réalisées par l'optimisation fiscale sont-elles
allouées à l'acquisition client ou comme le reprochent certains redistribués
aux actionnaires ? Il faudrait se mettre d'accord !
Like a boss
Et puis, pourquoi s'arrêter à la fiscalité
? « La concurrence déloyale » est déloyale sur
bien d'autres plans.
Tout d'abord, à l'ère du numérique, ces
business en ligne, contrairement au Virgin Megastore, n'emploient aucun vendeur
et laissent l'acheteur livré à lui-même, face à un outil de recherche ou pire à
la lecture d'avis d'autres clients rédigés gratuitement.
Il faut donc remettre au gouvernement un rapport sur les conditions d'accueil
et les activités des clients, avec des propositions pour lutter contre cette
forme de travail illégal.
Empêcher la publication d'avis de consommateurs et interdire l'accès à un
outil de recherche pourraient être un bon commencement pour rétablir un peu
l'équilibre. Non ?
Ensuite, à l'ère du numérique, certains de
ces business en ligne, contrairement au Virgin Megastore, mangent à tous les râteliers
en se livrant à la pratique du cross-canal, allant même pour certains jusqu'à
permettre de commander en ligne et de retirer les commandes dans un magasin
physique.
Il faut donc remettre au gouvernement un rapport sur ce mélange de genres avec
des propositions pour lutter contre ces frontières floues.
Choisir son camp, ou bien pure-player, ou bien brick-and-mortar, et uniquement
l'un des deux, pourrait être un bon commencement pour rétablir un peu
l'équilibre. Non ?
Enfin,à l'ère du numérique, ces business en ligne, contrairement au Virgin Mégastore, sont ouverts jour et nuit, jours fériés et dimanches compris.
Il faut donc remettre au gouvernement un
rapport sur les jours et horaires d'ouverture avec des propositions pour lutter
contre cette forme de contournement du droit du travail. Empêcher ces sites en
ligne d'ouvrir le dimanche pourrait être un bon commencement pour rétablir
un peu l'équilibre.
Non ?
Plutôt que de repenser le modèle, ce ne sont que quelques
propositions pour lutter contre cette concurrence déloyale et remettre sur un
pied d'égalité les industries qui distribuent des produits culturels en
boutique avec certaines entreprises en ligne qui, à l'ère du numérique, osent
s'adapter à la demande de leurs clients qui préfèrent acheter chez eux plutôt
que dans des boutiques physiques.
Suffiraient-elles à sauver la FNAC, un des
fleurons français historique de la distribution de produits culturels ?
Bien que la FNAC ait accompli des efforts
notables, il reste du chemin à parcourir. C'est au même moment que sort une
enquête expliquant pourquoi Amazon creuse l'écart :
les consommateurs français déclarent y trouver plus facilement une information
55% d’avis positifs que sur les sites de la Fnac 45%. Ils ont aussi davantage
confiance dans la logistique de l’entreprise américaine 52% pour Amazon contre
42% pour la Fnac. Et Amazon creuse encore l’écart sur la capacité à proposer
des produits adaptés aux besoins, à 55% pour Amazon contre 38% pour la Fnac. On
le voit, l'optimisation fiscale n'est pas cause de tous les maux ... Les
mauvais ou tardifs choix stratégiques peuvent conduire à la sortie de route.
Quand dans les années 95 Virgin était accusé de causer la mort des petits
disquaires, ils savaient surfer sur les tendances, mais depuis une dizaines
d'années ils n'ont pas su voulu voir le changement qui s'opérait.
Amazon annonce cette semaine la sortie d'AutoRip, un
service qui offre gratuitement en format mp3 et accessible dans le cloud les
CDs achetés sur son site. CQFD.
Aurélie Filippetti aurait écarté la possibilité d'une nationalisation temporaire de Virgin Megastore, comme celle qui avait été envisagée pour le site sidérurgique de Florange, soulignant qu'il s'agissait cette fois de "produits culturels". L'exception culturelle a des limites.
Espérons que nous nous acheminons vers un redressement judiciaire qui donnera un délai pour trouver un éventuel repreneur, et surtout aux employés le temps de se recaser ailleurs. Dans des entreprises de vente en ligne ?