Thierry Petit (Showroomprivé) "Vente-privee.com ne pourra plus menacer de procès ses concurrents"
Le patron de Showroomprivé explique pourquoi il a cherché et réussi à faire tomber la marque Vente-privee.com et ce que va changer pour le secteur la décision du TGI de Paris.
JDN. Suite à une plainte déposée par Showroomprivé, le TGI de Paris vient de prononcer la nullité de la marque Vente-privee.com (Vente-Privee.com a décidé de faire appel de la décision). Pourquoi avez-vous voulu la faire tomber ?
Thierry Petit. Nous faisons des ventes privées depuis 1997, avec notre magasin parisien Showroom30. A l'époque, nous utilisions déjà les mots "vente privée", par exemple sur des flyers, car c'était déjà notre secteur. Lorsque nous avons migré sur Internet en 2006, nous avons continué. Les accusations de "copie" dont nous ensevelit Vente-privee.com me font donc doucement rire, puisque nous faisions déjà des ventes privées offline. Bref, le TGI de Paris a estimé que ce terme décrivait un secteur, qu'il n'était pas une marque et pourrait donc être utilisé librement désormais. Ce qui nous paraît évident : difficile de vendre du dentifrice sans dire "dentifrice".
Pourquoi cette action en justice ?
Pendant longtemps, de nombreux acteurs étaient actifs dans les ventes privées sans faire trop de mal à Vente-privee.com. Mais Showroomprivé a grandi, nous sommes rentables et enregistrerons cette année un chiffre d'affaires de 350 millions d'euros, nous sommes actifs en Europe, nous avons 15 millions de membres et employons 500 collaborateurs. Nous sommes devenus la seule alternative crédible à Vente-privee.com pour les marques comme pour les consommateurs. Nous faisons donc de l'ombre à ses fondateurs, qui ne nous supportent pas. Ils nous ont intenté des procès sur l'utilisation du terme "vente privée", sur notre marque.
Très souvent, à part Voyage Privé ou Locasun qui pour leur part se défendent, les sociétés que Vente-privee.com menace prennent peur et reculent à la première mise en demeure. A un moment, nous nous sommes dit que nous ne pouvions pas nous laisser tuer par ces attaques extrêmement agressives et nous avons choisi de nous défendre. Nous avons donc décidé d'attaquer pour que la marque Vente Privée tombe. Les marques et les consommateurs ont besoin qu'il existe une concurrence. Nous ne pouvions pas nous laisser intimider, car Vente-privee.com ne se serait pas gêné pour continuer. Mais nous n'avons jamais porté le premier coup. Cette action avait pour but de nous défendre.
"C'est aussi tout un secteur qui est reconnu au travers de ce jugement"
Concrètement, que va changer cette décision ?
Bien évidemment, Vente-privee.com va continuer à s'appeler ainsi et garder son nom de domaine. Mais le terme "vente privée" est maintenant considéré comme représentatif d'un secteur. Ses concurrents pourront donc l'employer, tout comme un opérateur télécom pourra afficher des publicités dans le métro pour communiquer sur ses ventes privées, ceci sans avoir peur d'être attaqué en justice.
Cela n'empêchera pas Vente-privee.com de grandir, mais plus aucune société ne sera sous sa pression juridique dès qu'elle utilisera ces termes. C'est donc aussi tout un secteur qui est reconnu par la même occasion. Et vu le nombre de personnes qui, suite à ce jugement, nous remercient d'avoir mené ce combat car elles n'auront plus à craindre de procès, nous savons que nous avons bien fait.
Allez-vous apporter des modifications à votre stratégie de communication pour utiliser les possibilités que vous apporte ce jugement ?
Non. Notre communication est axée sur l'urgence et le plaisir. Nous avons notre propre positionnement et ne développons pas une copie de Vente-privee.com. Nous sommes un site de ventes événementielles à destination des femmes, nous essayons de répondre toujours mieux à leurs besoins, de proposer plus de marques, plus de services. Nous ne sommes pas là pour idolâtrer le leader.
Encore une fois, nous faisons ce métier depuis longtemps et nos armes ne sont certainement pas que juridiques. Nous choisissons de nous différencier par l'innovation. Par exemple sur le mobile, canal où nous devançons largement Vente-privee.com d'après les classements Nielsen d'audience. Et si nous nous bornions à le copier, nous n'aurions pas non plus lancé la livraison en 24 heures.
"Nous allons recommencer à acheter les mots clés 'vente privée' sur Google"
En en matière d'Adwords ?
Nous allons nous remettre à acheter les mots clés "vente privée". Une précédente action en justice avait déjà retoqué Vente-privee.com, qui demandait que Showroomprivé n'achète plus ces termes sur Google, mais l'appel est toujours en cours. Avec la décision du TGI de Paris, nous allons pouvoir recommencer.
Vous préférez habituellement ne pas vous exprimer sur vos bisbilles avec Vente-privee.com, pourquoi prendre la parole aujourd'hui ?
On ne peut pas tout laisser passer. "Le fils veut tuer le père", explique Jacques-Antoine Granjon ? C'en est trop. Nous avons migré notre métier sur Internet et faisons quelque chose de bien. Nous avons le droit d'exercer ce métier, c'est tout.
Quand cette guerre prendra-t-elle fin ?
Ce qui nous intéresse, chez Showroomprivé, c'est quel pays ouvrir ou quelles acquisitions réaliser sur les marchés lointains. Nous n'avons aucune volonté d'être en justice. Nous n'avons pas déclenché les hostilités et ne faisons que nous défendre.
Thierry Petit, diplômé de l'INT, débute sa carrière au sein des agences interactives Planète interactive et Brainsoft. En 1999, il crée le comparateur de prix Tooboo.com, qu'il cède à Libertysurf l'année suivante. Il en devient le directeur e-commerce, puis s'investit dans divers projets personnels, dirigeant notamment le magazine Mouvement, et entreprend un tour du monde de deux ans. En 2006 il cofonde Showroomprivé.