Comment les hôteliers peuvent-ils se passer de Booking.com et consorts ?
Arnaud Montebourg vient d'assigner en justice la plateforme de réservations d'hôtels Booking, accusée d'imposer des clauses illégales.
Un énième coup de semonce à l'encontre des plateformes de réservations hôtelières. Le ministre de l'Economie Arnaud Montebourg a annoncé mardi 27 mai assigner en justice Booking, pour les clauses illégales imposées aux hôteliers. Le mois dernier, 42 députés UMP ont déposé une proposition de loi visant à encadrer les méthodes pratiquées par les agences. Et en novembre 2013, c'était le groupe Expedia qui se trouvait accusé des mêmes faits par les ministres Sylvia Pinel, Benoît Hamon et Fleur Pellerin. À la même période, la Direction générale de la concurrence de la consommation et de la répression (DGCCRF) assignait en justice Hotels.com et Expedia.
Au cœur des critiques : la clause de tarif paritaire. Les plateformes "interdisent notamment de proposer des tarifs plus attractifs que ceux qu'il propose sur son site", explique Arnaud Montebourg. "Les hôteliers perdent ainsi une opportunité de concurrencer Booking et de reprendre le contrôle de la relation avec le client", ce qui "nuit à la fois à la compétitivité du secteur hôtelier (...) et aux consommateurs". Pire, selon Rémi Ohayon, consultant marketing pour hôteliers et restaurateurs et auteur de "Addi(c)tion, le hold-up des intermédiaires en ligne", certains portails qui imposent la parité tarifaire ne la respectent pas elles-mêmes : elles n'hésiteraient pas à réduire le prix de la chambre de quelques euros en rognant sur la commission, pour attirer les consommateurs.
Les commissions en forte hausse
"Les hôteliers sont pris dans un étau entre les portails de réservation et les sites d'avis de consommateurs", souligne le consultant, qui pointe du doigt d'autres agissements des plateformes de réservations. "Le plus gros problème, c'est que les portails détournent la marque de l'hôtelier. Lorsque l'on cherche le nom d'un hôtel sur un moteur de recherche, son propre site n'apparaît souvent qu'en cinquième ou sixième position !" Il critique également les mentions de type "plus qu'une chambre disponible" affichées par les plateformes pour pousser le client à réserver au plus vite. "L'information est fausse, souligne Rémi Ohayon. Il se peut qu'il reste d'autres chambres sur d'autres portails ou bien sur le site officiel de l'hôtel. C'est une technique marketing un peu abusive."
Forts de leur popularité, les plateformes de réservations ont augmenté la commission prélevée sur les réservations. "Elles sont passées de 10 à 25% en moyenne en quelques années", assure Rémi Ohayon. "Certes, ces plateformes ont une force de frappe très importante et intéressante. Mais aujourd'hui, ce n'est plus un processus gagnant/gagnant." Il faut dire que certains hôteliers se retrouvent extrêmement dépendants de ce canal. 60% des 615 professionnels de l'hôtellerie interviewés par Rémi Ohayon dans le cadre de son livre ont signé un contrat avec un portail de réservation en ligne, dont 9% remplissant leur hôtel à 50% par ce biais, et 19% entre 30 et 40%. "Il faut que les hôteliers rééquilibrent les canaux de distribution !", plaide Rémi Ohayon.
Rétablir la relation directe avec le consommateur
L'industrie hôtelière a raté le virage du numérique et se retrouve assujettie aux plateformes qui lui amènent une grande partie de sa clientèle. Pour rééquilibrer les canaux de distribution, les hôteliers devront "prendre le second virage du numérique", commente Rémi Ohayon : "Investir dans le web marketing, les applications, le social media... Eduquer le consommateur, mettre en place des éléments pour que la réservation directe devienne plus intéressante, engager les clients à travers les réseaux sociaux et en leur donnant des avantages par ce biais... En somme, reprendre le pouvoir et établir une relation directe avec le consommateur. "
D'autres plateformes tentent de concurrencer les portails les plus populaires en proposant un service sans commission. Lancée par Gilles Cibert, président du Club hôtelier de Nantes, FairBooking propose aux clients des avantages s'ils réservent directement leur chambre, comme un petit-déjeuner offert ou une réduction. De son côté, la start-up Hôtels Privés propose des ventes sans prélever de commission ni demander de cotisation aux hôteliers. Elle espère se rémunérer sur un modèle Freemium, en proposant des fonctions additionnelles ou en demandant un paiement pour apparaître en tête des résultats. Après deux mois d'existence, Hôtels Privés revendique 400 hôteliers indépendants.