Retailers : ouvrir une marketplace, mais "pas comme Amazon"
Nombreux sont les retailers qui songent à ouvrir une place de marché. Pour autant, ils ne veulent pas dissoudre l'identité de leur enseigne dans un grand tout à la Amazon. Mon propos est de distinguer le modèle de la marketplace vs. la stratégie de l'enseigne. Car si le modèle est commun, les stratégies sont bien uniques.
Depuis quelques années, j'accompagne des retailers qui veulent ouvrir une marketplace, notamment au tout début de la réflexion, pour cadrer et valider l'opportunité.
A chaque fois, le comité de direction donne le ton : "Attention, on n'est pas Amazon ! Nous voulons créer quelque chose de différent".
Et en effet, pour un retailer qui dispose d'une centrale d'achats et d'un réseau de magasins, la marketplace "à la Amazon" a quelque chose de déroutant :
- Univers produits sans limites (sans cohérence ?)
- Concurrence débridée sur les prix
- Pas de projection concrète sur le magasin physique
- Etc.
Ceci me pousse à distinguer deux notions : le modèle marketplace vs. la stratégie de l'enseigne.
Le modèle marketplace se décrit en quelques éléments clés :
- Des marchands
- Des clients finaux
- Mis en relation par un opérateur tiers de confiance
De façon générale, l'opérateur ne porte pas le stock (même en cas de prestation dédiée type Fulfilled By Amazon). Il conserve la donnée client, il garantit les paiements. Le marchand facture le client, il porte le stock, définit le prix, et assure la livraison ainsi que le premier niveau de gestion relation clients.
Ma stratégie d'enseigne peut quant à elle se résumer à trois grands axes :
- Mon offre (assortiment)
- Mon positionnement prix
- Mes services
A ce titre, le modèle marketplace n'est qu'un levier de plus à disposition de l'enseigne, qui doit impérativement se conformer à la stratégie de l'enseigne.
Par exemple : Galeries Lafayette est une enseigne très sélective sur les marques qu'elle présente en magasins : Positionnement produit premium, marques à dimension internationale, Corners marques dans les magasins qualitatifs, valorisants, au cœur d'un écrin qu'est le concept magasin physique des Galeries Lafayette.
La place de marché des Galeries respecte cet ADN de sélectivité, de positionnement prix, de mise en valeur de la marque.
A l'inverse, la marketplace de RueDuCommerce est plutôt ouverte, compétitive, accessible en prix, une vraie "rue du commerce".
Boulanger est sélectif et pousse l'innovation française, Darty mise sur la cross canalité des services, etc.
La marketplace, un levier tout comme l'achat de stockPrenons une analogie avec le modèle "historique" des distributeurs : l'achat de stock. L'enseigne achète des produits, les stocke, puis les distribue au client final, en percevant une marge brute.
La plupart des distributeurs fonctionnent avec le même modèle, et pourtant chaque enseigne est unique dans l'expérience client proposée. Ce n'est pas le modèle qui façonne l'identité, mais bien la stratégie.
A ce titre la marketplace est à considérer comme un levier additionnel, qui doit se positionner au service des clients d'abord, mais aussi de l'ensemble de l'enseigne : magasins, achats, e-commerce, etc.
La Fnac ou Boulanger ont par exemple démontré que les produits qui marchent bien en marketplace peuvent par la suite passer en achat de stock, permettant à l'acheteur de détecter des best sellers en minimisant son risque initial.
Vers un monde de marketplacesJe suis convaincu que l'ensemble de la distribution va adopter le levier de marketplace, en complément du levier achat de stock, de façon progressive. Les mastodontes auront des marketplaces généralistes, les distributeurs spécialisés accroîtront leur empreinte avec des marketplaces spécialisées. Le B2B va également fortement enrichir son offre grâce aux marketplaces.
Le modèle marketplace est fait désormais partie du paysage des relations entre acteurs économiques : pour les fournisseurs/marchands, et pour les clients finaux. Charge aux enseignes de se l'approprier, en ligne avec leur stratégie !