Pour les points relais et e-marchands, l'heure des consignes automatiques a sonné
Abricolis, Pickup Station, Packcity, Amazon Locker, Bluedistrib, SwipBox… La multiplication des partenariats et des lancements montre que les casiers de retrait ont basculé du simple test à l'axe de développement prioritaire.
Depuis deux ans, plusieurs acteurs déploient sur le territoire français des consignes automatisées permettant aux consommateurs de récupérer leurs commandes en ligne. Alternative aux points relais quand ils atteignent saturation, elles sont également accessibles à des horaires plus étendus lorsqu'elles sont installées à l'extérieur ou dans des sas.
Le plus avancé est le polonais InPost, qui compte environ 500 Abricolis en France. "Nous en avons d'abord installé chez Casino, puis avons signé avec Total, Monoprix, Norauto, Dekra, quelques Carrefour et quelques Auchan, indique son DG France Olivier Binet. Nous venons aussi de conclure un très gros deal avec E.Leclerc pour déployer près de 600 machines en quelques mois." On trouve également des Abricolis dans des centres commerciaux et des parkings. "Entre Indigo et Q-Park, 150 emplacements nous attendent à Paris, très intéressants pour être accessible 24h/24 en centre-ville", ajoute-t-il.
Pour alimenter ses consignes en colis, InPost a signé fin juin avec le livreur Mondial Relay, qui accroît ainsi son réseau de centaines d'adresses d'un coup et ajoute un nouveau service à son offre. Les Abricolis reçoivent aussi les flux de Colis Privé et de TNT Express, qui englobent ceux de Fedex en France.
Un autre grand acteur des casiers automatiques dans l'Hexagone est Pickup, l'opérateur relais de la Poste, filiale de Geopost. Pickup a créé deux joint-ventures avec Neopost. L'une, Packcity Geopost, déploie et opère un réseau de consignes sous le nom de Pickup Stations, en complément des points de retrait Pickup. L'autre, Packcity France, loue des consignes aux autres acteurs du marché, retailers notamment.
A l'heure actuelle, Pickup revendique 250 consignes en France, dans des gares d'Ile-de-France (150) et des bureaux de poste (100). "Notre partenariat avec la SNCF ayant été étendu à tout le pays, nous devrions à terme couvrir au moins 350 gares", souligne Diego Magdelénat, PDG de Pickup. Les premières machines installées en gare arrivent d'ailleurs à saturation, preuve qu'elles rencontrent les attentes des utilisateurs qui n'ont aucun détour à faire lors de leur trajet quotidien pour récupérer leur commande. Quant aux bureaux de poste, des sas permettent le plus souvent d'accéder aux machines à des horaires élargis. Pickup travaille sur des formats de consignes différents pour les bureaux qui manquent de place. Les transporteurs qui les alimentent sont ceux du groupe La Poste : Colissimo, Chronopost et bientôt DPD France.
Trois nouveaux venus
Côté Packcity France, une petite centaine de consignes a déjà été déployée, dont 25 environ chez Décathlon pour son click&collect et autant pour Relais Colis, notamment dans des magasins Carrefour, Auchan et Monoprix. Chez Décathlon, elles sont aux couleurs de l'enseigne et employées exclusivement pour les retraits de commandes passées sur son site. Une façon de résoudre le casse-tête logistique et organisationnel que posent les gros volumes, qui permet aujourd'hui aux plus grosses unités d'absorber 180 colis par jour.
"Nous sommes alors sur un business model locatif, explique François Castano, président de Packcity France. Les machines coûteraient des milliers d'euros à l'achat. Ce fonctionnement permet donc aux retailers d'en déployer beaucoup, rapidement, sans faire dépendre leur infrastructure d'un transporteur donné". La société dispose également d'une expérimentation très avancée chez Auchan, qui pour sa part accepte les colis d'autres marchands afin de profiter d'un apport de trafic en magasin plus élevé.
Aux côtés d'InPost, Pickup et Packcity France, il faut aussi compter sur trois nouveaux venus. DHL Express, dont la maison-mère est ultra-leader des casiers automatiques en Allemagne, vise pour l'instant une trentaine de petites machines SwipBox en France fin 2016, notamment chez Franprix, Intermarché et Total. Bolloré a lancé cette activité en avril : il expérimente une douzaine de petites consignes Bluedistrib dans des bulles de stations Autolib à Paris et, en juillet, en annonçait 20 "à court terme". Et bien sûr Amazon a commencé en décembre 2015 à déployer ses Lockers, surtout dans des centres commerciaux. Selon les observateurs, l'Américain en compterait "pas plus de 30" ou "entre 100 et 150"… mais bien moins que les 500 qu'il visait pour fin 2016.
Des business model variés
Or chacun de ces acteurs a pour ses consignes une stratégie, des ambitions et un modèle économique bien différents. Amazon, par exemple, fait peur aux marchands. Pas question de voir un jour apparaître un Locker dans une Fnac. Les centres commerciaux gérés par les enseignes d'hypermarchés sont peut-être un peu moins frileux. Quant aux centres commerciaux dont le seul objectif est de valoriser l'espace à l'intérieur de leurs galeries, ils sont nettement plus heureux d'accueillir cette marque prestigieuse et le trafic associé. Surtout quand Amazon leur verse un loyer conséquent, comme à Unibail. Car l'Américain ne s'intéresse pas spécialement à l'économie propre de la consigne : il l'appréhende plus globalement comme un moyen d'être un meilleur e-commerçant, au portefeuille de services plus étendu.
Le business model n'est pas du tout le même pour un deal du type E.Leclerc - InPost. Le distributeur possède toute la place qu'il souhaite sur ses parkings pour installer des casiers et règle au contraire des frais d'installation à InPost pour que celui-ci déploie au plus vite un maximum d'Abricolis.
Ce n'est pas tout. Si InPost peut se targuer de posséder le plus grand réseau de consignes automatiques en France, Pickup n'envisage ce mode de retrait qu'en tant que complément de son activité principale. "Pour nous, les consignes ne sont pas une fin en soi, explique Diego Magdelénat. Notre objectif n'est pas d'en déployer et de les remplir, mais de servir au mieux les intérêts des clients du groupe La Poste en les utilisant comme complément aux relais, qui dans de nombreux cas sont très suffisants et coûtent bien moins cher".
Chez Packcity France, qui cherche pour sa part à placer ses consignes, on s'ouvre à une nouvelle clientèle. Depuis le début 2016 aux Etats-Unis, le printemps au Japon et cette rentrée dans l'Hexagone, la société cible les entreprises, campus universitaires et sites industriels, autant de "mini-villes" où transitent souvent des volumes importants de colis. "En France, nous sommes en discussions avec des écoles prestigieuses, des sièges d'entreprise et des sites industriels comme le technocentre Renault de Billancourt qui souhaite aussi pouvoir sécuriser et tracer la remise des colis BtoB", indique François Castano.
Côté Bluedistrib (Bolloré), la situation est encore différente. Relais Colis et Cdiscount, qui ont signé avec lui, déposent leurs colis dans son centre logistique des Yvelines (Relais Colis a commencé avec les commandes de sa maison-mère La Redoute, en attendant d'autres marchands). Bluedistrib se charge de livrer lui-même ses consignes avec ses véhicules électriques. D'autre part, il propose son service de récupération de colis et de livraison dans ses consignes aux petits commerces de proximité. Enfin, seul acteur autorisé à déployer ses casiers sur l'espace public parisien, il intéresse évidemment d'autres opérateurs qui aimeraient les intégrer à leur réseau.
Les e-marchands entraînés
Quelles que soient les approches, on voit bien, à l'emballement des opérateurs de points de retrait, que les consignes automatiques ont basculé de l'expérimentation à l'axe de développement prioritaire. Lorsqu'UPS a racheté un Kiala quasi en faillite et que DHL a investi dans un Relais Colis lui-aussi mal en point, la guerre des points relais s'est rallumée. La multiplication des partenariats et des lancements montre que les opérateurs de relais voient ces points de retrait automatisés comme une nouvelle arme. "Les consignes ne sont jamais que des points relais de nouvelle génération, au même titre que les relais en hypermarchés, grands magasins ou Chronodrive, qui n'existaient pas non plus il y a cinq ans", explique Jean-Sébastien Leridon, DG de Relais Colis, qui compte 15% de ces relais 2.0 parmi ses 4 500 points de retrait.
Or maintenant que tous les acteurs du relais sont sur le pont, usages et volumes vont augmenter jusqu'à faire basculer aussi les sites marchands, encore peu nombreux à se sentir impliqués. "Les e-commerçants sont plus lents mais il y a eu un déclic, assure Olivier Binet chez InPost. Il y a un an, nous travaillions uniquement avec Cdiscount. Aujourd'hui, nous lançons Promod, Grosbill et Boulanger, qui viennent s'ajouter à la dizaine de sites spécialisés d'E.Leclerc qui va livrer dans nos machines. C'est en 2017 que les consignes vont exploser chez les marchands."
Car pour eux, il ne s'agit pas juste d'un débouché supplémentaire de leur partenaire opérateur de relais. Les e-commerçants ont tout intérêt à mettre en avant ce nouveau mode de livraison plutôt que de laisser les consignes enfouies au fond des cartes permettant de choisir son point de retrait. A l'instar de Cdiscount, qui géolocalise le cyberacheteur et lui propose les cinq solutions de livraison les plus pratiques… en distinguant consignes et points relais.
"Nous apportons aux marchands une livraison garantie en 24 heures, souligne Olivier Binet. C'est un outil très puissant pour accroître le taux de transformation." Chez Pickup, le colis est d'ailleurs récupéré le jour de son arrivée en consigne dans 72% des cas, contre 50% dans les points relais. Phénomène qui s'accompagne d'un petit tour de magie : lorsque son colis l'attend dans son casier, le consommateur a la sensation de l'avoir déjà reçu, ce qui réduit encore la durée perçue du click-to-possession. Un bel outil offert aux marchands pour contrer Amazon et ses livraisons toujours plus rapides.