Livraison de repas : les mastodontes entrent dans la course
Nestlé, Sodexo, McDonald, KFC… Les grands de l'agroalimentaire et de la restauration rapide rachètent ou s'associent avec les start-up de la livraison.
La livraison de plats préparés prend un nouveau virage, celui de la concentration. En 2015, Deliveroo et Foodora débutaient en France. En 2016, UberEats rejoignait le peloton, Take it easy faisait une sortie de route et Tok Tok Tok chutait, symbolisant le début d'une nouvelle ère. "Il y a trois ans, la livraison de repas était un secteur réservé aux pizzas, aux hamburger et aux sushis. Depuis deux ans, ce secteur a explosé avec l'arrivée de nouveaux acteurs technologiques de la livraison. Cette année est la phase de maturité", résume Nicolas Vitré, directeur général de la place de marché de livraison de produits Resto-in. Dans l'ombre, l'agroalimentaire et la restauration rapide ont patiemment observé le secteur : simple mode ou un véritable changement des habitudes ? Sans doute ont-elles obtenues des réponses car tout s'est accéléré.
L'agroalimentaire dans le peloton
Le 11 janvier 2017, Sodexo a racheté Foodchéri. Pourquoi le géant mondial de la restauration collective intégrée en entreprise, avec ses 20,7 milliards d'euros de chiffre d'affaires consolidé et ses 427 000 collaborateurs, a-t-il investi dans une jeune pousse de 80 salariés qui cuisine et livre 2 500 plats par jour dans Paris ? "Aujourd'hui, Sodexo s'adresse à différents marchés : des restaurants en entreprise, en hôpitaux et des chèques restaurants. Cependant, nous ne touchions pas encore les PME et les TPE. Foodchéri nous le permettra", explique Belen Moscoso del Prado, directrice digital et innovation chez Sodexo.
En plus du prix du rachat, le groupe a investi près de 13 millions d'euros dans Foodchéri pour développer les synergies, selon nos informations. "Avec Sodexo, nous construirons une grande cuisine dans la région parisienne avec laquelle nous passerons à 30 000 plats fabriqués par jour. Sodexo nous aidera aussi à nous déployer dans d'autres villes. D'abord en région parisienne, puis dans trois nouvelles agglomérations dans les 18 prochains mois", annonce Patrick Asdaghi, président et fondateur de Foodchéri.
Dans l'agroalimentaire, Sodexo n'est pas seul à prendre ce virage. Nestlé a investi dans Freshly via une levée de fonds de 77 millions d'euros en juin 2017. Cette jeune pousse américaine permet de commander en ligne et de livrer des menus. Son objectif : mettre en place des alliances logiques et logistiques, selon Matthieu Vincent, fondateur du cabinet de conseil DigitalFoodLab et spécialiste de la foodtech. "Ces start-up sont capables de livrer en quelques minutes. Si on mélange leur savoir-faire à la capacité d'un Sodexo ou d'un Nestlé de fabriquer des milliers de plats standardisés, le potentiel économique est colossal".
Les chaînes de fast-food en échappée
De leur côté, les grandes chaînes de restauration rapide ont aussi enclenché la vitesse supérieure. McDonald's livre à domicile avec UberEats, la branche livraison de plats d'Uber, en région parisienne et à Lyon depuis juin 2017. "Avec 50% de nos utilisateurs âgés de 18 à 25 ans, nous faisons face à un changement générationnel. Ces jeunes actifs et étudiants veulent un accès à des services instantanément depuis leur mobile, y compris pour manger chez eux. McDonald's a un temps de réaction plus lent qu'une start-up, mais a compris cette évolution du marché", analyse Stéphane Ficaja, directeur général d'Uber Eats France. Autrement dit, les chaînes de fast-food ne peuvent pas rater le coche. Aujourd'hui, UberEats livre des hamburgers depuis 300 McDonald's dans près de 19 villes de l'Hexagone.
"Le partenariat avec un McDonald ou un KFC permettra de ne plus être bloqué aux grandes agglomérations"
Cependant, un autre acteur de la foodtech dispute le client McDonald's. Foodora, la jeune pousse de livraison allemande, essaye de prendre sa part du gâteau. En ce moment, elle teste son service de coursier à Strasbourg dans plusieurs restaurants McDonald's. L'entreprise voit l'arrivée de cet acteur établi d'un très bon œil. "Ces grandes chaînes observaient le marché depuis le début. Elles ont vu que certaines start-up étaient prêtes. Elles se lancent et entraîneront d'autres acteurs dans leur sillon", parie Stéphane MacMillan, directeur général France de Foodora. Ce qui permettra de développer la livraison dans plus de communes. "L'offre des restaurants indépendants est parfois insuffisante pour ouvrir certaines villes. Le partenariat avec un McDonald's ou un KFC permettra de ne plus être bloqué aux grandes agglomérations", continue Stéphane MacMillan. Tous les acteurs de la livraison concèdent au JDN être en négociation avec de nombreuses chaînes pour développer ce type de partenariats.
Créé en 1998, Just Eat France (ex-Allo resto) est aussi dans les starting blocks. "95% des commandes passant sur notre plateforme sont gérées par les restaurateurs via leurs propres livreurs. Cependant, nous en gérons directement 5% avec Stuart (La Poste)", dénombre le directeur général Gilles Raison. L'agrégateur référence l'offre de près de 5 000 restaurants, dont une dizaine de KFC, 60 Planète Sushi, des speed burgers, des Boîte à Pizza, ainsi que des Domino's Pizza depuis mi-janvier 2018. "Tous ces grands acteurs réalisent que la livraison à domicile est incontournable. Ce marché est en ébullition", conclut Hugues Decosse, directeur général France chez Deliveroo.
Uber eats | Resto-In | Just eat France | Foodora | Foodchéri | Deliveroo | |
---|---|---|---|---|---|---|
Modèle | Place de marché dédiée à la livraison de repas | Place de marché dédiée à la livraison de repas premium et d'abord BtoB | Agrégateur d'offres | Place de marché dédiée à la livraison de repas | Restaurant virtuel : contrôle de toute la chaîne de valeur, de la fabrication à la production | Place de marché dédiée à la livraison de repas |
Nombre de restaurants | Plus de 5 000 | Un millier | Plus de 5 000 | 2 000 | Une cuisine centrale et 8 points relais dans Paris pour dispatcher la livraison | 4 000 |
Nombres de villes desservies (France) | 22 | Paris, Lyon, Marseille, Barcelone et Madrid | 2 000 | 8 | Paris | 150 villes |
Date de création France | 2016 | 2006 | 1998 sous le nom d'Allo Resto | 2015 | 2015 | 2013 |
Part du mobile dans les commandes | 90% | 72% | 60% | 70% | 80% | NC |
Nombre de livreurs | Plusieurs milliers | Sous-traite à des entreprises de livraison | Partenariat avec Stuart pour 5% des commandes | 2 500 | Une centaine | 7 500 |
Rentabilité | Visée en 2018 | Premiers mois rentables en novembre et décembre 2017 | Oui | Prévu pour 2018 | NC | NC |
Temps de livraison | 25 minutes | 20-60 minutes | Variable, les restaurateurs livrent eux-même dans 95% des cas | 30 minutes | Par créneau prévu en ligne | 27 minutes |
Rémunération principale | Environ 30% sur la commande à la charge du restaurant + 2,50 euros à la charge du client | Environ 30% sur la commande à la charge du restaurant + de 0 à 4 euros à la charge du client selon les villes | Environ 14% sur la commande à la charge du restaurant | Environ 30% sur la commande à la charge du restaurant + 2,50 euros à la charge du client | Prix d'un repas dès 6,90 euros + livraison 1,50 euros | Environ 30% sur la commande à la charge du restaurant + 2,50 euros à la charge du client |
Propriétaire | Uber | GeoPost depuis 2015 | Just eat depuis 2012 | Delivery hero | Sodexo | Deliveroo |