Les cartes de fidélité bientôt aussi puissantes que les cartes bancaires ?
Une nouvelle loi donnant accès aux données de paiement (DPS2) pourrait modifier le paysage des programmes de fidélité. Le 14 septembre dernier, les banques françaises devaient donner accès à des API permettant à des acteurs tiers ayant l’autorisation du consommateur de récupérer ses données de paiements. Une belle opportunité pour les programmes de fidélité des retailers.
Le législateur a tranché : la donnée de paiement n’appartient pas à la banque, elle appartient au consommateur qui peut la partager. C’est un grand changement et à l’heure où beaucoup de programmes de fidélité se posent la question de la différenciation et de la réduction des coûts, cette nouvelle pourrait tomber à point.
De quoi s’agit-il ?
Les grands programmes de fidélité des GSA ou GSS ou même des compagnies aériennes ont du mal à se renouveler. L’accès à la donnée de paiement de leurs encartés leur ouvre de nouvelles perspectives de proposer de "cagnotter" des euros sur la carte de fidélité quand, par exemple, l’encarté va déjeuner dans un restaurant proche de l’hypermarché ou bien quand celui-ci réserve en ligne chez Booking.com une nuit d’hôtel.
Le programme de fidélité va simplement demander à son encarté d’activer l’offre et de connecter sa ou ses banques. Le programme de fidélité pourra ainsi accéder aux données de paiement et mesurer l’achat généré chez le restaurateur ou l’enseigne partenaire.
Ce même programme de fidélité devient dans ce cas, un apporteur d’affaires pour des sites ou des enseignes tout en permettant de collecter des commissions qui seront dépensées dans ses magasins. Autrement dit, ce sont les annonceurs qui financent une partie de la générosité.
Les possibilités sont infinies car on parle de centaines de milliers d’annonceurs. Or, un annonceur voit d’un très bonne œil un dispositif publicitaire qui coûte uniquement s’il y a eu des ventes en magasin ou en ligne avec un ROI connu et sans risque. L’accès à la donnée de paiement permettra aux programmes de fidélité de concurrencer les autres médias en particulier les GAFA avec une promesse imbattable de performance.
Des ciblages jusqu'ici impossible
Le raz de marée viendra dès que les programmes de fidélité qui utiliseront ces dispositifs seront capables d’analyser l’historique des données de paiement pour personnaliser les offres pour leurs encartés et attirer encore plus de partenaires annonceurs. Quel annonceur n’a jamais rêvé de cibler de façon certaine uniquement, des nouveaux clients ou des clients qui vont beaucoup trop à la concurrence ? La donnée de paiement révèlera sa grande valeur non seulement pour « tracker » mais aussi pour « targetter ».
Certaines enseignes ou compagnies aériennes qui disposent de puissants programmes de fidélité comme Casino ou Air France ont commencé en collaboration avec Plebicom à explorer cet « océan bleu » mais dans ce paysage en pleine mouvance de nouveaux entrants vont redistribuer les cartes.
Les banques ne vont pas se laisser faire
Les banques ne vont pas laisser les grands programmes de fidélité empocher seuls, les gains de cette manne publicitaire. La plupart des banques françaises ont lancé ou lanceront des programmes de cashback, associés à l’utilisation de leurs cartes de paiement qui deviennent de fait des cartes de fidélité universelles et pourraient remplacer les cartes de fidélité des distributeurs. Bref, la bagarre autour de la donnée de paiement ne fait que commencer et pourrait modifier le marché de la publicité et celui des programmes de fidélité.
Vers la fin de la domination des GAFA sur le marché de la publicité digitale ?
Une récente étude de Xerfi sur le cashback montre que les sites de cashback intermédient actuellement 1% du marché de l’e-commerce en France en générant environ 800 M€ d’achats chez les sites marchands, le taux est de 3% au UK et 5% aux US.
Si demain les programmes de fidélité de la GSA ou GSS ainsi que les banques intermédient 5% du commerce en France, le marché représenterait plusieurs dizaines de milliards d’achats générés chez les partenaires annonceurs et donc plusieurs centaines de millions d’euros de budget publicitaire capté et transformé en grande partie en pouvoir d’achat.
Sans aucun doute, l'accès aux données de paiement pourrait ré-équilibrer la répartition du marché de la publicité digitale encore faudra-t-il que les banques et la grande distribution avancent vite dans leur capacité à collecter et analyser cette donnée.