E-commerce : les retours gratuits redeviennent payants
Face à l'inflation et à la baisse de leurs marges, certaines marques ont mis fin au retour gratuit. Une stratégie de réduction des coûts que tous les retailers ne pourront pas suivre.
Zara et H&M ont mis fin à leur politique de retour gratuit. Depuis le 28 avril 2022, le retour en point relais est facturé 1,95 euro chez Zara et sera déduit du montant remboursé. Chez H&M le retour est facturé 0,95 euro aux non membres. Le revirement de politique de ces deux géants du vêtement signe-t-il la fin du retour gratuit ? Avec la progression des ventes en ligne, les taux de retour ont explosé chez les retailers. Une étude Statista du 2 juin dernier estime que 39% des internautes ont retourné un achat au cours des 12 derniers mois en France, contre 49% aux Etats-Unis et au Royaume-Uni, 51% en Allemagne et 66% en Chine. D'après la National Retail Federation ces dépenses en reverse logistics pourraient même atteindre 604 milliards de dollars pour les retailers d'ici 2025. "Dans la mode, la problématique est particulière, juge Vincent Torres, le CEO de Revers.io, une plateforme spécialisée dans la gestion après-vente. Pour certains profils de clients le taux de retour s'élève jusqu'à 70%, sachant que le coût moyen d'un retour est de 10 euros. La moyenne du taux de retour dans la mode se situe, elle, autour de 30%". Alors face à l'explosion des taux de retour, les retailers ont tout intérêt à s'armer pour les limiter, alors que la loi Agec impose de ne plus détruire les invendus non alimentaires depuis le 1er janvier 2022.
Le coût réel du retour
Il est logique de questionner le retour gratuit face à l'inflation et la baisse des marges
Initialement, le retour gratuit a été perçu comme un moyen de réassurance pour encourager les clients à acheter en ligne. "Le retour gratuit était l'un des derniers freins de l'e-commerce, avant cela il y avait les problèmes de paiement et la livraison trop lente", explique Vincent Torres. Les marketplaces comme Amazon l'ont vite compris et ont fait sauter ce verrou à la vente en proposant le retour gratuit. Les marques se sont alignées sur ce principe en proposant la même chose. "Maintenant que les clients sont rassurés il est logique de questionner le retour gratuit face à l'inflation, l'absorption des marges et l'impact écologique du retour", tranche Vincent Torres. D'autant que le retour pèse aussi lourd sur l'environnement, "il y a d'un côté le coût du transport et de l'autre le fait de ne pas pouvoir remettre le produit dans un canal de vente classique. Pour la livraison d'un meuble, l'aller génère beaucoup de casse tout comme son retour, qui sera pire, vu que le client aura remballé lui-même le produit", explique le CEO de Revers.io.
Une question de tailles
Du côté des marketplaces, tout est aussi fait pour limiter les retours. Zalando a mis en place des outils pour recommander la taille la plus adaptée pour le client, en se basant sur ses précédents achats et les retours sur le produit. "Nous disposons d'une équipe dédiée qui travaille à l'amélioration constante de nos conseils en matière de taille, explique Laura Toledano, la directrice générale France de Zalando. Pour les articles sur lesquels nous offrons des conseils de taille, nous avons pu réduire le taux de retour de près de 10% en 2021, contre 6,8% début 2020. […] Notre taux de satisfaction est supérieur à 80%, ce qui montre qu'il s'agit d'un problème que nous devons traiter et que nous avançons dans le bon sens", poursuit-elle. Chez la marque d'habillement Etam la limitation des retours, en orientant le client vers la bonne taille, est aussi prise au sérieux. "Nous n'avons pas de magasin aux Etats-Unis et nous y travaillons avec Nordstrom, explique Martin Souriau, le directeur e-commerce d'Etam. Le taux de retour que nous enregistrons sur notre site est plus faible que sur celui de Nordstrom. Cela veut dire que nous donnons les bonnes indications à l'achat à nos clients pour que le feeting soit bon", estime-t-il.
L'apanage des marketplaces
La directrice générale France de Zalando, elle, estime que la fin de la gratuité des retours n'est pas à l'ordre du jour. "Les retours gratuits font partie intégrante de notre promesse de service à notre clientèle. Notre objectif est d'offrir aux clients une expérience d'achat aussi agréable que possible en amenant la cabine d'essayage à leur domicile", affirme-t-elle. La marketplace propose un service try now buy later qui donne la possibilité aux clients d'essayer d'abord les vêtements avant d'être débité du prix, une mesure "appréciée des clients de Zalando dans le contexte économique actuel", pointe Laura Toledano. Ce type de services a donné certaines habitudes aux consommateurs, pourtant, "même pour un pure player, le retour est compliqué et coûte cher vu que tout se fait par transport, affirme Vincent Torres, le CEO de Revers.io. Quand la distribution exclusive peut se permettre de faire payer le retour, cela sera risqué pour la distribution sélective et quasi impossible pour la distribution généraliste", poursuit-il.
Une stratégie drive-to-store
S'il y a un sujet économique derrière la fin de la gratuité du retour en point de livraison, elle pourrait aussi cacher une stratégie drive-to-store alors que le trafic ne cesse de baisser dans les magasins. Martin Souriau, le directeur e-commerce d'Etam, regarde la gratuité du retour en point de livraison d'un mauvais œil : "Nous mettons en avant le retour gratuit en magasin car cela va nous permettre de personnaliser l'expérience du client grâce à nos vendeurs", explique-t-il. Vincent Torres y voit aussi un moyen de favoriser du trafic en magasin et de profiter de voir le client entrer en boutique pour l'inciter à acheter d'autres pièces. Pour savoir quelle stratégie cache la fin des retours gratuits, "il s'agira d'observer si les pure players se mettent eux aussi à facturer les retours et donc que l'objectif derrière cette stratégie était bien de réduire les coûts", conclut-il.