Thibaud Hug de Larauze (CEO de Back Market) "Back Market a tous les ingrédients pour répliquer son succès aux US"
Leader du marché de l'électronique reconditionné en France, Back Market est présent dans 16 pays. Son cofondateur explique ses méthodes et dévoile ses ambitions.
JDN. Où en est Back Market dans sa création en 2014 ?

Thibaud Hug de Larauze. Back Market est une place de marché dédiée à la vente de produits électroniques reconditionnés. Nous commercialisons désormais 184 catégories de produits. La plateforme est disponible dans 16 pays en Europe mais aussi en Grande-Bretagne, aux USA et au Japon. L'entreprise, qui s'est fixée comme mission de devenir leader de l'économie circulaire dans la catégorie high tech, emploie 680 collaborateurs à travers le monde.
Quelles sont les catégories les plus populaires sur la plateforme ? D'où proviennent les produits destinés à être reconditionnés ?
Le smartphone, qui est notre produit historique, reste toujours notre locomotive. Cette catégorie est suivie par les ordinateurs, les tablettes et enfin les jeux vidéo. Concernant les canaux d'approvisionnement, ils sont variés. Il y a d'abord notre plateforme qui permet aux consommateurs de revendre leurs anciens appareils. Notre algorithme va rapidement proposer un prix de rachat. Du côté des reconditionneurs, certains ont également conclu des contrats avec des enseignes de distribution leur permettant de récupérer des produits qui ont par exemple été déballés ou bien des modèles d'exposition. D'autres bénéficient d'accords avec des grandes entreprises pour racheter leur ancien matériel. Enfin, il y a aussi les franchises, telles que Cash Converter ou Cash Express, qui reprennent des produits d'occasion avant de les reconditionner et de les revendre sur notre marketplace.
Quels sont les avantages pour un reconditionneur de vendre sur Back Market ?
"En juin, nous comptions 1 700 reconditionneurs sur la plateforme"
Back Market est une plateforme de distribution permettant de toucher des clients dans 16 pays, mais nous avons d'autres arguments. Nous mettons à disposition des reconditionneurs un certain nombre d'outils et surtout beaucoup de données. Par exemple, nous leur indiquons le type et les quantités de produits qu'ils peuvent vendre selon les pays, à quel prix, etc. Cela leur permet de mieux sélectionner les produits qu'ils achètent et d'estimer les bonnes quantités afin de s'assurer une marge. Back Market dispose aussi d'un laboratoire dédié à l'innovation à Bordeaux qui nous permet d'identifier la source des pannes récurrentes et ainsi de partager l'information avec nos partenaires. Nous avons également développé des services logistiques permettant notamment aux reconditionneurs d'expédier leurs produits à moindre coût grâce aux tarifs préférentiels que nous avons négociés auprès des transporteurs. Enfin, nous leur proposons également d'assurer le SAV à leur place, ce qui leur permet de conserver une structure de coût légère.
Quel est le profil de ces entreprises partenaires ?
En juin, nous comptions 1 700 reconditionneurs sur la plateforme. Leurs profils sont très variés. On trouve des PME de moins de cinq salariés qui réalisent entre 500 000 et 3 millions d'euros de CA par an et d'autres qui sont des grandes sociétés de plusieurs milliers de salariés à l'image de Cordon Electronics.
Quelles sont vos méthodes pour contrôler la qualité des produits vendus et les prestations de ces partenaires ?
Notre mission est de faire en sorte que les produits reconditionnés deviennent le premier réflexe pour tout achat de produits électroniques. Pour parvenir à créer une relation de confiance avec les clients, nous devons garantir la qualité des produits. Pour la contrôler, nous combinons différents procédés et technologies. Lorsqu'un reconditionneur veut s'inscrire, nous lui posons d'abord différentes questions sur la manière dont il répare les produits, les pièces de réparation et les softwares qu'il utilise, etc.
En moyenne, 30% d'entre eux vont passer à l'étape suivante. Nous leur laissons ensuite la possibilité de vendre cinq produits par jour pendant 40 jours. Pendant cette période, nous allons contrôler leur activité en étudiant les retours clients, le taux de panne, la rapidité des expéditions, etc. Si le reconditionneur est validé à l'issue de cette période, il pourra poursuivre son activité sans limitation. Nous contrôlons également les réparateurs, qui ne sont pas des employés de Back Market, de la même manière.
Back Market a développé son réseau de centres de réparation. Pour quels résultats ?
"La France reste encore notre plus gros marché, suivi des Etats-Unis"
Ces centres de réparation, disponibles en France, sont capables de prendre en charge plus de 20% des pannes fréquemment rencontrées. Un consommateur peut ainsi se rendre directement dans un point de réparation près de son domicile sans avoir à renvoyer le produit. Nous lui assurons une réparation en moins de trente minutes. S'il ne souhaite pas se déplacer, il peut évidemment toujours le renvoyer comme c'est le cas aujourd'hui. C'est un service qui, depuis son lancement, donne d'excellents résultats en termes de satisfaction client. Il permet également à nos partenaires de réaliser des économies en termes de coûts logistiques même si ce sont toujours eux qui paient, in fine, la réparation. Celles-ci sont effectuées par des professionnels tiers que nous avons certifiés au préalable.
Envisagez-vous, à terme, d'utiliser ces centres comme points de contact physiques pour commercialiser vos produits ou bien d'ouvrir des corners dans des grandes surfaces ?
Nous avons beaucoup d'ambitions pour ces services de réparation. Près de 300 points de réparation sont déjà référencés sur Back Market. Ils sont situés dans les centres villes des grandes villes de France mais aussi de taille moyenne. Ce service sera développé partout dans le monde en 2023. Cependant, même si nous avons plusieurs réflexions en ce qui concerne le retail physique, nous n'avons rien à annoncer pour le moment.
Où en Back Market dans son développement à l'international ? Avez-vous prévu de vous lancer dans de nouveaux pays en 2023 ?
"Nous sommes en désaccord avec les fondements de la plainte de l'UFC-Que Choisir"
La France reste encore notre plus gros marché. Les Etats-Unis arrivent en seconde position avec une croissance beaucoup plus forte et ont vocation à devenir notre premier marché à moyen terme. L'Espagne et le Royaume-Uni sont deux marchés également qui connaissent une belle croissance, de même que le Japon où nous nous sommes lancés récemment. Les consommateurs japonais ont un énorme appétit pour les produits tech et il n'existe aucune autre solution proposant des produits reconditionnés à part Back Market. Nous allons bientôt nous lancer dans un nouveau pays asiatique, mais je ne peux pas encore dévoiler lequel.
En juin dernier, l'association UFC-Que Choisir a porté plainte contre Back Market pour pratiques commerciales trompeuses, vous reprochant notamment d'afficher le prix des produits neufs comme s'il s'agissait de réductions. Que répondez-vous ?
Cela fait environ un an que nous discutons avec les équipes du UFC-Que Choisir avec qui nous avons eu beaucoup d'échanges constructifs pour faire évoluer notre plateforme. Nous avons rédigé une réponse détaillée dans un billet de blog pour expliquer pourquoi nous sommes en désaccord avec les fondements de cette plainte. Nous pensons qu'afficher le prix neuf d'un produit est une information importante à donner aux consommateurs. Il s'agit d'un point de comparaison utile et nous allons le conserver. Nos études internes montrent que cette information concernant la différence de prix est importante. Aujourd'hui, consommer de manière écologique coûte généralement plus cher. Pour une fois qu'il est possible d'économiser du pouvoir d'achat tout en ayant un impact positif sur la planète, pourquoi se priver de donner cette information au consommateur ?
L'association vous reproche également de faire apparaître les frais de service uniquement à l'étape du paiement…
"Back Market n'est pas encore rentable mais certains de nos marchés parmi les plus matures sont déjà très profitables"
J'ai évoqué plus tôt dans cet entretien tous les services que nous développons afin de garantir une expérience de qualité et de bâtir une relation de confiance avec les consommateurs. Tout cela a un coût et nos frais reflètent simplement les investissements que nous réalisons. Nous pensons que le montant de ces frais est juste, à savoir moins de 2 % du montant du panier au maximum et 0,49 € au minimum. La raison pour laquelle ces frais sont affichés après la fiche produit est simplement parce qu'ils peuvent varier en fonction du prix et du nombre de produits mis dans le panier.
L'entreprise est-elle rentable ? Back Market a réalisé une levée de fonds de 450 millions d'euros en janvier 2022. Une nouvelle levée ou une entrée en bourse est-elle prévue pour financer le développement international de l'entreprise ?
Back Market n'est pas encore rentable mais certains de nos marchés parmi les plus matures sont déjà très profitables. Pour autant, nous choisissons de réinvestir les profits dans notre croissance internationale et l'amélioration de notre plateforme. Notre horizon de rentabilité est plutôt à moyen terme, à savoir dans les deux années à venir. Concernant votre seconde question, l'entreprise dispose aujourd'hui de suffisamment de fonds pour atteindre la rentabilité tout en continuant à se développer en investissant dans différents leviers de croissance.
Quelles sont les ambitions de Back Market pour les années à venir ?
L'un des enjeu pour les années à venir sera de développer la reprise de produits. Nous investissons beaucoup dans ce service car notre objectif est que les consommateurs puissent revendre les produits qu'ils n'utilisent plus en trois clics, même s'ils sont non fonctionnels. Nous pensons qu'en limitant ces efforts, nous pourrons changer les habitudes des consommateurs et ainsi favoriser l'économie circulaire. Car vendre sur Le Bon Coin ou Facebook Marketplace n'offre pas toujours la meilleure expérience. Enfin, nous allons continuer d'investir dans notre croissance internationale. Nous avons tous les ingrédients pour répliquer le même succès européen aux US, mais il reste encore beaucoup de travail et nous n'en sommes qu'au début de l'aventure.