Ne parlez plus de DNVB, elles sont devenues des marques comme les autres

Ne parlez plus de DNVB, elles sont devenues des marques comme les autres Le modèle DTC ne fait plus recette entre augmentation des coûts d'acquisition et ralentissement du marché de l'e-commerce. Il leur faut trouver de nouveaux relais de croissance.

Les DNVB seraient-elles devenues des marques comme les autres ? Un faisceau d'indices concordants porte à le croire. Les DNVB sont de plus en plus nombreuses comme l'indique le baromètre 2023 des DNVB publié en mars 2023 par le Digital Native Group en partenariat avec la solution de paiement française Payplug. Elles étaient au nombre de 344 en 2019 et sont 721 en 2022. Pourtant la situation n'est pas toute rose. Certaines ont mis la clé sous la porte, comme Made.com, d'autres ont été placées en redressement judiciaire comme MyJolieCandle. Toutes subissent de plein fouet la hausse des coûts d'acquisition.

D'après l'étude du Digital Native Group menée auprès de 201 CEO de DNVB entre janvier et février 2023, le coût d'acquisition moyen d'un nouveau client est de 32,4 euros en 2022 contre 26 euros en 2021. Pour y remédier, ces entreprises ont essayé de faire de l'acquisition organique, c'est-à-dire de l'acquisition par le SEO, le bouche à oreille ou des posts non sponsorisés. La part d'organique est de 23% dans l'acquisition en 2022 contre 16% en 2021. "Mais il est très compliqué d'augmenter la part d'organique sur des réseaux sociaux comme Instagram aujourd'hui", a indiqué Benjamin Legros, cofondateur de la marque de cosmétiques solides Unbottled, lors d'une table ronde au salon One to One Monaco. Aux côtés des changements d'algorithmes de Facebook et Apple, l'augmentation des coûts logistiques et la réduction des marges pèsent lourd dans la balance.

Presque toutes omnicanales

"Depuis les années 2020, les règles du jeu ont changé : explosion du coût de la publicité digitale, commoditisation de la livraison à domicile, saturation de l'offre. Seuls ceux qui sauront s'y adapter survivront. Les ingrédients qui ont fait les succès d'hier ne sont pas ceux qui feront les succès de demain", souligne Vincent Redrado, le CEO et cofounder de Digital Native Group. Parmi, les relais de croissances visés par les DNVB, la vente en physique occupe une place de choix. Si ces entreprises sont digital native, elles savent tirer parti des canaux de distribution physiques pour aller à la rencontre de leurs clients : 75% d'entre elles sont multicanales et 31% de leur chiffre d'affaires, en moyenne en 2022, est réalisé via des canaux physiques.

"Seulement 58,6% du chiffre d'affaires des DNVB reste réalisé en direct to consumer et en ligne (c'est-à-dire sur leur e-shop), ce qui correspond à leur modèle originel", continue Vincent Redrado. Pour Benjamin Legros, "nous avons longtemps cru au mythe de la cannibalisation des canaux alors qu'aujourd'hui, l'omnicanal permet d'améliorer son acquisition, le magasin devient une vitrine. Le digital c'est très bien mais il faut vite s'en sortir pour aller plus loin, explorer le réel. Les clients préfèrent toucher les produits".

La vente en magasin apporte un surplus au panier moyen de 43,2% par rapport au panier moyen online d'après le Baromètre BPCE Digital & Payments sur les paiements réalisés en 2022 par les porteurs de cartes Banque Populaire et Caisse d'Epargne auprès de 142 DNVB françaises. Pour Vincent Redrado, "dans l'alimentation, aucune marque ne peut percer si elle n'est pas présente en GMS et GSS. Pour certains secteurs, il est même possible d'aller chez Amazon, notamment pour l'international". Installé aux côtés de Benjamin Legros d'Unbottled lors de la table ronde de Monaco, Michael Weisz, le cofondateur de Shapeheart, une marque d'accessoires pour téléphone, confirme : "Nous avons eu une stratégie omnicanale directement, nous sommes allés voir des distributeurs et même Amazon. Il y a de la porosité entre le web to store et le store to web". Pour Vincent Redrado : "Les marques qui n'ont pas de prisme omnicanal n'auront pas de croissance demain". Des marques comme Larroudé ont aussi directement fait le choix de passer par les canaux de ventes traditionnels à leur lancement : les chaussures de Marina Larroudé sont vendues chez Galeries Lafayette en France ou Nordstrom, Bloomingdales et Amazon aux Etats-Unis.

De nouvelles cibles

Parmi les relais de croissance identifiés, les DNVB ont tout intérêt à aller chercher de nouvelles cibles clientes. Le cœur de leur clientèle est majoritairement féminin et millennial : l'âge moyen de leurs consommateurs est de 33 ans et 69% de ces clients sont des femmes. Le Baromètre BPCE Digital & Payments pointe une baisse de la consommation de -14,5% chez les femmes contre -3,1% chez les hommes. Les DNVB ont donc tout intérêt à cibler de plus en plus les hommes. Côté panier moyen, il est aussi plus élevé chez les seniors : 115 euros en 2022 chez les 65 ans et plus contre 79 euros chez les 25-34 ans. La cible senior n'est donc pas à négliger.

Les 65 ans et plus ne représentent que 3,8% des acheteurs des DNVB mais leur panier moyen est plus conséquent. © Digital Native Group

Un pied à l'international

Le B2B est aussi un marché à explorer pour les DNVB : Tediber, le spécialiste du matelas créé en 2015 par Julien Sylvain, a choisi de s'intéresser au marché pro en 2022 et a ouvert une section dédiée sur son site. L'international est aussi un moyen d'aller chercher de nouveaux clients. 56,5% des DNVB interrogées par le Digital Native Group étaient présentes à l'international en 2022 contre 41,3% en 2021. Elles y réalisent 16% de leur chiffre d'affaires. Unbottled a été créée il y a 2 ans et demi et est déjà présente dans 14 pays via Sephora. "Mais 80% de notre chiffre d'affaires vient de la France. Nous nous rendons compte sur le marché grec par exemple que quand la marque n'est pas connue, être sur l'étagère ne suffit pas à faire vendre. Il faut y aller avec les codes du pays", témoigne Benjamin Legros.

Pour résister, les DNVB ne peuvent plus miser sur un simple modèle DTC et s'ouvrir notamment au retail physique. "Le modèle historique est mort. Les DNVB doivent aller dans le commerce car elles font face à un plafond de verre. Leurs relais de croissance sont le B2B, avoir plus de revendeurs, aller chercher des tranches d'âges plus âgées et s'intéresser à l'international", conclut Vincent Redrado.