Les coûts cachés de la fin du ticket de caisse imprimé

La dématérialisation du ticket de caisse représente des enjeux humains, technologiques et économiques pour tous les commerces, de proximité ou de très grande taille, pas équipés pour y répondre.

Déjà décalée au 1er avril, la fin de l’impression automatique du ticket de caisse s'appliquera normalement le 1er août. Pourtant, cette loi n’a pas été pensé pour l’ensemble des commerçants : une grande enseigne n’a pas les mêmes moyens humains, financiers et technologiques qu’un commerce de proximité. La fin du ticket de caisse imprimé engendre des coûts cachés que tous les acteurs du marché ne peuvent absorber. Ils doivent former leurs équipes, investir dans un nouveau système d’information et repenser la promotion en l’absence du couponing papier, puissant facteur d’attractivité pour faire revenir les clients en magasin. Pourquoi se précipiter et imposer le même calendrier à tous ? Cette contrainte réglementaire peut se transformer en opportunité pour les commerçants d’avoir plus d’informations sur les comportements d’achat de leurs clients.

Non-impression et non pas non-distribution du ticket de caisse

Bien qu’avertis de la fin de l’impression systématique du ticket de caisse, les consommateurs le demanderont sans doute encore à l’heure où ils sont nombreux à l’inspecter après leurs achats. Les commerces doivent donc former leurs équipes afin qu’elles expliquent l’application de la loi et demandent un numéro de téléphone ou une adresse e-mail pour proposer un mode dématérialisé. Le tout, en rassurant sur la gestion de ces données. Les hôtesses et hôtes de caisse pourront les orienter vers un programme de reconnaissance clients avec, par exemple, un portail présentant les achats, leur historique et un programme de fidélité. Ces outils n’empêcheront pas les réclamations, autre poste de dépense.

Peu de commerces ont un système d’information permettant une recherche omnicanale, ô combien coûteuse, pour retrouver un ticket. Sans preuve d’achat, que ce soit un ticket de caisse ou de TPE, les commerçants compteront sur la bonne foi de leurs clients ; ce qui pourrait générer des erreurs, parfois coûteuses, mais aussi complexifier les relations avec leurs clients. Autre risque : le temps de latence entre l’envoi du ticket de caisse dématérialisé et sa réception par le client. Si ce dernier se fait contrôler dans une autre enseigne et qu’il n’a pas reçu son ticket, comment prouvera-t-il qu’il a payé ses achats ? Le commerçant aura besoin d’un service dédié, en magasin pour gérer ces réclamations, encore un nouvel investissement.

Des systèmes d’information obsolètes face à la nouvelle réglementation

Aujourd’hui, les caisses impriment automatiquement les tickets de caisse et seront recalibrées pour ne pas imprimer de ticket par défaut et le faire quand c’est nécessaire pour la gestion des exceptions. Les commerces ont-ils les budgets pour changer ou adapter leur informatique ? Les petits commerces et les commerces de proximité n’ont pas les mêmes besoins, et ressources, que les très grands commerçants qu’ils aient peu ou, au contraire, un grand nombre de points de vente. Mais tous devront être convaincus de l’opportunité que représente cette loi notamment face à la perte de dynamique promotionnelle et de relance qu’est le couponing. Certes, ce dernier consomme beaucoup de papier que les caisses mais les alternatives numériques existantes sont loin d’être au point. Avec sa disparition, la grande distribution cherche d’autres moyens pour faire revenir les clients.

Repenser la relation clients pour créer de nouvelles opportunités de vendre

Pour les moyennes et grandes enseignes, la disparition du ticket de caisse est une opportunité pour générer un chiffre d’affaires complémentaire en proposant, avec le ticket dématérialisé, un process marketing efficace. La dématérialisation sans programme de fidélisation apporte plus d’informations sur la fréquence avec laquelle le client revient. Elle est l’occasion de créer une nouvelle relation avec ses clients, notamment occasionnels, pour leur donner envie de revenir en magasin et/ou d’acheter en ligne et ainsi nouer une relation phygitale notamment en s’inscrivant dans un programme de fidélisation permettant par défaut de ne pas redemander le mail etc. En créant un portail, accessible classiquement ou avec un simple QR code, les commerçants donneront accès à leurs clients à tous leurs achats, mais aussi à des coupons de réduction bien plus personnalisés. L’objectif est double : s’assurer que les clients récupèrent les informations sur leurs achats et capter de l’information sur ceux qui étaient encore anonymes jusqu’à présent.

La fin du ticket de caisse imprimé représente des enjeux humains et économiques pour tous les commerces, de proximité ou de très grande taille. Tous réinventent leurs relations avec leurs clients et trouvent de nouveaux moyens de fidéliser ceux de passage. Cependant, les petites et grandes enseignes n’ont pas les mêmes moyens financiers ni les mêmes situations. Dans ce contexte, son report après le 1er août semble assez probable. Pourquoi ne pas instituer un calendrier progressif pour l’application de cette loi, comme pour la réforme fiscale 2024-2026 ?