L'économie circulaire, condition d'une sobriété généreuse

Choisir la sobriété, c'est échapper à la pénurie. Pour que ce choix ne signifie ni renoncer aux aspirations du présent, ni regretter un passé qui ferait figure d'âge d'or, des solutions émergent.

L’économie mondiale a multiplié par quatre son volume d’extraction de ressources naturelles entre 1972 et 2022. Un constat qui a éveillé les consciences à la réalité : les ressources s’amenuisent. Leur épuisement est inéluctable. La poursuite de leur extraction sans prudence n’entraîne plus aucun bénéfice, ni économique, ni social, mais seulement des tensions écologiques, géopolitiques et sociétales. Avec cette prise de conscience a émergé un nouveau maître-mot : sobriété. Si l’on doit par-là entendre « privations », « régression », « renoncement », son acceptabilité sera pour le moins faible, autant dans les sociétés les plus développées qui auront du mal à changer radicalement leurs modes de vie, que dans les sociétés en développement qui aspirent naturellement à une élévation de leur niveau de vie. L’économie circulaire apporte des réponses à ce qui apparaît comme une incompatibilité. Elle interroge trois éléments clefs de nos pratiques productives : qu’est-ce qu’une ressource ? qu’est-ce que le coût ? qu’est-ce que la valeur ?

Tout ce qui n’est pas un « déchet ultime » n’est pas un déchet. Et la limite de l’ultime peut être repoussée. Cette conviction est née de l’expérience : la « circularité » de l’économie se nourrit en grande partie du « cycle » des matières. En évitant de rompre ce cycle prématurément, on épargne d’importantes quantités de matières neuves. Et les coûts attachés à leur exploitation. Le coût des matières neuves surexploitées est supérieur à leur prix sur le marché, parce que la totalité des coûts, notamment environnementaux et sociaux, n’est pas prise en compte, ou l’est mal. Ce prix est pourtant bien payé par quelqu’un, souvent au début de la chaîne du travail, souvent aussi par des générations futures. Les efforts et les ambitions de meilleure prise en compte du « vrai coût » pour le traduire dans des « prix vrais » afin d’inciter tous les acteurs à contribuer à l’atteinte des objectifs de réduction des gaz à effet de serre, entre autres, l’ont bien intégré. Entre la graduelle mise en place de taxes carbone et l’imposition de normes sociétales aux frontières, l’intégration des coûts réels contribue à la compétitivité de l’économie circulaire, et à l’expression de sa valeur. 

 La recherche de valeur a profondément évolué parallèlement à la prise de conscience des coûts. La notation des entreprises au moyen de critères extra-financiers en est un des signes les plus manifestes. Mais l’évolution de la demande des consommateurs, et peut-être surtout des consommatrices, pour des produits éthiques, des processus de production éthiques, des emplois éthiques, témoigne de la perfusion de cette tendance tout au long de la chaîne de valeur économique et financière. La conscience d’une « Terre commune » reste un phénomène récent, mais qui appelle des réponses. Si cette « Terre commune » doit continuer à « tourner rond », revisiter nos cycles économiques est un impératif. Ces cycles sont riches de potentiels écologiques et sociétaux, autant qu’économiques, pour peu qu’ils soient pensés avec toute la créativité, la détermination et la volonté dont nous sommes capables. De cette façon, la sobriété peut être généreuse.