Affichage environnemental : la France ne doit pas faire cavalier seul

Alors que l'Union Européenne travaille depuis 2013 sur le PEF, un outil commun de mesure de l'empreinte environnementale des produits, la France vient de dévoiler son propre outil, Ecobalyse.

Un temps fort pour la France dans son engagement pour un textile responsable. Le dévoilement récent d'Ecobalyse, outil d'Analyse de Cycle de Vie (ACV) français, qui permet de mesurer l'empreinte environnementale des vêtements, s'inscrit dans un moment fort après l'adoption d'une loi historique visant à sanctionner la fast fashion le 14 mars. Ces deux événements démontrent la capacité de la France à donner le cap en matière d'efforts de réduction de l'empreinte environnementale de l'industrie textile, qui est responsable de 11% des émissions de GES et de 4% de la consommation d'eau à l'échelle mondiale.

L'affichage environnementale qui en résultera permettra d'éclairer les choix des consommateurs et de les inciter à privilégier les produits les plus vertueux, à l'instar du Nutriscore dont on sait aujourd'hui qu'il a un réel effet sur les actes d'achat comme l’a montré une récente étude NielsenIQ. Il y a donc un potentiel effet de levier très fort pour engager les marques textiles dans la réduction de leur approche environnementale mais également des enjeux économiques importants…

Ecobalyse, initiative concurrente de la démarche européenne

La création d'un outil français parallèle à l’approche européenne est cependant étonnante. Elle vient directement concurrencer l’approche Product Environmental Footprint (PEF), méthode de mesure de l’empreinte environnementale systémique, approuvée et recommandée par la Commission Européenne, qui est au cœur de la prochaine directive ESPR sur l’affichage environnemental. Ecobalyse s'inscrit en effet dans une volonté de protéger les acteurs français du secteur, notamment du luxe et du prêt-à-porter haut de gamme, dont les vêtements seraient moins bien notés par la méthode PEF.

Les experts ne sont pas alignés sur le sujet car Ecobalyse intègre des dimensions nouvelles. Pourtant, il est certain que le PEF met en exergue que ce n'est pas parce qu'un vêtement est cher qu'il est durable. Cela signifie que tous les acteurs du textile, y compris ceux du luxe, doivent remettre en question l'ensemble de leurs pratiques et de leurs croyances, en identifiant, de manière objective, leurs impacts tout au long du cycle de vie des produits et en contribuant à les réduire de manière sincère, quitte à renoncer à certaines matières ou processus industriels.

Faire le pari de la coopération en tablant sur le leadership français

Plutôt que de construire son propre outil et risquer de créer des injonctions contradictoires pour les acteurs du textile qui devront répondre à des exigences réglementaires françaises et européennes différentes, la France aurait tout intérêt à porter ses propositions d'amélioration directement auprès de l'UE pour faire évoluer la méthode actuelle.

La France bénéficie d'un très bon leadership sur les sujets environnementaux. Il serait dommage qu'elle s'isole sur le sujet de l'affichage environnemental dont les règles devront logiquement s'imposer à l'échelle du marché européen, avec la directive ESPR.

L'heure n'est plus aux querelles de chapelle pour protéger ses fleurons industriels. La responsabilité des acteurs publics français comme européens est d'agir pour le Bien Commun en choisissant l'approche la plus susceptible de préserver l'environnement et de le faire rapidement. La voie de la coopération sur ce sujet, en privilégiant la méthode européenne, quitte à l'amender,  semble donc infiniment préférable.