Ekta Chopra (E.l.f Beauty) "90% des transactions sur l'application e.l.f Cosmetics sont effectuées par des membres fidélisés"

Alors que la société cotée e.l.f Beauty a vu ses ventes s'envoler en 2024, Ekta Chopra, directrice digitale du groupe, détaille la stratégie de la marque sur les réseaux sociaux, moteurs clés de la croissance.

JDN. Les ventes d'e.l.f Beauty ont crû de 77% entre 2023 et 2024, pour atteindre 1 milliard de dollars. Comment expliquez-vous cette croissance exceptionnelle ?

Ekta Chopra est directrice digitale du groupe e.l.f Beauty. © E.l.f Beauty

Ekta Chopra. Au cours des cinq dernières années, nous nous sommes concentrés sur notre marque, notre moteur marketing, et avons donné vie à ce que notre communauté représente. Je pense au pouvoir de TikTok, de Roblox et tous les autres canaux. Dès que nous nous sommes lancés sur Roblox en novembre 2023, nous sommes devenus la marque numéro un avec près de 10 millions de joueurs aux Etats-Unis (le 2 juillet e.l.f Beauty est allé plus loin en vendant des produits physiques exclusifs à travers son jeu sur la plateforme, ndlr).  

Les clients fidèles d'e.l.f Beauty représentent 80% des ventes e-commerce du groupe en 2024. Comment réussissez-vous à créer une communauté aussi engagée ?

Notre programme de fidélité, Beauty Squad, compte près de 5 millions de membres aujourd'hui. Il s'agit de nos first-party data, des consommateurs les plus engagés. Et pour détailler un peu notre stratégie, il y a trois ans nous avons lancé une application, ce fut une réussite, avec plus de 1,2 million de téléchargements. Aujourd'hui, 90% des transactions de l'application sont effectuées par des membres fidélisés. Le premier élément de réponse sur la création de communauté est : créer pour vos clients fidèles, vos first-party data, un endroit où ils aiment aller et continuer à développer les fonctionnalités qui leur permettront de revenir.

Le deuxième point concerne la communauté sur les réseaux sociaux : il faut s'assurer que nous sommes là où se trouve notre communauté. Qu'il s'agisse de Twitch, de TikTok, de Roblox ou d'Instagram, nous sommes présents et nous nous engageons avec eux. Nous voulons tirer parti de la puissance de ces canaux avec les influenceurs et la manière dont nous donnons vie à nos collaborations. Ce sont des éléments très puissants, notre collaboration avec Liquid Death a généré près de 7 milliards d'impressions. Tout nouveau canal vers lequel nous voyons notre communauté se tourner, nous nous y engouffrons. Il est important de savoir que chaque canal a un objectif différent et il est essentiel de réfléchir à comment présenter sa marque sur ces canaux. Au début, c'est un apprentissage et ce n'est pas parfait, mais cela ne nous dérange pas.

Vous assurez qu'e.l.f Cosmetics a été la première marque présente significativement sur TikTok shop aux Etats-Unis. Pouvez-vous nous partager les principaux enseignements que vous avez tiré de TikTok Shop ?

TikTok Shop a, en quelque sorte, mis à jour le pouvoir l'économie des créateurs - la manière dont les créateurs influencent le commerce. Il n'y a pas d'invention, si vous pensez aux programmes d'affiliation traditionnels, le principe est le même. Mais du point de vue du contenu c'est une révolution qui permet aux créateurs d'exploiter le potentiel de leur contenu tout en travaillant avec les marques. Aux Etats-Unis, TikTok Shop a connu un grand succès et nous continuons à progresser dans ce domaine. Le Royaume-Uni est notre prochaine destination concernant la plateforme. Et au fur et à mesure que nous nous développons à l'échelle internationale, nous serons sur TikTok Shop partout où cela s'avère utile.

Vous disiez que l'innovation fait partie de l'ADN d'e.l.f Beauty, c'est pour cette raison que vous avez lancé une application pour l'Apple Vision Pro ?

Oui, en effet. Nous avons travaillé avec notre partenaire Obsess pour créer une application où l'utilisateur peut naviguer dans des mondes virtuels. Grâce à eux, nous sommes entrés en contact avec visionOS, et e.l.f Cosmetics est devenue la première marque de produits de beauté sur Apple Vision Pro. Mais l'un des principaux freins pour créer un lien avec notre communauté était notre identité de marque accessible. Nos clients vont-ils pouvoir se permettre d'acheter un Apple Vision Pro et de profiter de cette expérience ? Pour y remédier, nous avons créé un site web qui imite la vision sur Apple Vision Pro pour y vivre la même expérience.

Quels sont vos principaux chantiers tech pour cette année ?

Cela tournera autour d'un mot que vous êtes probablement fatigué d'entendre : l'IA générative. Nous la testons déjà sur cinq produits différents en interne. Pour les consommateurs, nous allons lancer quelque chose d'important dans le domaine du search avec l'IA. C'est l'une des plus grandes opportunités, en particulier avec les changements en matière de cookies, d'affichage de l'IA sur Google et d'évolution de la publicité payante. Et dans ce domaine nos first-party data deviennent encore plus importantes. 

"Nous testons déjà l'IA générative sur cinq produits différents en interne"

Concernant le service client, l'IA générative joue le rôle de moteur créatif pour créer plus de contenu, soit l'un de nos plus grands défis pour la personnalisation. Il est possible de tirer parti de l'IA et d'une partie du contenu existant pour créer de nouveaux contenus pour certains canaux. Ainsi, les équipes pourront se concentrer sur le contenu à forte valeur ajoutée créé par des humains. L'IA fera partie de notre écosystème. Quand on pense à la pile Martech, il va y avoir une évolution de la technologie activée par l'IA à tous les niveaux.

Vous parliez de cinq produits en interne, avez-vous un exemple ?   

Oui. Nous avons donc cinq produits sur lesquels nous travaillons. Nous testons par exemple un assistant sur Instagram où l'IA a été formée sur le contenu et les commentaires. Il permet à nos gestionnaires des réseaux sociaux de déléguer les tâches les plus récurrentes. Les réponses aux questions simples tels que "où est ma commande ?" par exemple. Mais lorsqu'il s'agit de véritablement échanger avec eux et d'avoir une touche humaine, nos gestionnaires de communauté s'engageront avec eux.

En 2018, e.l.f Beauty fermait sa filiale en France pour une restructuration stratégique. Quels sont vos plans pour l'Hexagone aujourd'hui ?

L'Europe est sujet d'expansion prioritaire pour nous. Nous avons ouvert un magasin en Italie fin 2023 et nous sommes en pleine croissance au Royaume-Uni où nous avons ouvert notre premier bureau européen en février. Depuis nous sommes passés de 10 à 75 employés sur ce siège.  Et la France est une évidence, l'ouverture de quelque chose là-bas est définitivement dans nos projets à venir.

Quelle est votre stratégie d'intégration sur un nouveau marché ?

Au Royaume-Unis par exemple, nous avions déjà un site britannique, mais c'est que lorsque nous avons mis en place une stratégie ciblée pour les retailers que nous avons commencé à voir le marché prospérer. Nous commençons donc à voir que quand vous allez sur ces marchés, vous devez agir au niveau local avec une équipe locale qui parle dans la langue locale et qui travaille avec les influenceurs locaux. Nous sommes très prudents avec notre stratégie D2C, car il devient très coûteux de gérer des sites. Notre expansion passera d'abord par Amazon, les places de marché ou les retailers.

Ekta Chopra est CDIO d'e.l.f Beauty depuis 2020, après cinq ans en tant que VP of digital au sein du groupe de cosmétiques. Elle a commencé sa carrière dans l'aérospatial en 2001 en tant qu'IT director chez Synchronous Aerospace. C'est avec le site de mode Charming Charlie qu'elle fait son incursion dans le monde du retail comme VP des implémentations ERP en 2009. Avant de rejoindre e.l.f Beauty, Ekta Chopra a consacré 3 ans de sa vie professionnelle à la fondation James Irvine en tant que directeur de la technologie.