Shein, future deuxième entreprise de mode cotée en Europe ?

Shein, future deuxième entreprise de mode cotée en Europe ? Bryan Garnier & Co. a partagé au JDN ses projections sur la cotation de Shein à Londres. Valorisation, enjeux ESG, proximité avec la Chine… Une IPO à hauts risques.

L'introduction en bourse de Shein n'a jamais été aussi proche. Depuis la première demande à Wall Street en novembre 2023, de l'eau a coulé sous les ponts et à présent le géant de l'ultra fast fashion prévoit une IPO à Londres. "Les dernières rumeurs parlent d'une introduction pour le premier trimestre 2025", confie Clément Genelot, analyste pour la banque d'investissement Bryan Garnier & Co. Que pourrait alors peser Shein en bourse ? Voici ce que les chiffres nous permettent de dire.

Ces dernières semaines, Shein a entamé les discussions avec les investisseurs européens et la pépite valorisée à 61,4 milliards d'euros en 2023 a laissé fuiter quelques chiffres. Selon The Information, le chiffre d'affaires du pure player s'élevait à 18 milliards de dollars au 1er semestre 2024 pour une marge nette de 400 millions de dollars. Des montants impressionnants malgré un rythme de croissance des revenus divisé par deux par rapport à l'année précédente, qui atteint tout de même 23% sur la période.  "Dans les années à venir, il y a de grandes chances que cette croissance se stabilise autour des 30%, analyse Clément Genelot. Plus d'une entreprise de mode rêve d'une telle croissance." Selon lui, une bonne part de la croissance des dernières années profitait de l'effet d'expansion : Shein se lançait dans de nouveaux pays et gagnait naturellement des parts de marché avec une offre très peu chère.

Le même ratio EV/Sales qu'H&M

A partir de ces éléments, la banque d'investissement a fait ses projections et les a comparés avec les plus importantes capitalisations européennes dans la mode (hors luxe). "Afin d'estimer la valorisation de Shein, j'ai utilisé le ratio EV/Sales (valeur d'entreprise sur chiffre d'affaires) pour l'année 2025, en émettant l'hypothèse d'une absence d'endettement", détaille Clément Genelot. La valorisation de Shein lors de son dernier tour de table a été considérée par l'analyste comme sa potentielle capitalisation boursière pour sa future IPO.

© JDN

Ainsi, Shein pourrait être valorisé à 61,4 milliards d'euros selon les analystes, faisant d'elle la deuxième entreprise de mode cotée en Europe. Etonnamment, elle ne serait classée que quatrième sur la base du ratio EV/Sales. En effet, d'après les calculs de Bryan Garnier & Co. elle s'achèterait 1,4 fois ses revenus, un ratio équivalent à celui d'H&M. Loin derrière Inditex dont le multiple atteint 4 fois les ventes. "La maison mère de Zara a toujours été un animal à part dans la mode", tient à rappeler l'analyste.

L'ESG pèse lourd 

Pourquoi les analystes anticipent un ratio EV/Sales aussi faible au regard de la croissance de l'ovni chinois ? "La bourse regarde le niveau de vente en volume et la croissance, détaille Clément Genelot. A l'heure actuelle Shein croit plus vite que les autres groupes, ce qui devrait se traduire par un multiple haut. Or, ce n'est pas le cas dans ce que nous envisageons : l'aspect écologique entre en compte". Si Shein a annoncé lever un fond de "circularité" de 200 millions d'euros en juillet dernier, il n'en demeure pas moins que l'entreprise est accusée de greenwashing et de travail forcé. "Beaucoup d'investisseurs européens tamponnés ESG ne pourront pas participer à l'IPO", projette Clément Genelot.

Et les relations de proximité avec la Chine n'arrangeront en rien les inquiétudes des futurs investisseurs : " Si Donald Trump remporte les élections dans deux semaines, il ne fait aucun doute que les tensions commerciales avec la Chine, et notamment les droits de douane, referont surface, ajoute Cédric Rossi, également analyste chez Bryan Garnier & Co. Cela pourrait entraver les performances de Shein, les USA sont son premier marché".

De plus, pour les analystes de la banque d'investissement, la marge observée fin 2023 ne peut être projetée dans les années à venir : "Pour plaire aux investisseurs européens, Shein pourrait être obligé de sous-traiter avec des usines en Afrique du Nord, et cela lui coûterait cher". A cela s'ajoute un dernier facteur : lors d'une IPO, il est logique d'offrir une petite démarque sur le prix pour attirer les investisseurs. "Tout cela mis bout à bout, même si Shein affiche un ratio croissance/marge nettement supérieur à celui de ses concurrents, sa valorisation devrait pâtir de son image auprès des investisseurs", conclut Clément Genelot. Si ces derniers sont toujours aussi regardants à la publication des résultats…