Comment Cdiscount, La Redoute et Leboncoin vont intègrer l'IA à leur e-commerce en 2025
En 2025, l'IA franchira un nouveau pas au sein de l'e-commerce français. Après les chatbots et les descriptions générées automatiquement, l'IA générative s'attaque désormais au cœur des systèmes des sites e-commerce, qu'il s'agisse d'automatiser la création des fiches produit, de développer une recherche plus conversationnelle ou d'adapter le management des équipes. Le JDN a interrogé Christophe Samson (DG de Peaksys), Julien Jouhault (CTO Leboncoin) et Jean-Cédric Costa (CIO La Redoute) pour connaître les trois principaux chantiers qui occuperont leurs équipes IT cette année.
Repenser les fiches produit
Il y a un an, Cdiscount a été l'un des premiers marchands à communiquer sur la recatégorisation des fiches avec les LLM. Et les résultats sont probants : +30% de conversion pour les fiches correctement recatégorisées. "Forts de ce constat, nous allons déployer le cas d'usage à nos 50 millions de produits", confie Christophe Samson. Au-delà de la recatégorisation et de l'enrichissement des fiches produit avec l'IA générative, le DG Peaksys veut inverser la logique. "En 2025, nous voulons remonter à la source en optimisant les fiches dès la création", partage-t-il. Les équipes tech de Peaksys s'attellent donc à intégrer l'IA dans leur outil de création des fiches. L'idée ? Qu'à partir d'une photo ou de données brutes, la fiche puisse être automatiquement catégorisée et pré-remplie par l'IA générative. "Le vendeur n'aura plus qu'à valider avant publication", affirme le DG de Peaksys.
"L'IA doit nous permettre de fluidifier au maximum le dépôt d'annonce"
Un projet qui fait écho aux ambitions de Leboncoin pour 2025. "L'IA doit nous permettre de fluidifier au maximum le dépôt d'annonce, estime Julien Jouhault, CTO de Leboncoin. Idéalement, le vendeur devra seulement fournir une photo". Selon les premiers tests du site, l'optimisation du dépôt d'annonce avec l'IA générerait +30% de leads. Leboncoin veut aussi enrichir les outils pour les vendeurs professionnels avec de l'IA, notamment pour les catégories BtoB automobiles et immobilier. "Ce sont nos marchés cœur donc nous voulons les assister avec plus de services", justifie Julien Jouhault. Parmi eux, Leboncoin développe l'outil 'AutoCompare'. Grâce à l'IA, il indiquera aux professionnels le positionnement de leurs annonces selon plusieurs critères comme le prix ou la demande. "Nous voulons leur donner des conseils basés sur l'IA pour encore optimiser les leads", résume le CTO. Un service similaire verra aussi le jour pour la catégorie Immobilier.
Quant au CIO de La Redoute, il aborde le sujet des fiches sous le prisme des contenus médias. "Sur les images, nous regardons comment produire plus rapidement et avec différentes mises en scène, souligne Jean-Cédric Costa. Dans la catégorie meuble, le contexte est très important pour que le client se projette". Concrètement, La Redoute explore comment l'IA peut lui permettre de générer des images de qualité rapidement pour réduire les coûts de shooting. "Nous pouvons aussi imaginer que l'utilisateur fournisse lui-même une inspiration d'ambiance", ajoute Jean-Cédric Costa. Mais le CIO reconnaît qu'à ce stade le chantier se résume à des POC et à l'exploration de plusieurs solutions.
Le passage au search conversationnel
Si le chatbot a ouvert la voie, les marchands restent en quête d'une recherche plus conversationnelle. Le search est au cœur des enjeux de curation des grandes marketplaces que sont La Redoute, Cdiscount et Leboncoin, et l'IA peut encore augmenter sa pertinence. "Le moteur de recherche est une grosse machine avec une cinquantaine d'algorithmes, rappelle Christophe Samson. Nous l'avons enrichi avec de l'IA, mais avec 1 200 commandes minutes pendant le Black Friday, il est complexe de révolutionner l'outil." Alors pour amener du conversationnel dans la recherche, Cdiscount fait le choix d'un chemin alternatif entre le chatbot et le moteur de recherche. "L'idée est d'avoir une conversation sur ce que cherche le client et ce que nous pouvons lui proposer, expose le DG de Peaksys. Nous avons un POC déjà bien avancé, je ne peux pas vous dire quand il sortira, mais nous sommes très impatients."
Le sujet est également en réflexion chez Leboncoin dont le search repose encore sur un moteur de recherche classique. Une surcouche de modèles de machine learning reclasse ensuite les résultats selon les informations personnelles de l'utilisateur. "Nous regardons de nouvelles technologies pour faire directement du search avec de l'IA", déclare Julien Jouhault. De son côté, La Redoute se concentre sur les pages de résultats. " Nous voulons mieux les adapter au type de produit, précise le CIO. La vente de linge de maison diffère de celle d'un sofa ou d'un pull."
Renforcer les systèmes pour mieux innover
Pour tenir le rythme dans cette course aux innovations, les sites doivent s'assurer d'être suffisamment robustes d'un point de vue back-end et management. En 2025, l'accent est mis sur l'agilité des systèmes. Ainsi, Leboncoin a pour objectif d'automatiser la montée en charge du site pendant les périodes de forte affluence. Aujourd'hui, ils doivent prévoir à l'avance ces pics d'activité et programmer manuellement l'augmentation des ressources du site, car la plateforme ne s'adapte pas automatiquement. Pour rappel, Leboncoin est le 2e site e-commerce en France, derrière Amazon, en termes de visiteurs uniques moyens par mois. "Ce n'est pas évident d'automatiser, parce que certains composants de l'infrastructure, comme ElasticSearch, montrent des limites de passage à échelle", détaille Julien Jouhault. Pour La Redoute, les efforts se concentreront sur une nouvelle plateforme d'IA avec Azure et Databricks qui servira de fondation pour ses projets liés à l'IA.
Mais cette recherche d'agilité passe aussi par une réorganisation ou un renforcement des équipes techniques. Par exemple, Leboncoin veut répartir ses 25 data scientists à travers les 60 équipes tech de la marketplace. "Notre organisation data/machine learning était jusqu'ici centralisée, rappelle le CTO. Cependant, nous estimons qu'une approche 'data mesh' sera plus propice à l'innovation". Les data scientists sont répartis depuis le début de l'année au plus proche des équipes métiers. Chez Cdiscount, l'accélération de ses capacités passera aussi par les collaborateurs : "En 2025, ce sont 80 nouveaux développeurs qui rejoindront nos rangs. Notre BU se place ainsi en tête des recrutements au sein du groupe", conclut Christophe Samson. Un signe que la transformation commence tout juste et que l'IA dans l'e-commerce n'en est qu'au début du chemin.