A Barcelone, la smart city sous data surveillance
Le salon Smart City Expo, qui se tient du 13 au 15 novembre à Barcelone, fait la part belle aux systèmes d'analyse vidéo transformant les caméras de surveillance en aspirateurs à données.
Difficile de passer inaperçu à Smart City Expo. Cette année, nombre d'entreprises participant à ce salon mondial de la smart city, qui a débuté le 13 novembre, ont déployé des caméras sur leurs stands. Braquées vers la foule, elles servent à faire étalage des nouvelles capacités d'analyse vidéo dont se sont dotées les sociétés travaillant sur la vidéosurveillance. Il ne s'agit plus de filmer une zone en espérant qu'un humain y détecte une anomalie, ou pour stocker la vidéo en cas de besoin ultérieur. Désormais, les caméras et les programmes de vision par ordinateur qui les accompagnent sont capables de remonter toutes sortes de données utiles aux villes.
D'abord en temps réel : il est possible de repérer des accidents ou des situations de trafic dangereuses (individu roulant à contresens, feux rouges grillés…), permettant de notifier les forces de l'ordre puis de déclencher une éventuelle intervention. Mais aussi sur le long terme : les caméras collectent des données sur la densité des flux et leur nature (type de véhicules utilisés, piétons, transports en commun…) qui peuvent aider les villes à constituer une base de données historique. Des informations utiles par exemple pour décider d'aménagements de voirie ou identifier de nouveaux besoins dans l'offre de transports publics.
"La caméra devient un capteur de la ville"
La société italienne Sprinx Technologies est un bon exemple de ce mouvement. Créée en 2009 pour répondre aux nouvelles réglementations européennes sur la supervision des tunnels prises après l'incendie du tunnel du Mont-Blanc en 1999, l'entreprise a pivoté il y a deux ans. "Nous nous sommes rendu compte qu'au-delà des tunnels, nos systèmes de détection d'incidents avaient de nombreuses applications dans la smart city", raconte Paola Clerici, directrice générale de Sprinx Technologies. L'entreprise a développé une nouvelle plateforme s'appuyant sur le deep learning pour proposer toute une palette de collectes de données temps réel et historiques, présentée pour la première fois à Smart City Expo. Le produit devrait être disponible d'ici la fin de l'année, mais l'entreprise a déjà mis ses nouvelles capacités au profit de clients, notamment en France : depuis l'année dernière, ses technologies aident à repérer les piétons sur la voie sur l'autoroute A1.
"La caméra devient un capteur de la ville", résume Franck Cazenave, directeur mobilités et smart city de Bosch France. L'industriel allemand, qui développe à la fois ses propres caméras et les logiciels d'analyse vidéo qui l'accompagnent, équipe des villes françaises comme Marseille, Strasbourg et Montpellier. Le JDN a pu observer une solution pour une caméra à 360 degrés permettant de tracer une ligne virtuelle à n'importe quel endroit filmé, puis de faire compter par la caméra les personnes qui la franchissent dans l'un ou les deux sens.
L'arrivée de la 5G va faire baisser les coûts
Ce genre d'applications recèle un énorme potentiel pour un fabriquant de caméras comme Bosch. C'est l'occasion de proposer des services additionnels à ses clients déjà équipés de dispositifs de vidéosurveillance, mais surtout un moyen de convertir des collectivités qui refusent de surveiller leurs citoyens, en leur offrant uniquement de collecter des données historiques grâce à la vidéo. Une proposition difficile à refuser, selon Paola Clerici, car il est désormais moins cher pour une ville de choisir une caméra pour compter le trafic plutôt qu'un capteur magnétique placé sur la route (la méthode traditionnelle de comptage). Le coût de ces systèmes pourrait encore baisser avec l'arrivée de la 5G, anticipe Franck Cazenave, car la connectivité sans fil deviendra assez puissante pour qu'il ne soit plus nécessaire de tirer des câbles pour faire remonter les flux vidéo.
Cette diversification des caméras est permise par les progrès de l'intelligence artificielle et de la puissance informatique qu'elles embarquent. "Il y a cinq ans, les systèmes de détection vidéo automatisés en extérieur déclenchaient trop de faux positifs pour être satisfaisants," rappelle Paola Clerici. "Nous pouvons proposer bien plus de fonctionnalités qu'auparavant", abonde Azem Kariman, directeur des ventes de ViNotion, une société néerlandaise travaillant sur le comptage vidéo à destination des villes. Sa technologie est notamment utilisée par les Pays-Bas pour détecter les mouvements de foules et les saturations d'espace lors de la fête nationale. "Nous pouvons aussi proposer des classifications plus fines, comme le sexe de l'individu, et suivre plus facilement un objet entre plusieurs caméras."
Mais ces progrès montrent encore leurs limites lorsque cette détection tente d'être trop fine et individualisée. En plus d'un système de comptage de densité d'occupation des rues, le chinois CETC a présenté sur son stand une technologie de reconnaissance faciale, censée décrire des individus à travers cinq paramètres : sexe, âge, port de lunettes ou non, expression faciale (sourire…), port d'un masque anti-pollution ou non. Selon les essais, votre serviteur, un homme allant sur la fin de sa vingtaine, a été soit identifié correctement, soit classifié comme une femme d'âge mûr. Peut mieux faire.