L'ingénierie des données et l'analytique avancée peuvent-elles dompter l'incertitude de la chaine logistique ?

Les technologies pour la Data & Analytics Driven Suppy Chain arrivent à maturité et apportent de la valeur ajoutée dans 3 domaines clés

Aujourd’hui, l’incertitude est devenue la règle au sein de la chaine logistique avec une instabilité qui pèse autant sur la demande de la « supply chain». De nos jours, il est fréquent qu’une demande volatile se conjugue avec des flux d’approvisionnement contraints. En effet, d’une part l’innovation et le rythme de lancement de nouveaux produits se sont accélérés, les canaux de distribution multipliés, la concurrence accrue et la rétention client plus difficile. D’autre part, l’accès à certains composants et matières s’est restreint alors que le transport et les hubs logistiques sont souvent congestionnés. De plus, si la montée de l’industrie 4.0 a fait gagner en flexibilité et productivité, la sophistication des systèmes de production qu’elle induit s’accompagne de vulnérabilités, telles que les menaces cyber.

Avec cette nouvelle donne, les responsables de la supply chain adoptent de nouvelles approches autant pour planifier qu’exécuter. De nouvelles techniques émergent avec pour point commun d’atténuer le « bullwhip effect » connu pour amplifier les incertitudes et créer de la nervosité tout le long de la chaine logistique. Mais il est possible d’aller plus loin encore. Avec la « Data & Analytics Driven Supply Chain », l’ingénierie des données et l’analytique avancée offrent un potentiel puissant de gains en fluidité dans le pilotage de la chaîne logistique.

Encore inexploitée par beaucoup d’acteurs industriels, la Data & Analytics Driven Supply Chain apporte néanmoins de la valeur ajoutée dans trois domaines : la fiabilisation des données de planification, la simulation détaillée des scénarios de pilotage et la prise en compte des aléas.

Fiabilisation des données de planification

Pour longtemps encore, planifier la supply chain restera une nécessité. Un plan n’est pourtant jamais exact, mais il doit constituer une source unique de vérité. Pour cela, il doit s’appuyer sur un jeu de données fiables.

La planification brasse souvent des milliers de paramètres: structure physique de la supply chain, priorités, stocks, délais… En général, il faut extraire ces données d’une multitude de sources, vérifier leur exactitude avant qu’un algorithme ne les consomme. Cependant il est essentiel de détecter parmi ces variables d’entrée, celles dont l’inexactitude serait pénalisante.

La data science répond bien à cet enjeu. Aujourd’hui, les outils tels que le Big data, l’IIOT, le Machine to Machine (MtoM), la 5G ou encore le cloud computing permettent de collecter et d’organiser les données de planification. Avec l’émergence des jumeaux numériques, les objets constituant la supply chain peuvent être modelés.

Simulation détaillée des scénarios de pilotage

La qualité des données d’entrée ne suffit pas à optimiser un plan; l’algorithme utilisé est tout aussi primordial. En général, les options de planification sont variées : priorisation client, demande, capacités, stocks… Chaque jeu d’options peut conduire à un plan différencié. Au lieu de se risquer sur quelques options, pourquoi ne pas les simuler massivement …et surtout judicieusement ?

La simulation à événements discrets (SED) et le Machine Learning (ML) sont aujourd’hui des technologies matures pour permettre un pilotage virtuel de la supply chain, en mode accéléré. Partant des jumeaux numériques, la SED permet de jouer en intégralité l’écoulement des flux matières et l’engagement des capacités. Le ML apporte l’intelligence pour l’aiguillage de ces flux matières, l’allocation de ressources et l’arbitrage de conflits. Après la simulation, de façon supervisée ou autonome, le ML permet aussi de faire un « scoring» multicritère de chaque scénario. La segmentation des « scores » permet alors de reconnaitre les plans robustes et performants.

Prise en compte des aléas.

Puis arrive l’exécution où bien sûr tout ne se déroule pas exactement comme planifié. Sur la demande comme sur la supply chain, les écarts sont de diverses natures : modification d’une commande, retard ou avance d’un flux matières, indisponibilité d’un équipement, rebut pour non-conformité.

Face à une telle situation, plusieurs questions se posent. Le plan est-il assez robuste pour absorber l’écart et préserver les objectifs fixés ? Faudrait-il juste modifier le plan à la marge ou replanifier toute la supply chain ? La simulation à événements discrets répond bien à cet enjeu. Elle permet d’évaluer «l’onde de choc» d’une perturbation.

Le jumeau numérique indique l’état réel de la supply chain : à partir de cet état, on peut simuler le «reste à faire » et voir ce qui arriverait si le plan est gardé en l’état. L’intelligence artificielle peut alors détecter et alerter sur les impacts négatifs. Le cas échéant, l’IA peut être prescriptive et «réparer» le plan par un scénario alternatif d’aiguillage des flux et d’allocation des capacités.

Les technologies pour la « Data & Analytics Driven Supply Chain » arrivent à maturité. Elles peuvent contribuer à diminuer considérablement le temps passé à réajuster frénétiquement les plans, sinon à subir des dérives. Le déploiement de solutions s’opèrent bien sûr de façon incrémentale selon la culture et la maturité de l’organisation, la priorisation des problèmes et la valeur ajoutée attendue avec, à la clé des gains substantiels rapportés.