Face au fake news, l'exemple inspirant des veilleurs ?

Avec les journalistes, les veilleurs stratégiques figurent parmi les professions les plus confrontées aux fausses informations.

Union Européenne, Etats-Unis, Inde, Indonésie, Mexique… Dans les mois à venir, près de la moitié de la population mondiale est appelée à voter, soit 3,7 milliards de personnes dans 70 pays. Dans le même temps, nous assistons à une prolifération des fake news, dans un contexte d’essor de l’IA générative. Plusieurs exemples récents attestent du fait que ces « fausses informations » sont en train d’essaimer et de mettre à mal certains équilibres démocratiques, à l’image du faux enregistrement sonore du président américain Joe Biden appelant le 23 janvier dernier les électeurs à ne pas aller voter lors de la primaire du New-Hampshire… De quelle manière peut-on lutter face à de tels assauts ? Sur ce point, les méthodes de travail qui sont celles de la communauté des veilleurs peuvent nous aider. Deux éléments sont ici à prendre en considération et à articuler : l’action des machines d’un côté ; celle des êtres humains de l’autre.

Qui me parle ? Sélectionner les sources avec rigueur

Evoquons tout d’abord le cas des machines. Les plateformes de veille qui se trouvent actuellement sur le marché ont pour objet de filtrer les informations en fonction des mots clés que le veilleur a défini en amont. En cela, on peut dire qu’elles produisent très exactement ce que l’être humain lui commande de faire. Bien que techniques, elles ne sont aucunement en capacité de vérifier si une information est – ou non – véritable. Elles se situent en cela au même niveau que les réseaux sociaux : en dépit de leurs efforts destinés à débusquer de faux comptes, voire des fake news, tous ces outils se révèlent dans l’incapacité de produire le moindre remède.

Dans un certain nombre de cas, ces plate-formes peuvent générer de l’infobésité. À l’image des électeurs bientôt appelés à voter dans le monde et confrontés à une kyrielle de données, le veilleur doit cheminer parmi des informations multiples, dont nombre d’entre elles peuvent être erronées ou fausses. De quelle manière parvient-il à se frayer un chemin critique dans un tel contexte ? D’abord et avant tout en sélectionnant ses sources avec précision. Car il y a en réalité deux modèles de méthode de veille : le premier consiste à poser une simple équation sur le web, ce qui génère une masse d’informations colossale. Le second procède d’une approche plus sélective en amont, centrée sur les sources à explorer. Le choix de ces dernières se fera en fonction du degré de véracité de la source, mais aussi en lien avec ce que l’entreprise du veilleur recherche. Une source d’information généraliste n’intéressera pas nécessairement un grand couturier par exemple…

L’éducation : une méthode inspirée de l’action des veilleurs ?

Le second élément permettant de faire face au phénomène des fake news a trait à l’être humain lui-même. Ici, il convient d’emblée de placer la question de l’éducation au cœur de la réflexion. Car si les fausses informations progressent, ce n’est pas seulement parce qu’elles prolifèrent, mais bel et bien parce qu’elles trouvent de plus en plus de personnes pour les croire et les relayer. Les réseaux sociaux, et plus largement la démultiplication des canaux d’information, sont bien sûr au cœur de cette dynamique. Face à cela, il s’agit d’opposer une analyse textuelle, une approche critique, un raisonnement. Les veilleurs posent au quotidien ce type de regard : confrontés à une information, ils s’attachent à identifier qui parle. L’émetteur de l’information fait l’objet d’une analyse circonstanciée : est-il fiable ? Quels sont les intérêts qu’il défend ? Quel est le contexte dans lequel il s’exprime ?

Face à la prolifération des fake news, d’autant plus en cette année 2024 fortement élective, l’être humain est la clé, et l’éducation un levier. C’est à l’être humain de savoir interroger une source ; à lui de réaliser des recoupements, de confronter les informations et de séparer ce qui relève d’un fait et ce qui procède d’une opinion ; à lui encore d’effectuer des synthèses adaptées à son contexte, et de relayer ce qui mérite de l’être. En cela, le travail quotidien du veilleur peut se révéler inspirant.

Son action de « serial douteur », c’est-à-dire d’esprit critique en action, est sans doute un exemple à suivre.