Comment évaluer la performance d'un système d'information ?
La notion de performance du SI a donné lieu à de multiples débats et études. Les indications données ici n’ont pour prétention que d’aider à organiser la réflexion autour d’idées-forces, et à proposer une démarche construite de pilotage de cette performance.
Performance "du" SI ou "par" le SI ? Le SI est devenu dans toutes les organisations (2) un outil stratégique fondamental à la base de leur activité. Le développement du numérique et son intégration dans toutes les couches de la vie sociale et économique, la mondialisation et l'immédiateté des communications, ont fait que leur propre performance est devenue de plus en plus tributaire de la performance de leur SI. De facto, la performance d'un SI ne peut s'apprécier que dans le contexte de la performance globale de l'organisation utilisatrice de ce SI que l'on peut définir comme "l'adéquation entre le résultat des efforts consentis par cette organisation et les objectifs qu'elle s'était fixés". Plutôt que de parler de "performance du SI", il conviendrait de parler de "performance par le SI".Performance et création de valeur
Cette première définition est celle des actionnaires, investisseurs, dirigeants et autres donneurs d'ordres. Elle doit être complétée par d'autres vues tout aussi fondamentales mais qui peuvent s'avérer très différentes : celles des marchés, des clients, des régulateurs, des concurrents, des banques, des analystes, des agences de notation... Autrement dit l'ensemble de ses parties prenantes. Une organisation est dite performante si elle obtient par ses efforts une croissance régulière et durable de la valeur globale qu'elle créé, c'est-à-dire de la valeur pour l'ensemble de ses parties prenantes.
Le concept de valeur globale est fondamental pour apprécier la performance. Il permet d'étendre la signification restrictive habituelle de valeur du seul point de vue économico-financier à des axes multiples qui prennent en compte à des degrés divers les attentes de l'ensemble des parties prenantes. Les exemples sont nombreux d'entreprises financièrement performantes mais au détriment de la vie sociale de leurs employés, de l'environnement, du respect des réglementations, voire même de leur réputation.
Le caractère régulier et durable de cette création de valeur est aussi important : la performance s'obtient dans le temps et dans la durée, et doit donc être vue dans une perspective d'amélioration continue des efforts de l'organisation pour atteindre le niveau qu'elle ambitionne. Cela est particulièrement crucial pour les organisations dont les challenges sont l'innovation et la différentiation.
Les deux types de valeur SI Les travaux sur la performance du SI3 ont mis en évidence la double contribution des valeurs dites "patrimoniales" (valeur des actifs matériels et immatériels associés au SI) et "d'usage" (diffusion et utilisation de ces actifs dans les métiers) à la performance des organisations. Il importe donc, dans la recherche des leviers de performance, de s'assurer que :
- Le "patrimoine SI" est géré au mieux. Cela signifie qu'il doit être maîtrisé tant dans sa constitution (tout nouveau projet crée du patrimoine) que dans son entretien (gestion de l'obsolescence du patrimoine applicatif ou de celle de certaines technologies par exemple)
- L'usage qui est fait de ce patrimoine par l'organisation est adapté aux leviers de création de valeur définis. En ce qui concerne la valeur patrimoniale SI, six domaines doivent être pris en compte pour disposer d'une vision complète de la fonction SI :
- Le capital SI qui est composé des patrimoines informationnels, applicatifs et techniques, ainsi que les méthodes et bonnes pratiques. Il s'agit de maîtriser les délais, les coûts, la qualité, la disponibilité afin de fournir la bonne information à la bonne personne au bon moment et au meilleur coût.
- Les finances SI intégrant les processus de gestion des actifs financiers (gestion d'un portefeuille d'investissements et de projets SI, stratégie de facturation interne...) et de gestion des dépenses (budgets et contrôle des dépenses).
- Le capital humain SI impliquant le maintien d'un niveau de compétences adapté aux évolutions des métiers et technologies associés au SI.
- La maîtrise des risques SI en mettant en œuvre à tous les niveaux de l'organisation des contrôles de conformité (réglementaire, juridique, fiscale), une politique de sécurité et une gestion des risques environnementaux.
- La logistique SI par la mise en œuvre de stratégies immobilières (ex. green computing), d'achat (fournisseurs stratégiques) et de sourcing (x-shoring, cloud computing...).
- Le capital relationnel SI par la mise en place d'une communication fluide et enrichissante en interne mais aussi avec l'extérieur (fournisseurs, communautés d'usagers...).
Par exemple par des outils de type collaboratif ou de réseautage social (entreprise 2.0).
La valeur d'usage du SI quant à elle est par définition étroitement liée à la stratégie et aux priorités métiers (tant ceux du cœur d'activité que ceux des fonctions centrales RH, Finances, Risques, Achats...), mais aussi à la tactique de l'organisation à un moment donné, et ne peut donc être décrite de façon générique. Elle présente cependant des caractéristiques fortes : · Elle ne peut être appréciée que par rapport à une notion de valeur métier dont elle n'est qu'une des composantes. Elle doit donc être évaluée à partir d'indicateurs métiers eux-mêmes définis à partir des leviers stratégiques qui figurent dans la matrice de la valeur. · Dans certaines circonstances, la performance effective (celle qui a un impact réelle sur la performance de l'entreprise) peut être non pas celle mesurée en interne mais celle perçue par des parties prenantes majeures, ce qui rend complexe son évaluation réelle pour l'organisation. La perception interne doit donc être complétée par des études de la perception externe (enquêtes de satisfaction, d'image...).
La valeur d'usage du SI est celle qui participe le plus directement à la performance de l'organisation puisque c'est elle qui permet la mesure de l'atteinte des objectifs. Pour autant, le soin apporté à la constitution et à l'entretien du patrimoine SI est fondamental car le patrimoine supporte l'usage du SI dans le temps, et ne pas le laisser péricliter mais au contraire l'améliorer en le gérant dans les règles de l'art est l'une des tâches fondamentales du DSI.
Il apparaît donc que pour participer pleinement à la performance de l'organisation, le SI doit être vu dans sa globalité.
Evaluer la performance pour la piloter
Evaluer l'impact du SI dans la performance d'une organisation est donc une opération complexe, et d'autant plus que ces organisations n'ont pas intégré le SI au même niveau de préoccupation par rapport à leur coeur d'activité, leur vision stratégique et leur gouvernance
Pour celles chez lesquelles le SI est considéré comme un outil stratégique, l'évaluation de la performance SI est intégrée au processus de pilotage de leur performance globale dont les principales étapes sont résumées ci-dessous :
L'ensemble de ce processus forme une boucle continue dont le but est de guider au mieux le pilotage du SI dans la création de valeur globale pour l'organisation.
2 : Dans ce texte, le concept d'organisation sera utilisé pour regrouper sous un même vocable tout organisme utilisant un SI, que ce soit une entreprise économique, une administration, une collectivité, une association...
3 : cf. en particulier ceux du CIGREF (www.cigref.fr)