Le sans contact / NFC mobile : un autre mirage technologique ?

Le sans contact c'est d'abord un usage simple : présentation d'un support devant une borne avec comme fonctionnalités principales l'accès à un lieu, une transaction de paiement ou la diffusion d'information. Il est déjà présent dans notre vie quotidienne à travers des exemples comme le pass Navigo de la RATP ou les badges d'accès aux bâtiments.

Le sans contact, c'est aussi une technologie, en l'occurrence  plusieurs technologies dans la catégorie des protocoles de communication radio à courte distance : Bluetooth, RFID, NFC,... Le NFC est la technologie qui a été standardisée au niveau mondial et qui présente le plus de potentiel de développement à long terme. Alors, si le sans contact existe déjà, pourquoi tant de communication autour du sans contact mobile ?
 
L'utilisation du téléphone mobile comme support de services sans contact permet d'envisager le développement d'usages multiples dans différents secteurs (marchands ou non), tous intégrés dans un même support : le téléphone mobile. En effet, les caractéristiques techniques, l'ubiquité et la nature personnelle du téléphone mobile en font un support idéal pour héberger de nombreux services aujourd'hui fournis par différentes cartes ou d'autres supports. Pour les usagers/ consommateurs, le premier bénéfice sera le caractère pratique d'utiliser son téléphone mobile pour effectuer des opérations courantes du quotidien.

Nouveau canal de distribution et de communication
 
Pour les entreprises, le téléphone mobile enrichi de la technologie sans contact offre également de nombreuses opportunités : nouveau canal de distribution et de communication, nouvel instrument de paiement, nouveau support de la marque et de la relation client avec des attributs uniques notamment en terme de la localisation et d'ubiquité de l'usage et/ ou de l'interaction avec le client final.

Mais dans le domaine des prévisions de développement en masse de nouveaux usages de consommation, les exemples récents de la 3G/UMTS et de Monéo n'amènent-ils pas à tempérer les ardeurs des différents acteurs qui promettent encore une fois le graal technologique ?

Cette question est absolument pertinente car comme vous le soulignez justement l'histoire nous a montré que les promesses strictement technologiques arrivent rarement à créer un marché de masse, source de valeur pour les consommateurs et pour les acteurs économiques impliqués.
 
La promesse de performance technologique n'a pas été tenue

Si nous prenons l'expérience de la 3G/UMTS, elle a été instructive à plusieurs titres : la promesse de performance technologique n'a pas été tenue car les premiers utilisateurs ont été vite déçus, la gamme de terminaux compatibles et pouvant garantir une expérience client agréable a été pendant longtemps limitée, les consommateurs ne percevaient pas d'usages nouveaux pouvant justifier une migration à prix fort vers la 3G, les prix des offres data 3G étaient plutôt dissuasifs pour une adoption en masse. Les opérateurs télécoms ont donc pris conscience de facteurs clés nécessaires à une adoption de nouveaux usages que sont l'identification et la capacité à réaliser une expérience client attractive, la disponibilité de terminaux compatibles, la nécessité d'un modèle économique adéquat. Ils sont donc très vigilants dans leur approche sur le développement d'offres de services mobiles sans contact.
 
Il en est de même pour les banques et distributeurs qui veulent s'assurer que le mobile sans contact ne sera pas un autre Monéo ; ce dernier ayant accumulé les défauts d'être peu intuitif pour les consommateurs, de ne pas réduire, voire parfois d'allonger le temps de transaction, de ne pas rencontrer l'adhésion en masse des commerçants.
 
Dans ce contexte, les différentes instances d'expérimentation et d'échange autour des services sans contact mobiles visent entre autres à ne pas répéter les erreurs du passé.
 
L'état d'avancement de la France et des pays européens
 
Après une phase de pilotes et expérimentations démarrée en 2006, les grands acteurs français des télécoms, de la banque, du commerce, des transports travaillent en ce moment à définir leur stratégie d'entreprise par rapport à ces services. Les questions principales sont : Quelle niveau de leadership sur le sujet (pionnier, suiveur) ? Comment s'intègre le mobile sans contact dans les métiers existants (nouveau canal, éléments différenciant, services spécifiques) ? Quel impact sur le modèle d'affaire de l'entreprise (B2C, B2B2C) ?
 
Par rapport à cette dernière question, la question du ou des modèles de collaboration entre les différents acteurs de l'écosystème reste entière et fondamentale. En effet, les rôles et responsabilités des uns et des autres dans la chaîne de valeur de service, ainsi que les modèles de revenus associés doivent faire l'objet de négociations et de compromis, tout en essayant d'optimiser l'expérience client. Malgré la mise en place par le gouvernement en mai 2008 du Forum des services mobiles sans contact l'aboutissement à un accord sur le modèle économique est loin d'être garanti ; les positions des opérateurs télécoms, des autres fournisseurs de services (banques, opérateurs de transport, distributeurs, autres), des industriels (constructeurs de terminaux, encarteurs) restant très éloignées. Les difficultés persistantes d'identification d'un modèle économique pour la TMP, Télévision Mobile Personnelle, est une illustration de la difficulté de faire converger les intérêts économiques d'acteurs de différents domaines d'activités. Une approche plus volontariste et/ ou avec des objectifs (interopérabilité, richesse des nouveaux services,...) moins ambitieux de la part de l'Etat sera peut-être nécessaire, dans un premier temps, dans les deux cas afin d'apporter les arbitrages nécessaires.
 
Il est à noter néanmoins que la situation en France est plus favorable que chez nos voisins européens. La structure économique centralisée de notre pays, caractérisée par une forte concentration de l'activité marchande et de services sur quelques grands groupes nationaux, permet la mise en place des instances d'échanges en vue d'une structuration de l'écosystème du sans contact mobile, avec comme recours ultime l'Etat. Les environnements commerciaux sont plus concurrentiels et plus complexes dans les autres pays ; ce qui explique leur intérêt particulier par rapport aux résultats du modèle mis en place en France pour le sans contact mobile.  Si la France est légèrement en avance, ce qui se passe dans les autres grands pays européens a également son importance pour la France à cause de la problématique de disponibilités des terminaux mobiles NFC. En effet, il faut une demande à l'échelle d'au moins les grands pays d'Europe Occidentale pour justifier un investissement significatif des constructeurs de téléphones dans des gammes de terminaux NFC. Il est donc important que les grands marchés européens avancent tous suffisamment dans la structuration de leurs écosystèmes des services sans contact mobiles.
 
Un pré-requis important est en train d'être levé avec l'amorçage par les grands distributeurs français d'investissement dans des terminaux de paiement électronique compatibles NFC dans leurs magasins et le lancement d'offres de cartes de paiement sans contact. Le déploiement d'infrastructure de paiement à base de carte sans contact et l'adoption par les consommateurs d'usage de paiement et de billettique (notamment dans le transport) sans contact à base de cartes peuvent jouer le rôle de catalyseur pour le développement de services mobiles sans contact.

Pénétration en masse à horizon 2014-2015
 
Notre estimation la plus réaliste table sur une pénétration en masse des services mobiles sans contact à horizon 2014-2015. Le chemin critique est constitué à ce stade par la vitesse de disponibilité en volume conséquent et gamme suffisamment riche de terminaux compatibles ; ce chemin dépend comme indiqué précédemment de la structuration dans les grands pays développés d'écosystèmes viables. D'ici là, il n'est pas exclus que les délais soient suffisamment longs pour favoriser l'émergence d'innovations alternatives et intermédiaires combinant une technologie sans contact et les téléphones mobiles traditionnels et permettant des usages proches de la vision cible des services mobiles sans contact.