Empreinte numérique : la nécessité d'un indice consommateur efficace

En créant des outils et des services virtuels, on a oublié que l'univers numérique, en forte croissance, est en fait très matériel, et donc très impactant sur notre environnement.

Nous vivons dans un monde qui puise dans la nature, sans forcément la respecter. Nos écosystèmes sont devenus des environnements artificiels. Les sciences nous ont permis d’acquérir des technologies ou des pratiques très éloignées des fondements originels de la Nature. Nous avons gagné en progrès, mais non sans conséquences. Il est difficile de prévoir l’avenir, mais un constat s’est imposé : notre empreinte sur la planète est trop lourde. Et la filière numérique a sa part de responsabilité.

Beaucoup de causes majeures ont déjà été pointées du doigt, et certaines actions, probablement trop peu, ont été engagées. Par exemple, la voiture a été l’une des premières cibles : polluante, créatrice de gaz carbonique, elle est aujourd’hui en train de devenir électrique ; ce qui aurait pu être une solution si l’électricité était propre et décarbonée. Aujourd’hui, on pointe de plus en plus du doigt le monde numérique comme en témoigne le récent rapport du Sénat sur la nécessité d’une transition numérique écologique. En créant des outils et des services virtuels, on a effectivement oublié que cet univers numérique, en forte croissance, est en fait très matériel, et donc très impactant sur notre environnement. Production de smartphones, d’ordinateurs, de serveurs, de réseaux, tous très consommateurs d’électricité et de matériaux rares. Sans oublier la consommation de services en ligne massive, avec des taux de croissance impressionnants.

Le numérique doit faire sa transformation écologique

Comme pour la plupart des technologies qu’il faut améliorer, Il y a trois champs d’action à considérer : la fiscalité (le domaine du politique), l’évolution technologique (le domaine des offreurs de solutions) et la décision personnelle (le domaine du libre arbitre). Il est devenu évident que notre société qui a comme priorités la sécurité au sens large, la santé, l’éducation et l’économie doit désormais construire et appliquer un projet de société éco-responsable. La protection de notre environnement est devenue une urgence prioritaire qu’on ne peut plus négliger. La fiscalité doit pouvoir sanctionner lourdement les industries carbonées et encourager la vertu écologique. Et pour que les évolutions technologiques aillent dans le “bon sens”, la fiscalité peut être punitive ou incitative.  Elle peut prendre la forme de normes de régulation (comme les émissions de CO2 sur les véhicules par exemple), elle peut passer par la loi (comme une garantie constructeur minimale, ou l’interdiction de produits jetables), ou par l’engagement volontaire des sociétés privées qui adoptent de plus en plus des démarches vertes par choix philosophiques. Tous ces sujets sont déjà à l’ordre du jour à l’image des propositions de la Convention citoyenne pour le climat. Mails il reste le champ d’action le plus important à mes yeux : changer les habitudes, les comportements, les choix. Et pour cela, il faut connaître, comprendre et adhérer. Ainsi on peut adopter des nouvelles pratiques en conscience. L’information du consommateur s’est développée ces dernières années, concernant le matériel et sa consommation énergétique, ou la nourriture et sa qualité, son origine et sa provenance.

De l’urgence d’informer le consommateur numérique

Qui sait que regarder une série sur une plateforme est bien moins impactant quand on le fait en wifi qu’en 4G ? Qui comprend vraiment qu’écouter de la musique sur une plateforme vidéo (sans regarder la vidéo) est très énergivore par rapport à une plateforme de streaming de musique ? Et qui a conscience que les recommandations, parfois inutiles, qui sont systématiquement présentées sur les plateformes d'e-commerce sont issues de systèmes de machine learning longuement entraînés et très gourmands en capacité de calcul en continu ? Il devient évident que le monde du numérique doit faire sa propre révolution et offrir transparence et choix. Si je suis tout à fait d’accord pour "augmenter" un chirurgien avec une technologie d’IA coûteuse et consommatrice pour sauver des vies, je le suis beaucoup moins quand un service en ligne utilise des technologies très impactantes pour me proposer des recommandations dont je n’ai pas besoin. En créant le rapport de France Digitale sur l’IA et la Data, afin de présenter à notre Commission européenne des propositions pour permettre l’émergence d’un écosystème européen de pointe, tout en garantissant la confiance et l’accès aux données, nous avons envisagé l’idée de la systématisation d’un indice d’impact. Pour nos réfrigérateurs par exemple, cet indice prendrait en compte la nécessité du service virtuel et son efficacité énergétique. Ainsi, nous, les utilisateurs, pourrions choisir les plateformes qui offrent les services les plus responsables. Ainsi, les offreurs de solutions seraient forcés de modifier leurs technologies ou les rendre ouvertement optionnelles (désactivation des recommandations par exemple) pour qu’elles soient compatibles avec les exigences environnementales. Je sais quand j’ai besoin d’une IA qui m’assiste, ou non. Et notre comportement (écologique) peut faire bien plus, et bien plus vite que toutes les fiscalités ou régulations complexes. De l’information à la décision, nous agirons en conséquence.