2021 : l'année du workflow automation

2021 : l'année du workflow automation Start-up ou géants du numérique comme Microsoft et Salesforce… De nombreux acteurs se positionnent sur le marché très prometteur de l'automatisation des flux de travail. Les grandes manœuvres ont commencé.

L'hyper-automatisation fait partie, selon Gartner, des neuf tendances technologiques de 2021. Pour le cabinet d'études, plus de question à se poser. Tout processus automatisable doit l'être grâce à l'apport de l'IA et du RPA (pour robotic process automation). Une tendance de fond qui s'est fortement renforcée avec la crise de la Covid-19. Les entreprises sont non seulement à la recherche de gains de productivité mais souhaitent remettre à plat leurs processus IT métiers vieillissants, coûteux à maintenir et reposant sur des briques hétérogènes. Assistant manager et principal analyst chez ISG, Amar Changulani confirme. "La pandémie a conduit à un examen soudain et généralisé des processus opérationnels existants, dans le but d'identifier les goulots d'étranglement tels que les lourdeurs administratives ou la dépendance à des traitements manuels. Ce passage en revue a conduit les entreprises à envisager des solutions d'automatisation des flux de travail", reconnait-t-il.

7,17 milliards de dollars en 2020

La montée en force du workflow automation comme le qualifient certains experts coïncide aussi avec deux autres avancées technologies. La première correspond aux plateformes low-code ou no code qui permettent de concevoir des applications sans recourir, ou très peu, à la programmation. La seconde, c'est l'APIsation des systèmes d'information. "Un système d'automatisation repose sur des robots logiciels qui vont traiter des tâches et lier des écrans entre eux. Toutefois, un workflow complet nécessite de faire appel à des applications internes et externes via des APIs", explique Khaled Ben Driss, directeur technique au sein de l'ESN tunisienne Wevioo.

Ainsi porté par l'innovation, le marché du workflow automation s'annonce prometteur. Selon une projection de MarketWatch, il devrait connaître une croissance moyenne annuelle de 13,4% sur la décennie, et passer de 7,17 milliards en 2020 à 25,22 milliards de dollars en 2030. Des perspectives qui aiguisent l'appétit d'une multitude d'acteurs qui avancent leurs pions sur le nouvel échiquier. Parmi eux, on retrouve les incontournables spécialistes du RPA, dont les leaders Automation Anywhere, Blue Prism et UiPath. Mais également des éditeurs historiques de la gestion des processus métier, ou BPM pour business process management, et de la gestion des dossiers (case management) comme Appian ou encore Pegasystems.

Workato et Indico, deux pépites prometteuses

Les géants du numérique ne sont pas en reste. Pour ne pas perdre pied sur ce marché, ils font évoluer leurs offres. C'est le cas de Microsoft avec Power Automate ou Salesforce avec Einstein Automate.

Enfin, des start-up viennent s'interposer en signant de belles levées de fonds. Mi-janvier 2021, Workato a bouclé un tour de table de 110 millions de dollars (de série D) pour un total cumulé de plus de 221 millions glanés auprès d'investisseurs depuis sa création en 2013. Une série d'opérations qui valorisent la société de Mountain View 1,7 milliard de dollars. La nouvelle licorne revendique plus de 7 000 entreprises clientes parmi lesquelles Autodesk, Broadcom, Intuit ou Nutanix.

Workato a mis sur pied une plateforme de développement no code / low code visant à faire dialoguer les applications existantes entre elles, partant du principe que la compartimentation des données et la fragmentation des processus opérationnels altèrent l'expérience utilisateur. L'entreprise californienne juge son approche plus simple et plus sûre pour automatiser des processus marketing, de vente, de finance, de RH ou d'informatique que de faire appel à un ensemble de technologies disparates (RPA, iPaaS, chatbots…) exigeant plusieurs équipes de spécialistes et créant, selon elle, des fragilités et des ruptures dans la chaîne de traitement.

Autre start-up américaine prometteuse, Indico a levé, elle, 22 millions de dollars lors d'une série B bouclée en décembre 2020, et 36 millions au total depuis sa création en 2014. Basée à Boston, elle se positionne sur ce qu'elle appelle l'intelligent process automation (IPA). Sa plateforme cloud recourt à l'intelligence artificielle, la reconnaissance optique de caractères notamment, pour extraire les informations pertinentes depuis des documents non structurés (PDF, Word, textes, images...) en vue d'automatiser in fine le traitement de dossiers de souscription ou analyser des réclamations de clients.

Les acteurs du RPA devant... 

Qui va sortir gagnant de cette bataille de l'hyper-automatisation ? Chaque typologie d'acteurs a, bien sûr, ses atouts. Pour Khaled Ben Driss, les pionniers du RPA devraient conserver leur avance, du moins à moyen terme. "Ils ont mis en place un écosystème d'experts et de partenaires mais aussi des programmes de formation et de certification à distance. Une fois le transfert de compétences opéré par l'intégrateur, cette appropriation du savoir-faire en interne est essentielle pour ajouter des fonctionnalités, maintenir les processus automatisés. C'est un gage d'autonomie, les robots logiciels devant évoluer avec le système d'information", souligne le directeur technique de Wevioo.

Le poids de l'existant pèse toutefois et les grandes entreprises qui évoluent dans un écosystème de technologies Salesforce ou Microsoft devraient se tourner vers leurs fournisseurs habituels. Khaled Ben Driss observe notamment la montée en puissance de Power Platform. L'offre de Microsoft réunit trois briques existantes : PowerApps, pour bâtir l'interface utilisateur, Flow, pour automatiser les processus et interconnecter les applications, et Power BI, pour analyser les données et les visualiser.

...les géants IT en embuscade

Pour l'heure, Power Platform se concentre avant tout sur les processus basés sur l'offre SaaS d'ERP et de CRM de Microsoft, Dynamics 365, et sur la suite de productivité Office 365 de ce dernier. Et ce, même si la solution prend également en charge des applications tierces. A l'avenir, elle devrait profiter de toute la force de frappe de la firme de Redmond. Sur ce point, Khaled Ben Driss fait un parallèle entre le marché de l'automatisation et celui de la messagerie collaborative. "Pour rattraper son retard sur Slack, Microsoft a créé son propre outil, Teams, avec le succès que l'on sait", rappelle-t-il.

"Salesforce devrait évidemment tirer parti du récent rachat de Slack"

Selon le CTO, la stratégie de Salesforce serait davantage défensive. Il s'agirait pour le leader du CRM de conserver sa base installée captive en parant l'offensive des pure player de l'automatisation. Chez ISG, Amar Changulani croit davantage à ses chances de prendre, au contraire, des parts de marché. A ses yeux, Salesforce réunit les différences pièces du puzzle à grand renfort d'acquisitions. Le géant américain peut "capitaliser sur l'intégration de MuleSoft (repris en 2018, ndlr) à son moteur Flow Orchestrator", maintient-il. Inscrite à la feuille de route 2021, Einstein Automate, la brique de RPA de l'éditeur, s'adosse à MuleSoft Composer pour intégrer des applications et flux de données tiers aux processus pilotés dans Flow Orchestrator. Selon Amar Changulani, "Salesforce devrait évidemment tirer parti du récent rachat de Slack". La plateforme de team messaging a démontré sa capacité à intégrer des applications tierces et à orchestrer des workflows grâce à une place de marché particulièrement riche.

Les autres géants du numérique se font plus discrets sur le marché du workflow automation. Au printemps dernier, AWS a dévoilé Amazon AppFlow, un service cloud d'intégration qui facilite le transfert de données entre ses briques S3 ou Redshift, mais également entre son IaaS et d'autres solutions SaaS comme Marketo, Salesforce, ServiceNow ou Zendesk. Du côté de Google, on met en avant Apps Script, un environnement low-code pour créer des applications d'entreprise ou encore pour automatiser et étendre les fonctionnalités de Google Workspace. A ne pas confondre avec Google AppSheet Automation. Disponible a priori "au début du premier trimestre 2021", cette solution à base d'IA a pour vocation d'automatiser, sans code, des processus métier.

Du côté des historiques du BPM, Appian fait le choix de s'adresser aux équipes de la DSI qui croulent sous les demandes des directions métiers. L'éditeur américain a présenté, début décembre, une nouvelle version de sa plateforme d'automatisation qui entend unifier tout à la fois RPA low-code, gestion des processus métier, case management et l'intelligence artificielle. Le britannique Pegasystems fait un choix identique en réunissant l'ensemble de ces briques dans son offre.