Comment adapter les méthodes agiles au travail hybride

Comment adapter les méthodes agiles au travail hybride Comment les daily scrum meeting s'organise-t-il à distance ? Comment s'outiller pour prendre en compte la configuration du télétravail ? Quid du management ? Le point.

Pourtant décrié par une majorité de collaborateurs, l'open space a été longtemps le meilleur ami des agilistes. Tous les membres de l'équipe projet étaient physiquement réunis sur le même plateau. Ce qui nourrissaient les interactions et les échanges informels. Les personnes étrangères à l'agilité s'étonnaient de voir leurs collègues déplacer des étiquettes sur un paper board ou le mur en verre d'une salle de réunion. Ça, c'était la situation avant le Covid. La crise sanitaire a contraint les équipes agiles à adapter leurs pratiques et leurs rituels pour collaborer à distance en recourant à de nouvelles applications de collaboration. L'époque des confinements est aujourd'hui, on l'espère, révolue et lui succède une nouvelle organisation du travail en mode hybride, associant télétravail et présence sur site. Reste à savoir comment faire évoluer son outillage et ses modes de management pour prendre en compte cette nouvelle configuration.

Présentiel ou distanciel ?

L'hybridation est l'occasion d'une remise à plat des pratiques agiles et d'un arbitrage entre celles qui doivent être maintenues en présentiel et celles éligibles au distanciel. Product owner chez BPCE Solutions informatiques, Loïc Bruyelle a réalisé un brainstorming en interne pour aborder cet enjeu. Les discussions ont accouché d'une matrice qui identifie, pour chaque événement, quel est le mode le plus approprié entre le présentiel, le distanciel, le mode mixte ou tout autre format possible. Alors que les daily scrum meetings peuvent être pratiqués de façon mixte, les rétrospectives de fin de sprint sont, elles, envisagées sur site.

Une organisation intelligente consiste aussi à faire le distinguo entre la recherche de productivité et la quête de relationnel en alternant les tâches faisables en télétravail nécessitant une réflexion individuelle et de la concentration, et les activités collectives faisant appel à la créativité et à la coopération. Pour Olivier Devin, partner conseil RH chez Sopra Steria Next, il s'agit avant tout faire preuve de pragmatisme. "Les entreprises ont signé des accords de télétravail mais il est délicat d'imposer un cadre trop rigide aux jeunes actifs de la génération Z", souligne-t-il.

Selon lui, il est difficile d'ordonner que telle journée soit effectuée en présentiel et telle autre en distanciel. "Pour autant, il est évident qu'il est plus simple de faire les daily meeting en présentiel. Une piste possible est de proposer quelques daily meeting en présentiel pour renforcer le rituel", recommande-t-il. Manager des personnes pour certaines en présentiel et pour d'autres en distanciel peut toutefois vite devenir un enfer si on ne fixe pas quelques règles de jeu. "Il est, par exemple, possible d'organiser une rotation des collaborateurs présents au bureau, dans une logique de maintien du lien, de l'appartenance et de l'esprit d'équipe", poursuit Olivier Devin.

"Le travail en mode hybride met en difficulté les managers qui n'auraient pas anticipé sa mise en œuvre"

Pour les meetings agiles réunissant beaucoup de participants, comme les PI Plannings du framework SAFe, le présentiel est préconisé. "Ce sont des passages pivot d'un projet", rappelle Olivier Devin. "Il est important de ritualiser ces moments qui font sens. Non seulement, c'est plus efficace pour la conduite de projet mais les équipes ont plaisir à se retrouver. On gagne sur les deux tableaux."

Entre ces différents rituels, le manager peut caler des points en one-to-one d'une quinzaine de minutes pour s'assurer du bon engagement des différents membres de son équipe et détecter d'éventuels signaux faibles de démotivation. "Il doit s'enquérir des conditions d'exercice du télétravail", complète l'expert. "Est-ce que son home office est bien équipé ? Nous ne sommes plus à l'époque particulière du confinement forcé, le télétravail doit s'exercer avec tout le confort souhaitable."

Le rôle du manager renforcé

Pour Olivier Devin, l'hybridation ne change pas les pratiques de l'agilité, elles les renforcent mêmes. En revanche, elle peut mettre en évidence des carences dans le management. "Le travail en mode hybride met en difficulté les managers qui n'auraient pas anticipé sa mise en œuvre", prévient le consultant. L'hybridation nécessite, selon lui, un besoin accru de leadership et d'accompagnement. "Un scrum master profitera de ce changement d'organisation du travail pour rappeler les principes de l'agilité. Il doit aussi veiller à constituer une équipe et non un groupe où seuls ceux qui parlent fort se font entendre. Si le cadre est bien posé, l'équipe va s'auto-réguler pour que chacun de ses membres puisse prendre la parole", argue Olivier Devin.

Il s'agit aussi de tirer des enseignements de la crise sanitaire où un certain nombre de dérives ont eu lieu avec des plages de travail à rallonge et une tendance à la réunionite. "Le manager doit rappeler quelques règles d'hygiène au travail avec des horaires cadrés, des réunions en nombre limité et pas à des heures indues", conseille Olivier Devin.

De même, les bonnes pratiques issues de la pandémie peuvent perdurer comme l'activation systématique de la caméra pour capter un minimum de communication non verbale. A défaut, il convient de rappeler qu'il existe des fonds visuels permettant de masquer l'intimité de son domicile. Certaines équipes ont aussi mis en place la météo du jour ou un mur d'humeur pour signifier l'état d'esprit du moment de chaque participant.

Piloter des objectifs et non des tâches

Au niveau de l'outillage, la crise sanitaire a dû permettre de sélectionner une solution de visioconférence parmi les Zoom, Microsoft Teams, Google Meet, Whereby ou Cisco Webex. Autres outils devenus indispensables : les plateformes de management visuel de type Klaxoon, Mural, Miro, Stormboard ou iObeya.

Les agilistes retrouveront, dans ces espaces collaboratifs persistants, les tableaux en mode Kanban, les murs virtuels d'étiquettes ou le fameux burndown chart qui représente graphiquement la quantité de travail restant à faire au cours d'un sprint. "Il serait faux de penser que les outils vont tout régler et encadrer automatiquement les pratiques agiles", tempère Olivier Devin. "Ils restent un support et non la finalité. Le manageur pilote des objectifs et non des tâches."

Enfin, l'hybridation conduit à un réaménagement de l'espace de travail. "Autrefois, les collaborateurs cherchaient des salles pour s'isoler. Aujourd'hui, ils viennent au bureau pour échanger", poursuit Olivier Devin. Une entreprise se doit donc de proposer une grande variété de formats entre les salles de réunion dédiés au brainstorming et les espaces de convivialité pour les échanges informels.