Tech BtoB : surmonter l'incertitude par des approches plus granulaires
Après des années d'euphorie, l'enthousiasme dont bénéficiaient les actifs technologiques BtoB est devenu plus mesuré, ces derniers mois.
Les valeurs de la tech suivent aujourd’hui deux tendances distinctes. Nous observons une correction importante des valeurs des sociétés technologiques dans son ensemble, qui s’est d’abord manifestée par la baisse des multiples de valorisation dans le secteur en général depuis T1 2021, et avec une vulnérabilité plus importante des sociétés liées aux secteurs cycliques (B2C, AdTech, etc.), tandis que d’autres sous-secteurs qui bénéficient d’une croissance importante et structurelle sont plus résilientes (Transformation digitale, Cyber-sécurité, Intelligence artificielle). Ces dernières bénéficient de dynamiques internes fortes, qui permettent à certains sous-secteurs de rester décorrélés des aléas conjoncturels. L’entrecroisement de ces deux tendances affecte la lisibilité du secteur, alors même que les chocs d’offre mettent sous pression les groupes les moins résilients.
Après des années d’euphorie, l’enthousiasme dont bénéficiaient les actifs technologiques BtoB est devenu plus mesuré, ces derniers mois. En sont responsables l’environnement économique difficilement lisible et bien sûr la hausse des taux d’intérêts, qui érode mécaniquement l’actualisation des cash-flows, à la révision à la baisse des anticipations de résultats et la rotation des investisseurs institutionnels vers des actions et secteurs á charactère défensifs. Ce contexte impose aux investisseurs une prudence accrue et une attention plus poussée aux perspectives de cash-flow sécurisé et d’EBITDA, et non plus aux seuls revenus. Cette prudence demandée des investisseurs a affecté les actions Tech en général, qui doivent réduire leurs coûts et investissement (Meta dans le Meverse par exemple) depuis une décennie. Beaucoup de sociétés tech ont pivoté, et ont réduits leur « cash burn », et bien souvent leurs perspectives de croissance en général.
Cette retenue concerne autant les acteurs domestiques que les grands fonds d’investissement américains, qui représentent bon an mal an près de 80 % des investissements sur le segment Growth de la tech européenne et qui rechignent désormais à s’engager dans de nouvelles opérations au profit d’un recentrage sur la gestion de leurs portefeuilles. Ainsi, en Q3 2022, les levées de fonds pour les sociétés technologiques en Europe se sont considérablement ralenties ( -50% pour les séries B, -75% pour les séries C par rapport aux trimestres précédents). En terme du nombre d’opérations bouclées, nous sommes également de retour aux chiffres avant 2019. De plus, les sociétés avec des profils financiers plus solides (EBITDA positive, cash burn fortement réduit) capturent une grande partie des fonds levés.
Faut-il y voir un phénomène nouveau ou le dégonflement d’une bulle spéculative, comme le secteur en a connu en 2001 et en 2008 ? La situation d’aujourd’hui est en réalité plus mesurée.
Un contexte de chocs divers et nuancés
La crise du Covid a en effet profité fortement au secteur de la Tech BtoB en accélérant la digitalisation des entreprises à chaque étape de leur chaîne de valeur. A ce titre, 90% des groupes affirment depuis l’apaisement de la pandémie vouloir mener des investissements en ce sens. D’un point de vue plus global, la technologie est également au cœur des grandes transformations à l’œuvre au sein de l’économie (transition énergétique, mobilité, souveraineté numérique…) avec en corollaire, un soutien (toujours) massif des pouvoirs publics, résolus à faire émerger des champions digitaux européens.
Les investisseurs dans la tech et les fonds spécialisés demandent néanmoins de plus en plus au sociétés cibles des preuves quant à l’industrialisation de leurs processus et la réalisation d’économies d’échelle. Des critères de productivité opérationnelle et financière sont redevenus prévalents, plutôt que les seuls prospectives de croissance des sociétés. Ce mouvement est sans doute nécessaire et utile sur le long terme.
Du coup, nous observons une pression plus grande pour les sociétés technologiques européennes pour fusionner. Certains acheteurs de technologie sont également (re)devenus plus actifs en 2022 et profitent des valorisations plus basses et de la concurrence moins importante de grands fonds tech pour acheter certaines cibles autrefois trop chères.
Les thèmes environnementaux, de souveraineté numérique et d’indépendance technologique européenne (ce qui n’est pas le cas aujourd’hui) deviennent de plus en plus importants. Nous voyons une nouvelle vague de sociétés européennes technologiques qui se positionnent sur ces thèmes, et ont du coup toujours un accès plus facile au financement.
Un retour nécessaire aux fondamentaux
Par ailleurs, certains secteurs parviennent à rester largement décorrélés des aléas conjoncturels. C’est le cas de la robotique, du web3, de la cybersécurité ou encore du New Space, dont l’hypercroissance repose sur des dynamiques internes largement acycliques. Dans ce dernier cas, le fort appétit des acheteurs non financiers compense opportunément la raréfaction des fonds.
Pour toutes ces raisons, la contraction des valorisations dans la Tech BtoB n’est pas le symptôme d’un abandon des investisseurs, loin de là. Elle représente plutôt un signal en faveur d’une approche plus granulaire de chaque modèle et des forces à l’œuvre au sein de chaque chaîne de valeur.