Dégraissage dans l’industrie IT indienne

Les récentes réorganisations et les recentrages dans les grandes SSII indiennes provoquent des vagues d'inquiétude pour des salariés qui, jusqu'alors, n'ont vu le secteur IT que comme un eldorado.

Les nouvelles se succèdent et ne sont pas bonnes. Surtout pour les employés les moins qualifiés qui voient s'éloigner les possibilités d'augmentation salariales à deux chiffres comme on les a connues ces dernières années, mais qui, encore plus, peuvent redouter les tests de performances auxquels on les soumet.

Après l'annonce par IBM d'un plan de licenciement de 700 personnes sur toute l'Inde, dont 150 sur Calcutta, c'est au tour de Tata Consulting Services (TCS) de reconnaître l'allègement de 500 postes. Ce sont surtout les débutants et les moins performants qui sont visés.

Les premiers chiffres qui sont annoncés maintenant semblent n'être qu'un petit début par rapport aux dizaines de milliers qui sont évoqués confidentiellement pour les mois à venir.

Les entreprises ont beau expliquer qu'elles se doivent d'élever leur niveau pour remonter dans la chaîne de valeur, il est facile pour les analystes de faire la corrélation avec les différentes évolutions observées ces derniers mois et dont j'ai fait largement état dans cette tribune.

Il s'agit donc bien de réagir face à la convergence de plusieurs facteurs.
D'abord, l'effet de ciseau d'une roupie forte et d'un dollar déliquescent. Ensuite, une amorce de récession aux Etats-Unis et les coupes budgétaires des projets informatiques. Enfin, la montée en puissance dans l'offshore IT de rivaux tels que la Chine, la Russie, le Brésil. 

L'industrie indienne entre en phase d'assainissement, il faut donc interpréter avec prudence ces mouvements qui n'ont rien à voir avec de la panique ou une récession. Depuis plusieurs années, les embauches se font à tour de bras, à tel point que les métiers de HR (ressources humaines) étaient aussi devenus des sources de débouchés importantes.

Les grandes sociétés, mais pas elles seulement, sur-embauchaient, créant ainsi des bancs d'attente sur lesquels pouvaient patienter longtemps des jeunes gens talentueux en vue de nouvelles opportunités. Les salaires s'envolaient d'autant plus que l'inflation locale était forte. Multiplier son salaire par trois ou quatre, voire plus en quelques années, est fréquent pour les belles carrières.

La pression sur les IIT (Universités de technologie) pour fournir des bataillons de software engineers était aussi forte que leur cruel manque de moyen. Par exemple, en janvier, le IIT de Mumbai annonçait l'impossibilité de payer le personnel d'ici trois mois.

Cette situation a contribué à amener sur le marché, par effet d'opportunité, de nombreux jeunes qui, sans penchant naturel pour la technologie, ont été formés dans des conditions difficiles et donc pas forcément efficaces.
 
Les sociétés de service indiennes ont tout à gagner de cet assainissement. Cette situation a bien été anticipée depuis des mois déjà, une bonne partie du travail à moindre valeur ajoutée est d'ailleurs lui-même mondialisée par les Indiens, y compris vers la Chine, ce qui semble être une stratégie intéressante d'intégration et de contrôle de la concurrence.

Les effets positifs se ressentiront par une meilleure stabilité du personnel, une surenchère salariale modérée, une formation plus ciblée vers l'élite, et une meilleure prise en compte du client et de ses exigences de qualité.

La loi du nombre qui est mise en avant jusqu'ici ne doit pas faire oublier qu'elle masque un peu trop un noyau important de compétences pointues qui ont attiré en Inde les sociétés occidentales les plus technologiquement avancées. Le coût n'explique pas tout.

Le virage vers l'Europe, France comprise, se confirme. Des bataillons de business développeurs écument les sites Web pour récupérer des contacts, et appellent en direct, en anglais, tant pis, des patrons de SSII françaises pour proposer un partenariat. 

Il faudra dans ce domaine que les sociétés indiennes réalisent que l'externalisation ne peut se limiter à fournir de la main d'oeuvre, il faut pouvoir comprendre les besoins du client et les exigences des projets, surmonter des barrières linguistiques et culturelles. Il y a à mon sens de belles opportunités pour des intermédiaires et consultants prêts à faciliter cette coopération internationale.