La biométrie : un objet d’étude complexe

Dans un contexte de généralisation de ce type d’applications, il nous semblait intéressant de contribuer au débat initié par le Credoc sur la perception des technologies biométriques.

Il est difficile pour un utilisateur de se projeter ou de se prononcer sur les usages de technologies qu’il n’a pas eu le loisir d’expérimenter, d’autant plus quand ceux-ci sont complexes. Dès lors, quantifier la perception d’une technologie comme la biométrie peut se révéler particulièrement délicat.
Dans le cadre du développement de son standard d’authentification forte, Natural Security a été amené à se pencher, dés 2008, sur les conditions d’utilisation et d’acceptation des technologies biométriques au travers d’études (tant quantitatives et qualitatives), d’expérimentations et de tests.

Appréhender la biométrie dans l’espace public

La première note du Credoc [1] sur le sujet est, à ce titre, révélatrice de la difficulté à appréhender une réalité complexe comme celle de la biométrie. D’autant plus quand on cherche à appréhender une perception en ne se basant que  sur la base de deux questions [2], dans le cadre d’une enquête omnibus, et donc insérées au milieu d’autres portant sur divers sujets sociétaux.
Différents biais peuvent donc surgir quand on cherche à questionner les utilisateurs sur leur perception de la biométrie. Car présenter la biométrie comme une collecte indifférenciée d’informations comme les empreintes digitales, la forme des yeux ou du visage, la voix, l’ADN[3] relève du parti pris de mettre sur le même plan des technologies aux usages, aux performances extrêmement diverses. D’autant plus que « ces informations permettent ensuite d’identifier des personnes ». Or, on connaît bien la sensibilité des utilisateurs sur ce sujet. Les études qualitatives réalisées lors de l’expérimentation menée en France, ont montré que l’utilisateur fait bien la différence entre une logique d’identification (je suis reconnu sans participer au processus) d’une logique d’authentification (je prouve que je suis bien la personne que je prétends être).
D’autres biais peuvent également surgir dans les choix proposés à l’utilisateur. Par exemple, dans la deuxième et dernière question[4], on demande aux utilisateurs de se prononcer sur 3 affirmations en même temps (la biométrie est sûre, elle permet d’éviter la fraude, son utilisation ne me pose pas de problème) qui peuvent être contradictoires, voire appréciées différemment et sans lien logique.
De même, « utiliser vos empreintes digitales pour vous identifier dans les actes de la vie courante peut vous faciliter la vie mais vous devez avoir le choix de le faire ou non ». Quid de celui qui ne souhaite pas être identifié (mais s’authentifier) et souhaite se simplifier la vie en utilisant une autre technologie comme par exemple le réseau veineux ?

Des questions clés qui demeurent en suspens

La diffusion annoncée des technologies biométriques, notamment sur les téléphones mobiles, rend urgente la mise en place d’un programme d’études afin d’étudier la perception et l’acceptabilité de celles-ci. Ce programme permettrait d’étayer une approche plus globale englobant différents aspects comme l’évaluation et la certification ainsi que l’éducation.
Cette première étude réalisée par le Credoc doit ainsi être complétée par des études appréhendant la biométrie dans ses différents éléments constituants. Ainsi concernant les modalités, quelles sont celles qui paraissent envisageables, dans quels cadres, dans quelles implémentations et pour quels usages ?
Sur ce dernier, il paraît primordial d’étudier l’application de ce type de technologie en remplacement des login/password mais aussi pour la signature électronique ou les transactions sécurisées et ne pas simplement se limiter à l’accès à l’ordinateur.
Concernant la perception à proprement parler de la biométrie, un travail de fond doit également être réalisé pour préciser et appréhender les représentations liées au « risques pour la vie privée ». La notion de consentement (quelle forme doit-il prendre ? qu’implique-t-il ? est-il dépendant d’un cadre particulier ?) est également une question fondamentale à explorer.


[1] Les Français se montrent réservés sur l’usage de La biométrie dans la vie quotidienne. Recherche du CRÉDOC; mai 2013 ; n°291
[2] idem, page 36
[3] idem page 6
[4] « Utiliser vos empreintes digitales pour vous identifier dans les actes de la vie courante est une méthode sûre qui évite la fraude et les usurpations d’identité et ne vous pose pas de problème particulier »