Le Big Data géospatial au service des smart cities

Tout le monde a intérêt à ce que les villes deviennent plus "intelligentes". Les maires et les conseillers municipaux sont tous conscients du fait que rendre leur ville plus smart est essentiel pour son développement et l'amélioration de son cadre de vie.

Selon l’ONU, 54% des personnes dans le monde vivent dans une ville, dont la moitié dans des villes de moins de 500 000 habitants. Dès lors, comment ces acteurs peuvent-ils collecter et exploiter les informations nécessaires pour créer une ville intelligente ? Il y a toujours quelque chose qui se passe quelque part et les connexions nécessaires pour rendre les villes plus smart ne peuvent exister qu’à condition de pouvoir localiser précisément chaque objet. La base de tout programme de ville intelligente est avant tout de disposer d’informations géospatiales valides provenant d’une source unique et fiable.

L'ONU a déclaré dans un récent rapport[1] que « les villes sont l’endroit où la bataille pour le développement durable sera remportée ou perdue ». Dès lors, comment les villes abordent-elles cette transformation ? Beaucoup commencent par des projets isolés, de tailles gérables. Par exemple, la ville de Stockholm a équipé ses taxis de capteurs qui fournissent des informations sur les flux de trafic ; ces informations peuvent être converties en données relatives aux temps de parcours ou aux recommandations sur les options de navettage. De même, les données des points de péage peuvent être réinterprétées pour gérer le flux de la circulation aux heures de pointe.

Schaerbeek, une des plus grandes communes de Belgique, est arrivée en finale du Bloomberg Philanthropies Mayors Challenge 2014[2]. Cette commune est célèbre pour son architecture du XIXe et du début du XXe siècle qui, tout en étant remarquable et très esthétique, peut s’avérer chère à chauffer. Le projet novateur de Schaerbeek proposait de faire voler, au-dessus de la ville, des drones équipés de caméras thermographiques pour enregistrer les émissions de chaleur. Les données recueillies seraient analysées à l’aide du logiciel Elyx 3D de 1Spatial, pour créer une carte tridimensionnelle complète des émissions de chaleur à travers Schaerbeek. Les lectures thermiques géo-positionnées seraient alors combinées aux informations provenant du registre de propriété de la commune pour faire des recommandations tarifaires personnalisées à ses 130.000 habitants afin qu’ils puissent efficacement isoler leurs logements. Accessibles depuis un site sécurisé, les mesures recommandées (telles que l’isolation des combles ou le double vitrage) amélioreraient l’isolation tout en respectant l’architecture de la commune.

Dans le comté de Moorabool, en Australie, le conseil municipal exploite un système basé sur des données géospatiales, à savoir une plateforme où sont enregistrés et géolocalisés 17.000 animaux de compagnie. Si un chien errant est trouvé, les garde-forestiers peuvent accéder au système via un ordinateur portable ou une tablette et faire une recherche par race ou couleur pour tenter de retrouver le propriétaire. Les habitants locaux ont même la possibilité d’appeler directement les employés du comté qui peuvent, eux aussi, accéder à la plateforme et réunir l’animal et son maître sans l’intermédiaire du garde-forestier. Le comté combine également des informations tierces avec sa base de données et donne accès à ce patrimoine à la fois au conseil municipal mais aussi au grand public.

Un des principaux défis auxquels font face les villes modernes concerne l’accroissement très rapide de la quantité des données géospatiales. En effet, en complément des informations spécifiques de localisation, les systèmes peuvent aussi avoir besoin d'intégrer des informations 3D, des données relatives aux habitations, des informations provenant des citoyens ou des données  historiques.

Dans un contexte de données spatiales, chaque information est très vaste : chaque entité interagit avec ses voisins, chaque bâtiment a son emplacement, son empreinte, sa forme et sa fonction. La nature tridimensionnelle des villes entraîne une forte augmentation de la quantité de données. Sur un même point géographique peuvent s’empiler les données relatives au réseau du métro, aux bureaux et maisons, et peut-être à un éventuel jardin suspendu.

Les données géospatiales peuvent également inclure les codes postaux, l'emplacement d'un feu de circulation ou les coordonnées GPS d'une image prise avec un smartphone. En outre, les conseillers municipaux peuvent vouloir ajouter des informations sur les habitants telles que celles relatives aux listes électorales ou aux registres de taxes. Les citoyens peuvent également fournir des données : pour exemple, le site anglais http://www.fillthathole.org.uk/ utilise les citoyens comme des capteurs pour obtenir des informations sur l'état des routes locales.

Une autre information très utile, mais qui contribue également à l’accroissement de la quantité des données géospatiales qui risquent dès lors de devenir ingérables, concerne les données historiques. Un bâtiment, un rivage ou un marais ne sont pas éphémères. Ils ont chacun une histoire qu’il peut être utile d'analyser. Par exemple, les schémas des crues historiques peuvent être très intéressants pour les conseillers municipaux qui doivent décider de la meilleure façon d’allouer les budgets de prévention des inondations. Mais pour ce faire, ces données doivent être précises et non polluées par des couches d’informations non pertinentes.

Ces différentes formes de données contribuent toutes à relever le défi d'atteindre le niveau de précision requis et ce, dans un environnement collaboratif. Une solution consiste à définir une qualité de référence, évaluée automatiquement, et à produire les métadonnées associées. Si les autorités en charge des données géospatiales peuvent publier la qualité connue des données, les organismes gouvernementaux, l'industrie et les consommateurs sauront alors de quelles manières les utiliser.

Créer un ensemble de données fondées sur des règles, une source unique et fiable, implique que les contributeurs – dont les consommateurs utilisant une application sur smartphone ou tablette – doivent aussi être à même de savoir si les données qu’ils ont soumises sont conformes à la norme requise. Cette démarche représente une évolution majeure par rapport à la procédure traditionnelle qui consiste à acquérir des données « telles quelles », pour souvent découvrir plus tard qu’elles ne sont pas adaptées à l’objectif fixé.

Ceci démontre la nécessité de réduire le facteur humain dans le traitement des données, ainsi que les niveaux de latence et les problèmes liés à la manipulation manuelle. Idéalement, seule l’utilisation étendue de techniques automatisées liées aux Big Data peut permettre d’échelonner la collecte, la validation et la compilation des données géospatiales et ce, de manière durable. Progressivement, la collecte automatisée de données via des capteurs et les data grids seront également utilisés pour nourrir des systèmes de « nettoyage » des données et des portails d'informations basés sur des règles, offrant des données exactes, à jour et anonymement sécurisées pour le public, prêtes à l’emploi pour l’e-gouvernement, l'industrie et les consommateurs.

Ces tendances représentent un défi majeur pour les dépositaires de données géospatiales et ceux en charge du développement des villes intelligentes. Ce qui sous-tend le succès d’une ville intelligente n’est autre qu’une source unique et fiable de données géospatiales, sur lesquelles d'autres couches d’informations pourront s’ajouter efficacement. Sur cette base, les conseils municipaux peuvent non seulement partager leurs données avec d'autres groupes concernés, tels que les sociétés de transport, d’utilité publique ou les organismes de santé, mais aussi offrir aux développeurs et aux entrepreneurs des informations à partir desquelles créer de nouveaux services innovants.

[1] A New Global Partnership: Eradicate Poverty and Transform Economies through Sustainable Development (2013).

[2] Source