Du “zéro email” à la “social collaboration”

Thierry Breton, PDG d’Atos, a lancé en février 2011 le défi d’éradiquer l'email des outils professionnels en trois ans. Quatre ans plus tard où en est-on ? Témoignage de Sarah-pearl Bokobza, Head of Global Internal Communication chez Atos.

Selon une étude réalisée par ExactTarget France, le premier réflexe matinal de connexion des deux tiers des internautes français serait d’ouvrir leur messagerie électronique et 65% consulteraient leurs mails toutes les 5 minutes au cours de la journée. Aux Etats-Unis, une étude du Pew Research Center menée auprès de plus de 500 salariés en septembre 2014 dévoile que 61 % des salariés considèrent l’email comme “très important” pour leur activité professionnelle. Que ce soit à la maison ou au travail, l’email reste le principal outil de communication. Pourtant, Thierry Breton, PDG d’Atos, a lancé en février 2011 le défi d’éradiquer l'email des outils professionnels en trois ans. Objectif ? Communiquer et travailler de façon plus efficace en se débarrassant du surplus d’emails considérés comme une perte de temps, une source de stress. Un programme qui a nécessité un véritable travail d’accompagnement des managers et des collaborateurs dont le rôle s’est vu profondément redéfini. Aujourd’hui, Atos aime à souligner les bénéfices de l’opération d’un point de vue “business” mais également son impact sur le bien-être des collaborateurs. Témoignage de Sarah-pearl Bokobza, Head of Global Internal Communication chez Atos. 

“Changer de paradigme, de comportement et de culture d’entreprise”
Le programme Zéro EmailTM est né chez Atos d'un constat simple, confirmé par une étude menée en interne auprès des collaborateurs : l'email pollue. Atos a donc naturellement abandonné l'email pour d'autres moyens de communication plus collaboratifs, notamment le réseau social d'entreprise, en rachetant blueKiwie, aujourd'hui partie intégrante de l'entreprise. “La culture “Zéro EmailTM” est très présente chez l’ensemble des collaborateurs mais on est plus aujourd’hui sur la social collaboration", explique Sarah-pearl Bokobza, Head of Global Internal Communication chez Atos. "On ne sera jamais Zéro EmailTM, ne serait-ce que parce que l’on reçoit des emails de l’externe et qu’il y a des mails légaux que l’on ne peut pas supprimer”, poursuit la responsable de la communication interne. “L’idée, c’est donc plutôt de réduire les emails internes, de développer d’autres moyens de communication et de fluidifier toute la communication à un niveau global et local'".

“Le programme Zéro Email™, ce n’est pas une question d’outil”, insiste Sarah-pearl Bokobza. "Quel que soit l’outil que l'on prend, c’est surtout un changement de paradigme, de comportement et de culture d’entreprise. Chez Atos, on a beaucoup travaillé sur les changements des comportements et on a eu la chance que le projet soit porté au plus haut niveau - par le président et les membres du Comex".

“Redonner confiance aux managers et aux collaborateurs”
Un  véritable travail d’accompagnement a donc été réalisé auprès des managers et des collaborateurs pour leur faire comprendre l'intérêt du Zéro Email™, sur le plan professionnel et personnel.

"L’un des vrais sujets c'était : 'Le manager dans tout ça, comment va-t-il se sentir ? Comment va-t-il vivre cette transversalité ?”, poursuit la responsable communication. Atos a donc créé plusieurs outils, dont une charte pour expliquer comment bien utiliser et gérer l'email. "Cette charte, appelée "Email etiquette" est également un véhicule de valeurs : la responsabilité et la confiance ; car trop d’emails envoyés le sont par le besoin de tracer, d’apporter la preuve, ce qui n’a plus de sens. La confiance est placée au cœur du dispositif". En plus de cette charte, le groupe a organisé des formations qui ont remis le manager au cœur de son rôle, en lui expliquant que les communautés n’étaient pas là pour lui enlever son pouvoir mais au contraire pour renforcer ses compétences de leader et lui permettre de mieux identifier des compétences au sein de ses équipes. “On les a rassurés sur le fait qu’avec le collaboratif, il y a de l’auto-censure et de la responsabilisation".

"Tout l’objectif du top management avec le Zéro Email TM, était de redonner confiance aux managers mais également aux collaborateurs. Avec ce programme, les collaborateurs reprennent leur pouvoir intrinsèque de communiquer et de s’exprimer. Ils doivent être proactifs, oser et prendre leurs responsabilités".

"Le RSE ne suffit pas, il faut le penser comme un écosystème”
Comme le rappelle Sarah-pearl Bokobza, le programme Zéro EmailTM, ce n’est pas que le réseau social. "Le RSE ne suffit pas, il faut le penser comme un écosystème. On a réfléchi en termes de cible, en mettant à disposition des outils avec une fonction bien définie : le blueKiwi (RSE) pour la collaboration, les projets, l’échange ; Lync pour le chat, la conversation, mais aussi la vidéoconférence, Sharepoint (plateforme de knowledge management) pour le stockage de contenus finalisés, et l’intranet  pour une communication plus top down”.
“Contrairement à ce que l'on peut penser, ce n’est pas trop d’outils car ils sont complémentaires, c’est une habitude à prendre. On réfléchit néanmoins à la création d’un hub, pour que le collaborateur ait accès à ces différentes plate-formes depuis la même frontpage. C’est un projet en cours".

“Le bien-être des collaborateurs est l'une des préoccupations majeures chez Atos”
“Le RSE doit avoir un réel intérêt pour l’entreprise”, rappelle Sarah-pearl Bokobza. Selon les chiffres de McKinsey, la “social collaboration”, c’est 10-20% de réduction de voyages grâce au  digital ; 10-15% de réduction des coûts de communication ; et 10% d’augmentation du chiffre  d’affaires. Mais au-delà de la business value, Atos souligne également les bénéfices pour le bien-être du collaborateur. Le programme Zéro EmailTM fait partie intégrante de l'initiative "Wellbeing@work" (bien-être au travail, ndlr). Ainsi, sur le RSE, le Groupe n’empêche pas la création des communautés d’intérêt “loisir” sur la cuisine, le foot, etc. “Tout le monde sait qu’aujourd’hui, il y a une fine frontière entre l’interne et l’externe. Ici, le rôle du réseau social, c’est aussi de fédérer les collaborateurs et de favoriser le bien-être au travail. Il y a toute une série de sujets annexes qui ne sont pas business oriented mais qui marchent très bien car les collaborateurs sont heureux de pouvoir échanger dessus et tout cela contribue au bien-être au travail".
"Par ailleurs, le collaborateur est plus heureux car il n'est plus déconcentré par trop de mails. Le RSE va lui permettre d’avoir une meilleure organisation et de gagner un temps considérable. Cela va également impacter positivement son équilibre vie privée/vie personnelle. Il va retrouver confiance dans sa valeur ajoutée dans l’entreprise, dans son expertise, ce qui est un des objectifs initiaux du programme. In fine, il n’est plus seul avec son manager et son environnement. Il va créer des relations multiples qui vont l’accompagner dans ses projets".

La “social collaboration” s’accompagne également d’une montée de nouvelles pratiques comme le télétravail. “Chez Atos, le télétravail est quelque chose de très intégré : Atos compte 38 000 télétravailleurs  fin 2014. Il repose sur la confiance. Une fois les craintes levées, chacun s’est aperçu des bénéfices. Pour en faire régulièrement, je tiens à dire que je suis bien plus productive à la maison”, confie Sarah-pearl Bokobza.