Culture d’entreprise et open source : comment identifier et faire grandir la valeur du développeur ?

Dans un contexte où la capacité à proposer des applications de plus en plus performantes est devenue un avantage compétitif, transformer la culture des entreprises constitue l’un des obstacles majeurs à la transformation digitale.

Le "code", mot tabou autrefois réservé aux geeks, est devenu un élément central dans la création de valeur d’une entreprise, faisant passer le développeur d'un statut d'exécutant à faible valeur ajoutée à celui d'acteur clé. Pour opérer ce changement crucial, il faut répondre à des questions de plus en plus complexes : où trouver les talents ? Comment les attirer ? Quelles méthodes de travail leur proposer, et avec quels outils ?

Remettre le développement au cœur de l'informatique

Un constat majeur vient appuyer ce changement de paradigme. Avec une pression constante pour réduire les budgets, les entreprises ont pour objectif de concentrer les investissements sur les activités à forte valeur ajoutée : le ratio "Coûts de codage = 50% du coût total projet" est devenu la nouvelle norme  pour permettre de délivrer la valeur ajoutée attendue au bon moment.

Le développeur, désormais responsabilisé, devient le catalyseur de l’innovation par sa faculté à introduire de nouveaux éléments technologiques et culturels. L’essor de l’Agile et du DevOps lui accorde une plus grande autonomie ainsi qu’une relation plus directe et constructive avec la maîtrise d’ouvrage. La discussion est asynchrone, sans intermédiaire et s’effectue dans l’environnement du développeur, au plus près du code, faisant ainsi l’économie de changement de contextes et de dispersion de l’information. Du temps de développement est ainsi redonné au développeur.

A cela s'ajoute une prise de conscience que les collaborateurs dont le développement n'est pas le métier peuvent avoir une certaine appétence pour le code, ou même des compétences dans ce domaine. Cela en fait un vivier de créativité et d'innovation aujourd'hui rarement exploité.

Pour répondre à ces problématiques, l’entreprise doit se doter d’une plateforme qui permette à la fois de développer du code de manière collaborative mais aussi d’échanger autour des projets, une plateforme accessible à tous (développeurs, non-développeurs, opérations, data scientists...). Cette plateforme doit centraliser les communications, offrir de la visibilité sur tous les projets ainsi que des indicateurs simples. Cela permet une réduction des charges de pilotage et de management : soit un retour à la base du métier.

Attirer, savoir recruter, former et faire grandir ses développeurs

Afin de placer les développeurs au cœur de la création de valeur, il faut savoir trouver les meilleurs talents. L'entreprise 3.0 se doit d’offrir un environnement à la mesure d’attentes en rupture avec les codes traditionnels : meilleur équilibre vie pro/perso, outils numériques, flexibilité des horaires de travail, télétravail, incitation à « l’intrapreunariat » et à l’innovation. Ces éléments sont devenus aussi décisifs dans le choix d’un employeur que le salaire.

Dans le cas précis des développeurs s’ajoutent deux autres critères qui peuvent s’avérer déterminants : la possibilité de participer à des projets open source et donc de travailler à sa propre réputation. Par ailleurs, les développeurs sont exigeants sur les outils qu’ils devront utiliser au quotidien. Ils sont déjà utilisateurs de plateformes telles que GitHub pour leur besoins personnels et n’apprécient guère de devoir subir des systèmes plus anciens et moins conviviaux dans le cadre professionnel.

Sans compter que la marque employeur d’une entreprise bénéficie de sa participation à la communauté open source, qu’il s’agisse de contributions à des initiatives existantes, ou de publication de projets développés en interne, projets qui peuvent être mis en avant par les collaborateurs sur leur profil public. Ainsi, Société Générale et Axa font de de leur choix en matière de plateforme de développement un argument de poids auprès des développeurs qu’ils souhaitent attirer.

Dans un contexte où le recrutement se fait sur les réseaux sociaux (91 % des recruteurs sont actifs sur LinkedIn ou Viadeo), les informations disponibles ne sont pas toujours représentatives des compétences ni de la qualité d'un profil de développeur : s’y trouvera, au mieux, une liste des langages de programmation maîtrisés et rarement des expériences détaillées et actualisées.

Avec la pénurie de candidats dans ces métiers, recruter est devenu un sport de haut niveau, encore plus lorsque les meilleurs profils privilégient la start-up, plus agile, plus innovante, sur de grands groupes. A cette complexité à recruter s’ajoute le fait que l'entreprise cherche le mouton à cinq pattes : le développeur non seulement virtuose du code, mais aussi créatif, moteur de l'innovation, doté d'un sens business et riche de compétences en communication.

A titre d’exemple, parmi les plateformes open source, GitHub s'est forgé une réputation de "Facebook des développeurs". Avec 67 millions de projets open source et plus de 24 millions d’utilisateurs, elle est devenue la référence incontestable pour un recrutement efficace (compétences, contributions projets et interactions, évaluation par des pairs).

Les profils que l’on y trouve constituent une mine d’informations actualisées en temps réel sur l’activité des équipes et des individus : contributions, interactions, et compétences. Autant de données que les équipes RH peuvent exploiter pour déceler des talents en interne, déterminer les possibilités d’évolution et développer des plans de formation.

Faire évoluer la structure projet classique et favoriser l’innovation

TTM, 3 lettres devenues la marotte des entreprises : le Time-to-Market, toujours plus court. Les délais imposés par la structure projet classique (de son engagement économique jusqu’à sa réalisation) ne sont plus compatibles avec les exigences du marché et les contraintes budgétaires de plus en plus fortes.  Les équipes multidisciplinaires (métiers, développeurs et opérations) procèdent désormais par itération courte, font constamment évoluer les spécifications en fonction des retours du métier et des expérimentations effectuées par les utilisateurs finaux. Les nouvelles versions applicatives sont livrées très rapidement, plusieurs fois par jour pour les meilleures équipes. Pour atteindre ce niveau d’excellence opérationnelle, la transparence et le partage des informations sont indispensables. Ces valeurs garantissent un mécanisme d'autorégulation et une plus grande qualité des livrables.

Ainsi, innover et partager ses idées devient le nouvel ADN. Le code ouvert à tous, la transparence des conversations bouleversent les méthodes traditionnelles et cassent les silos établis ; le projet se lance en échappant à la lourdeur habituelle du processus d'engagement qui bride la prise d’initiative des collaborateurs. Les développeurs cherchent à réutiliser le code existant, relisent le code de leur collègues et suggèrent des améliorations. Ce concept, appelé « Innersource », consiste simplement à appliquer en interne les bonnes pratiques utilisées depuis longtemps dans le monde de l'open source.

Ainsi, l’Innersource initie un cercle vertueux où les collaborateurs tirent profit d’autres projets en interne et de l’open source. Or, c’est aujourd’hui dans l’open source que se trouvent les projets les plus avant-gardistes dans le domaine des technologies de l’information. Les exemples sont nombreux : des projets tels que Hyperledger sur la blockchain, TensorFlow sur le deep learning ou encore Kubernetes sur la containerisation adressent les enjeux principaux de la communauté informatique. Certaines grandes entreprises proposent à la communauté open source leurs propres développements (Walmart/OneOps, Netflix/Spinnaker, ATT/ONAP...). La quantité de contenu publiée en open source croît très fortement donnant ainsi accès à autant d’éléments pouvant accélérer les démarches d’innovation au sein des entreprises. Dans ce contexte, l’adoption des pratiques Innersource est un levier permettant de favoriser l’utilisation de l’écosystème open source et de maximiser son potentiel d’innovation et de transformation.