La facture papier : chronique d’une mort annoncée ?

En 2015, seules 5% des factures émises par les entreprises françaises l'ont été de façon électronique. Ce taux est à comparer à un taux de 8% au niveau mondial et au score mirifique de 40% atteint par nos voisins nordiques.

En 2015, seules 5 % des factures émises par les entreprises françaises l’avaient été de façon électronique. Ce taux modeste est à comparer à un taux de 8% au niveau mondial et au score mirifique de 40% atteint par nos voisins nordiques, la Norvège, la Suède, et le Danemark (source : EDICOM). Il faut dire que ces pays ont commencé à légiférer dès 2005 afin de favoriser le développement de la facturation électronique. 

1. Retour sur ces initiatives et obligations règlementaires

La Directive 2010-45 CE de 2010 et la DF de 2013

En 2010, l’Etat français commence sa politique d’incitation à la transition numérique avec la directive européenne 2010-45 CE.  Cette directive modifie le cadre juridique de la facture électronique en proposant trois voies de facturation électronique possibles :

La Voie 1 : PDF simple

Elle impose la mise en place de contrôles permanents et documentés permettant d’établir une Piste d'Audit Fiable entre une facture et la livraison de biens ou la prestation de services qui en est le fondement.

La Voie 2 : PDF signé

Elle impose une signature électronique avancée fondée sur un certificat qualifié et créée par un dispositif sécurisé de création de signature.

La Voie 3 : EDI

Elle impose l’utilisation de l'échange de données informatisées (EDI) répondant aux normes prévues par le code général des impôts.

Outre cette ouverture vers le PDF simple qui s’annonce comme une révolution et un vrai levier pour accélérer le phénomène, compte tenu de l’aspect universel de ce format, il faut retenir de cette directive :

  • L’obligation au 01/01/2014 de mette en place d’une Piste d’Audit Fiable (hors factures EDI et PDF signés) pour les factures au format PDF simple et au format papier. La mise en œuvre d’une piste d’audit implique, pour les entreprises, de documenter les contrôles, qui doivent être décrits, présentés et expliqués.
  • Le contrôle de lisibilité, d’intégrité et d’authenticité de la facture sont obligatoires.
  • L’impression des factures électroniques n’est plus une obligation, l’archivage doit être effectué dans le format d’origine.

L’Ordonnance du 26 juin 2014

Les initiatives réglementaires se sont accélérées à partir de 2014, notamment avec l’ordonnance du 26 juin 2014 qui contraint toutes les entreprises à transmettre des factures électroniques aux entités publiques d’ici 2020.

Le calendrier d’obligation de facturation électronique est progressif en fonction de la taille des entreprises, les plus grandes étant contraintes depuis le 1er janvier 2017 :

  • depuis le 1er janvier 2017 : obligation pour les entreprises de plus de 5 000 salariés et les personnes publiques ;
  • 1er janvier 2018 : obligation pour les entreprises de 250 à 5 000 salariés ;
  • 1er janvier 2019 : obligation pour les petites et moyennes entreprises (10 à 250 salariés) ;
  • 1er janvier 2020 : obligation pour les très petites entreprises (moins de 10 salariés).

Cette seule initiative permettra déjà de voir dématérialisées les 100 millions de factures annuelles destinées aux établissements publics. Indubitablement, elle constitue également un apprentissage à la facturation électronique pour toutes les entreprises qui travaillent avec le secteur public.

L’Article 222 de la loi Macron du 6 août 2015

Si l’ordonnance de 2014 concernait le secteur public, l’article 222 concerne uniquement le secteur privé. Cet article impose aux entreprises de savoir recevoir des factures au format électronique selon un calendrier proche de celui de l’ordonnance de 2014 s’étalant entre 2017 et 2020.

La motivation officielle du gouvernement qui légifère sur le sujet réside dans la réduction des coûts de gestion des entreprises en citant « … les services comptables des entreprises consacrent 30% de leur temps à la saisie manuelle des factures alors que la dématérialisation des factures représente une économie de 50 à 75% par rapport à un traitement papier … ».

Cette obligation reste toujours en attente d’une ordonnance ou loi pour sa mise en œuvre

Le Décret n° 2016-1673 du 5 décembre 2016

Le décret de décembre 2016 définit pour la première fois la notion de « copie fiable » : « la copie fiable a la même force probante que l’original. La fiabilité est laissée à l’appréciation du juge. Néanmoins est réputée fiable la copie exécutoire ou authentique d’un écrit authentique.
Est présumée fiable jusqu’à preuve du contraire toute copie résultant d’une reproduction à l’identique de la forme et du contenu de l’acte, et dont l’intégrité est garantie dans le temps par un procédé conforme à des conditions fixées par décret en Conseil d’État.
Si l’original subsiste, sa présentation peut toujours être exigée »

Le périmètre d’action de ce texte est très large puisqu’il s’applique à tous les documents contractuels.

L’Arrêté du 22 Mars 2017 

L’arrêté du 22 mars 2017 intervient dans le prolongement du décret de décembre 2016 et définit plus précisément le minimum attendu par l’administration fiscale pour la fiabilité de la copie d’une facture.

Ce décret autorise le réceptionnaire de la facture à produire des copies fiables en remplacement des originaux papier. La présomption de fiabilité est cependant soumise à plusieurs conditions :

  • la numérisation doit garantir une reproduction à l’identique de l’original,
  • l’archivage électronique doit être documenté, faire l’objet de contrôles internes pour assurer la disponibilité et la lisibilité pendant la durée légale de conservation de 6 ans,
  • l’intégrité des documents est attestée par une empreinte électronique (signature électronique horodatage ou cachet électronique).

2. Et concrètement ? Dans les faits …

Dans les faits, ce que l’on constate aujourd’hui, en même temps qu’une certaine accélération de l’émission de factures électroniques, ce sont 2 phénomènes concomitants :

  • L’hétérogénéisation des formats de factures : les directions financières doivent faire cohabiter des processus différents pour appréhender la récente diversification des flux de factures reçues. Le format papier reste prépondérant, et vient cohabiter avec le PDF simple transmis par mail (et qui s’impose comme un champion de la facturation électronique), suivi d’assez loin par le PDF signé, l’EDI ou d’autres formats structurés (UBL 2.0, XML, e-fff, …).
  • La nécessaire mise en conformité des entreprises avec la réglementation récente et plus spécifiquement la « Piste d’Audit Fiable », les « contrôles permanents et documentés » ou la « Copie Fiable ».

La dématérialisation de factures, perçue il y a seulement quelques années comme le simple moyen d’automatiser le traitement et la validation des factures se révèle aujourd’hui comme une solution naturelle et facilitante pour résoudre simultanément ces 2 problèmes :

Elle permet d’appréhender naturellement l’hétérogénéité des flux. En effet, ces solutions, dotées d’outils de capture omnicanal, capturent l’ensemble des flux de factures manière automatique, quelle qu’en soit la nature (papier, PDF, données structurées, …), pour les traiter ensuite d’une manière homogène (extraction automatique des données, imputations comptables et analytiques, circuit de validation, …).

La mise en place d’un processus PtoP dématérialisé de bout en bout permet naturellement de bénéficier de :

  • la Piste d’Audit Fiable puisque la solution sera capable de démontrer le fondement d’une facture, de par sa commande initiale et sa réception et de relier les différents documents entre eux (telle une agrafe numérique qui lie une commande, un BL et une facture),
  • les « contrôles permanents et documentés » puisque les règles de contrôle interne sont là formalisées pour définir les circuits de validation électronique (achats ou factures),
  • la suppression des archives papier dès lors que la solution utilisée répond aux contraintes imposées par les textes.