Chorus : les retards de paiement pulvérisent la barre des 6 milliards d'euros

Bercy a revu à la hausse le montant total des retards de paiement engendrés par la mise en place de Chorus. Face aux milliards d'euros d'impayés et retards, la Cour des Comptes n'est plus la seule à s'inquiéter.

C'est un projet presque pharaonique, avec d'immenses enjeux. Le projet du système d'information Chorus doit permettre de gérer la comptabilité de l'État français, ses dépenses et les recettes non fiscales. Successeur d'Accord, Chorus doit remplacer, et donc centraliser plus d'une centaine d'applications de 15 ministères et une centaine d'établissements publics. Il doit aussi être capable de traiter l'écriture comptable complexe des plus de 200 milliards d'euros de dépenses. Pas simple.

Les activités de 2,5 millions de fonctionnaires seront recensées par Chorus, qui sera utilisé par plus de 35 000 personnes. Il doit permettre d'économiser 4 000 emplois. Le coût total du projet, l'un des plus gros jamais réalisés pour un système SAP, devrait assez largement dépasser le milliard d'euros.

Piloté par une agence autonome, l'Agence pour l'informatique financière de l'Etat (AIFE), le chantier compte de très nombreux prestataires : Steria, Accenture, Capgemini, Logica, BearingPoint, Sopra et Axway, ou encore Bull concourent au projet.

"Ce qui nous inquiète, c'est le retard, le montant de la dépense et l'outil lui-même." (Didier Migaud, Cour des comptes)

 

Le problème c'est que son déploiement, évidemment difficile, commence sérieusement à inquiéter au plus haut lieu. Les soucis s'accumulent. Aujourd'hui, selon la situation mensuelle budgétaire publiée par le ministère du Budget, les retards de paiement causés par le déploiement atteindraient "de 6 à 7" milliards d'euros. 

Or, en mai, ils avaient été initialement estimés à 5 milliards d'euros, par une Cour des comptes déjà pour le moins peu rassurée sur le projet et la tournure qu'il prenait. "Ce qui nous inquiète, c'est le retard, le montant de la dépense et l'outil lui-même", avait alors fusillé Didier Migaud, le premier président de la Cour des comptes. A Bercy, Eric Woerth, puis son successeur François Baroin s'étaient fait taper sur les doigts.

Ironie et contrition du gouvernement


Après avoir tenté de minimiser les dégâts, le gouvernement commence à reconnaître les ratés du projet. Fin juin, le ministre du Budget François Baroin, a fait acte de contitrition : "L'Etat fixe des délais de paiement très ambitieux au secteur privé, sans les appliquer à soi-même". Aujourd'hui, fournisseurs et enseignants notamment sont pour l'instant privé de leur dûs.

L'ironie de l'histoire c'est que le système devait justement permettre de réduire ses retards de paiement.

Et les griefs peuvent encore s'accumuler. Le marché a été notifié le 27 mars 2006 à SAP. Le projet a démarré en avril 2007, et le déploiement l'année suivante. Sa fin, d'abord prévue pour l'année prochaine a déjà été reportée au 1er janvier 2012. Dans le meilleur des scénarios.