Pierre Marucchi (Cegedim) "Nous allons poursuivre nos acquisitions"

Après de nombreux rachats, le fournisseur de solutions dédiées à la santé a publié des résultats semestriels décevants, sanctionnés à la bourse. Une stratégie que l'éditeur veut malgré tout poursuivre. Explications.

JDN Solutions. Comment expliquez-vous cette sanction de la bourse ?

Notre chiffre d'affaires a cru de 3,4 % mais nos charges d'exploitation ont augmenté de 5%, et notre rentabilité a régressé. Notre objectif d'améliorer nos marges est remis en cause pour cette année. Or, nous avions annoncé une amélioration de notre profitabilité, ce qui a provoqué cette forte déception. 

Nous avons en fait accumulé du retard sur certains démarrages de projets. La nouvelle version de Mobile Intelligence entraîne des mises à jour majeures et des migrations plus longues et plus coûteuses que prévues.

En 2007, lors du rachat de Dendrite, nous nous étions donné 5 ans pour faire converger cette solution avec la nôtre. Nous étions censés garder les deux lignes de produits d'ici là. Or, en septembre 2009 nous avons sorti de manière anticipée cette solution, Mobile Intelligence. Les modules n'étaient pas tout à fait terminés, mais il fallait que nous les sortions et nous le payons aujourd'hui un peu. Le lancement était sans doute trop anticipé. Nous avons donc rencontré des problèmes purement techniques d'implantation de nouveaux projets, pour des migrations vers la nouvelle version ou pour de nouveaux clients.

Mais il y a aussi d'autres facteurs. Dans les pays riches, notre marché du CRM se réduit car les laboratoires réduisent leur force de vente. Dans les pays émergeants, c'est l'inverse, mais la prestation se vend moins cher. Cela met la pression sur le chiffre d'affaires lié à notre CRM, qui est important puisqu'il représente 40% de nos revenus.

Cela n'a rien à voir avec la demi-douzaine d'acquisitions réalisées cette année, dont certaines conséquentes, aux Etats-Unis notamment, que vous n'auriez pas digéré ?

Nous réalisons des acquisitions pour conforter notre position sur notre marché, la santé. Nous avons notamment acquis deux sociétés d'envergure aux Etats-Unis. Un pays qui est une priorité stratégique pour nous. Dans l'activité One Key (la base de données des prescripteurs),nous étions présents dans 80 pays, sans êtreencore implantés aux Etats-Unis. 

Début 2010, nous avons donc racheté SK&A, une société américaine rentable affichant un chiffre d'affaires annuel d'environ 15 millions de dollars. SK&A disposait d'une des plus belles bases de données nord-américaines, contenant des informations précises pouvant servir de bonnes bases pour prospecter. C'était un actif qui nous manquait. Cela nous aurait pris 3 ou 4 ans de la réaliser par nos propres moyens. Avec cette acquisition, nous avons donc réalisé plusieurs économies et gagné plusieurs années.

Nous envisageons de racheter un éditeur américain et aussi de s'ouvrir vers d'autres pays, comme le Japon.

Quant à Pulse, l'acquisition a été réalisée fin juillet et ne rentre donc pas dans les comptes semestriels, clos avant. Son progiciel de gestion pour les cabinets médicaux commercialisé aux Etats-Unis nous intéressait aussi dans notre stratégie de croissance externe. Il s'agit là en effet d'un marché qui explose, dopé par l'administration Obama qui a lancé un plan et des subventions pour que les médecins s'équipent de ce type de solutions. Pulse fait partie des solutions agréées par le gouvernement. Le résultat se voit sur l'activité de Pulse, qui a réalisé 42% de croissance au dernier semestre. Les médecins qui utilisent ces progiciels pourront aussi enrichir notre base de données.

Nous avons consommé moins de la moitié des fonds levés l'année dernière. Nous allons donc poursuivre nos acquisitions. Nous cherchons les opportunités de nous renforcer. Par exemple un autre éditeur américain, mais non agréé pour faire migrer les utilisateurs vers la solution de Pulse ? Pourquoi pas, mais nous n'avons pas de piste. Nous envisageons aussi de s'ouvrir vers d'autres pays, comme le Japon. Nous savons cependant depuis cette levée de fonds que nous nous concentrons sur des acquisitions de taille moyenne.

Quels leviers d'amélioration de rentabilité avez-vous identifiés ?

La solution commence donc par la résolution du problème purement technique évoqué. Ensuite, nous n'aurons plus qu'une ligne de produit. Ce sera plus simple à maintenir, et plus facile pour la R&D aussi. Ensuite la réduction de forces commerciales des laboratoires pharmaceutiques, et donc d'utilisateurs de nos solutions CRM, va finir par s'arrêter. Cela va même sans doute repartir à la hausse. Je pense qu'il faudra attendre 2012, mais je suis confiant.

Pour la business unit dédiée au CRM, c'est donc un passage délicat temporaire. One Key, notre base de données concernant 8 millions de médecins et professionnels de la santé et 6 millions d'emails, est un gros avantage concurrentiel. Or nous vendons notre CRM et cette base de données. Nos concurrents, Siebel/Oracle, ou, moins haut de gamme, Salesforce n'ont pas de telle base de données. J'ai donc aussi confiance.

Pour la business unit dédiée aux progiciels pour médecins, nous prévoyons une forte croissance, notamment aux Etats-Unis, car le marché est moins florissant en France. Le chiffre d'affaires de Pulse devrait quadrupler d'ici quatre ans. Pulse atteindrait alors disons 50 millions d'euros, et ainsi le chiffre d'affaires du groupe aux Etats-Unis passerait de 13% de nos revenus totaux à 17 ou 18% d'ici quatre ans.

Enfin la troisième business unit franco-française et dédiée au monde de l'assurance devrait progresser aussi. En résumé je table sur une croissance faible pour 2011, mais je suis très optimiste pour 2012.

Pierre Marucchi est directeur général délégué de Cegedim. Il est diplômé de l'Ecole Nationale Supérieure des Télécommunications, de l'Université de Stanford (USA) et du Centre d'Etudes Supérieures Bancaires. Il est également membre de l'Institut des Actuaires Français. Pierre Marucchi débute sa carrière en 1977 au Crédit Lyonnais où il occupe différentes fonctions techniques et commerciales. Directeur général délégué de Cegedim qu'il a rejoint en 1984, Pierre Marucchi est très impliqué dans les opérations de croissance externe du Groupe tant en France qu'à l'international et supervise les Directions Financières, Juridiques, Qualité et RH.