AMP : quelle adoption, un an après ?

AMP : quelle adoption, un an après ? Prôné par Google, le format AMP, optimisé pour le mobile, arrivait dans les résultats du moteur il y a un an. Depuis, le nombre d'adeptes a crû, mais il reste des réticents. Zoom sur les arguments des uns et des autres.

Il y a un an tout juste, en France, Google commençait à faire remonter tout en haut de ses résultats, sur mobile, un nouveau format de pages web appelé "AMP" et pensé pour alléger les pages et les rendre ainsi beaucoup plus rapides sur mobile. AMP s'adressait alors uniquement aux médias, qui, en l'adoptant, pouvaient remonter tout en haut des résultats de Google sur mobile, au sein d'un carrousel d'actualités. Quelques médias s'étaient lancés rapidement. Le JDN avait alors fait les comptes : sur les 50 sites média qui faisaient le plus d'audience, 13 l'avaient adopté fin février 2016, lors du lancement. Un an après, le JDN a refait le compte.

Site Pages AMP au 02/16 Pages AMP au 02/17
Le Monde  non non
France Télévisions (francetvinfo.fr) oui oui
Le Figaro  non non
Télé Loisirs  non non
Le Parisien  oui oui
L'Equipe non  non
20minutes.fr oui oui
Linternaute.com  oui oui
L'Express non oui
BFM TV non non
L'Obs  non non
MYTF1 oui oui
Le Journal des Femmes oui oui
Metronews.fr / lci.fr oui oui (lci)
Le Point non oui
Eurosport non non
Au Féminin non oui
Pure People non oui
Huffington Post non non
Libération non oui
Ouest France oui oui
Gentside non non
Europe 1 non oui
Femme actuelle non non
Les Echos oui oui
La Voix du Nord non non
RTL oui oui
Konbini non oui
Sud Ouest oui oui
Tele 7 Jours  non non
Public oui oui
Caradisiac non non
Foot Mercato  non non
La Dépêche  non oui
Minutebuzz non non
Closer non oui
Elle non non
Melty non oui
Magicmaman.com  non non
Slate non non
Télé Star non non
Le Dauphine non non
Les Numériques non oui
Clubic non non
Futura-Sciences non non
Voici non non
Télérama non non
France Info non oui 
Le Journal du Net oui oui

De 13, le chiffre est donc passé à 25. Soit la moitié des 50 sites listés. Les nouveaux adeptes (voir le tableau ci-dessus) sont : L'Express, Le Point, Au féminin, Pure People, Libération, Europe 1, Konbini, La Dépêche, Closer, Melty, Les Numériques, Francetvinfo… Mais tout en haut du tableau, dans le top 10, c'est immobile. Le JDN a voulu savoir quels étaient les arguments de ces médias réticents.

L'un des problèmes vite pointé du doigt est intimement lié au fonctionnement même d'AMP. Google sert en effet les pages AMP depuis son cache… et depuis une URL qui lui appartient (de type "www.google.fr/amp/www.sitedumedia.fr" et non de type www.sitedumedia.fr). Pour Médiamétrie, l'audience réalisée sur AMP ne peut donc pas être attribué au média qui propose initialement article. C'est un point bloquant au Figaro par exemple. C'est aussi l'argument qu'a transmis L'Equipe au JDN : "nous n'irons pas dessus tant que l'audience ne sera pas comptabilisée pour les éditeurs", a tranché Emmanuel Alix, directeur du pôle numérique de L'Équipe.

Pourquoi un site comme Le Monde refuse

Pour le Monde, "Google doit améliorer sa proposition"

Le Monde non plus n'a pas voulu en être. "Nous sommes pragmatiques. Pour l'instant, nous ne pensons pas que nous avons à y gagner en adoptant AMP", estime Julien Laroche Joubert, le directeur du numérique du Monde. Pour autant, il ne peut pas citer un point particulier qui le gêne le plus. C'est plutôt la copie globale qui doit être revue, selon lui. "La balle est dans le camp de Google, qui doit améliorer sa proposition. En l'état, elle ne nous convient pas, mais si une meilleure proposition est faite, alors, nous pourrions changer d'avis". Il pense aussi, un peu, pouvoir prendre en otage la pertinence des résultats de Google. "Je m'interroge également sur la pertinence des résultats de Google, si ces derniers font remonter tout un haut un carrousel d'articles d'actualité où ne figurent ni le Monde, ni le Figaro, mais où défilent des articles qui pourront avoir juste bâtonné de la dépêche".  

Ces blocages résisteront-ils ? L'ACPM commence à diffuser les audiences réalisées par les médias sur AMP (les premiers chiffres, partiels, sont déjà tombés, et les prochains, attendus dans quelques semaines seront plus complets). Médiamétrie a déjà annoncé le lancement d'une catégorie "agrégat de contenu" qui devra prendre en compte AMP (mais aussi Instant Article de Facebook). Même Google a aussi fait un (petit) pas, en permettant aux pages AMP d'être partagées avec leur URL originale (et non celle de Google).

Du trafic SEO à gagner ? Vraiment ?

Le Monde arrive à remonter sur une requête importante, comme "Fillon", sans avoir de page AMP. © Capture

Un site comme le Monde n'a-t-il vraiment rien à y gagner ? Même pas de l'audience ? Curieusement, les deux fois où nous avons tapé "Fillon" sur notre mobile, à quelques jours d'intervalle, le carrousel de pages AMP est bien apparu tout en haut, mais juste en dessous, à chaque fois, figurait aussi un article du Monde (voir ci-contre)... Pas sûr qu'avoir une page AMP aurait dopé son trafic donc. Bien sûr, il ne faut pas tirer de conclusion après deux requêtes, mais cela invite à se demander si adopter AMP permet vraiment de gagner du trafic SEO, de manière incrémentale. Consultante spécialisée sur ces questions, Virginie Clève n'a aucun doute la dessus : "AMP permet de gagner du trafic, et le potentiel est même grand pour les sites qui ne brillent pas sur Google News", explique la consultante qui donnera bientôt une conférence sur le sujet, lors du SEO Campus début mars. En effet, les sites peu visibles dans Google Actualités et dans les "newsbox" ont pu profiter d'AMP pour se hisser très haut dans les résultats, parfois sur des requêtes très porteuses. Et, poursuit la consultante, "pour des sites déjà bien positionnés dans Google News et les newsbox, ne pas être dans le carrousel AMP présentait le risque de voir une audience mobile baisser, au profit de concurrents, qui eux, sont bien visibles dans le carrousel. Dans ce cas, c'est alors plutôt une stratégie défensive". 

"Et le gain de trafic observé par ceux qui ont adopté le format peut souvent être encore amélioré, car même chez des sites d'envergure, l'implémentation AMP n'est pas toujours très bien faite. A mon avis, c'est parce que c'est un dossier qui a souvent été géré par la DSI, et seulement avec l'aide de Google. Mais cela se révèle souvent insuffisant : le SEO aurait dû être mis dans la boucle. Car une fois inspecté et corrigé, un code AMP valide permet d'encore mieux remonter dans les résultats de Google", a pu observer Virginie Clève.

Pas de blocages techniques

Des optimisations peuvent être faites, mais les blocages techniques majeurs sont levés : les outils de web analytics, comme Google Analytics (évidement) mais aussi AT ou Adobe peuvent intégrer les pages AMP (même celles servies depuis le cache de Google). Sur la monétisation, la régie Google est évidemment fonctionnelle, mais aussi les principaux adservers (AppNexus, Smart AdServer, OAS…), ou les solutions de native d'advertising (Taboola, Ligatus, Outbrain...).

VSD, Gala, et Voici vont adopter AMP

C'est cet ensemble de feux verts, associé à la promesse d'audience qui a pu motiver des sites à adopter le format. Et la liste des adeptes va continuer à s'allonger. Chez Prisma par exemple, le site de Capital a déjà des pages AMP, mais d'autres titres de ce groupe vont aussi le déployer. Cela doit être le cas, dès cette année de VSD, Gala, et Voici. "L'organisation est assez décentralisée chez Prisma. L'adoption d'AMP dépend des roadmaps parfois déjà bien chargées de chacun, mais le but, à terme, est de passer toutes les pages d'actualités des sites du groupe au format AMP", annonce Maël Montarou, directeur du développement d'audience chez Prisma Media. Certains réticents vont aussi tester. C'est le cas de L'Equipe, qui va aussi, finalement, réaliser des tests sur un sport.

Pression accrue

La pression sur les sites réticents va aussi être plus forte lorsque Google aura déployé "AMP live" dans ses résultats, dans quelques semaines : on imagine alors un nouveau carrousel d'AMP live, au-dessus d'un autre carrousel AMP contenant des actualités, peut-être lui-même au-dessus d'un autre carrousel AMP contenant les actualités d'un seul site. De quoi bien exposer les sites ayant parié sur AMP… et, sans doute, par ricochet, priver de visibilité ceux qui n'ont pas de telles pages AMP, car une page de résultats de Google est un jeu à somme nulle.

Google a donc réussi à obtenir l'adoption d'un nombre croissant de médias. Reste à voir si AMP arriver convaincre autant les e-commerçants, comme le souhaite le moteur, qui n'a pour l'instant qu'eBay comme belle référence à citer….